Chapitre 2

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 — Virginia ! Debout, elles arrivent !

La voix pressée de Marie réveilla son amie en sursaut. Cette dernière mit quelques instants pour se rappeler de leur situation avant de la rejoindre. Une dizaine d'âmes avaient déjà traversé et regardaient autour d'elles d'un air plus ou moins confus. Les seules émotions que l'on pouvait lire d'elles était les résidus de celles vécues au moment de leur mort : des larmes, des expressions d'horreur encore plaquées sur le visage et s'estompant lentement, des cheveux hirsutes ou bien des tâches rouge sombre sur leurs vêtements. Aucune d'elles ne paraissait garder un souvenir clair de ce traumatisme. Les deux ingénieures les dirigeaient vers le quai grâce aux files, mises en place quelques heures plus tôt. Elles leur adressaient paroles d'encouragement et directions avec des sourires rassurants.

Les premières fois où elles avaient accueilli des âmes, elles n'avaient pas été aussi prévenantes. Cela leur avait fait comprendre à quel point les âmes s'imprégnaient de l'atmosphère ambiante : plus les jeunes femmes étaient accueillantes et moins les âmes ne posaient de problèmes. Ce comportement moutonnier expliquait le besoin d'isoler les âmes turbulentes. Pour l'instant, aucune d'elles n'étaient à signaler. Une cinquantaine avait déjà passé le portail. Emportées par l'effet de foule, Marie et Virginia n'avaient pas besoin de beaucoup de persuasion pour les entrainer vers le quai.

— Ça parait trop beau tout ce calme, lança Virginia.

— Je ris si une agitée arrive.

Les agitées. Cette fois, c'était Marie qui avait trouvé ce surnom pour les âmes tumultueuses. En réalité, la première fois, elle les avait plutôt appelées « les agitées du bocal ». Ce surnom avait rapidement été écourté pour aller plus vite. Malheureusement, l'une d'elles finit par traverser le portail, comme si le simple fait d'en parler l'avait invoquée. Ce fut Virginia qui la repéra en premier.

— Marie ! Agitée qui traverse, je m'en occupe !

Elle n'attendit pas d'avoir une réponse et se faufila entre les âmes qui commençaient déjà à s'animer. Cette âme-ci allait être une tannée à gérer au vu de l'énergie qu'elle dégageait. C'était une jeune femme vêtue d'un chemisier bleu pâle sali par la poussière et le sang, et d'un pantalon ajusté. Son visage jurait avec ce style vestimentaire tiré à quatre épingles. Il était déformé par la panique et la terreur, la folie brillait presque dans ses yeux. Ses cheveux s'emmêlaient à ses longues boucles d'oreilles tant elle tournait la tête dans tous les sens à la recherche de quelque chose de familier. Virginia l'atteignit et posa sa main sur son épaule.

— Hey, tout va bien, l'interpella-t-elle doucement. Venez avec moi, je vais vous montrer le chemin.

— Non, non, non, vous ne comprenez pas ! Je dois le retrouver !

— Venez, on va le chercher ensemble, ne vous inquiétez pas, tenta de la calmer Virginia.

— NON ! Je dois le retrouver ! Maintenant ! Qui êtes-vous d'ailleurs ? Je ne vous connaît pas ! Laissez-moi !

L'âme se dégagea avec force de la prise de l'ingénieure et s'élança dans la foule en poussant quiconque sur son chemin. Elle était hors de contrôle. Virginia poussa un soupire puis fit craquer son cou, prête à en découdre, avant de s'élancer derrière elle.

— Madame attendez !

Elle aida les âmes tombées au sol à se relever et rassura les autres sur son passage. Elle perdait du terrain. Grâce à sa grande taille, elle repéra Marie plus loin et l'agitée qui lui fonçait dessus.

Le Dernier arrêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant