Chapitre 19

5 2 0
                                    

Les roues crissèrent sur les rails lorsque le train ralentit. Comme d'habitude, les portes s'ouvrirent dans un soupir métallique. Il était étrange de l'entendre de l'intérieur du train cette fois. Ce n'est qu'une fois que toutes les portes furent ouvertes que les âmes commencèrent à se lever pour sortir. Comme des robots.

Nils et Marie attendirent qu'une bonne partie des âmes soient descendues pour les suivre, se fondant dans la masse. Le quai se trouvait sous un toit haut en métal, identique à celui des gares, si bien que Marie eut peur qu'ils se soient trompés d'arrêt. Nils n'avait pas parlé du quai en lui-même...

Mais bientôt, ils descendirent une petite volée d'escaliers et se retrouvèrent sur un chemin de terre encadré par des champs de fleurs infinis. Le soleil était haut dans le ciel et une douce chaleur les engloba. Marie leva la tête vers le ciel bleu et ses quelques nuages nacrés, émerveillée. On aurait dit un tableau. Ou un des plafonds dans les châteaux d'autrefois. Tout était si clair, mais elle n'était pas aveuglée.

Elle avait dû ralentir le rythme, car une âme lui rentra dedans. Elle aurait perdu l'équilibre si Nils ne l'avait pas retenue. Il lui prit la main et la serra dans la sienne.

— Tu ne m'avais pas dit que c'était aussi beau...

— Ce n'est pas quelque chose qui se décrit, c'est quelque chose qui se vit.

— Depuis quand t'es philosophe ?

Il lui sourit pour toute réponse et elle dut admettre que ce n'était pas faux. Il lui avait décrit l'endroit mais elle ne s'était pas imaginé quelque chose d'aussi incroyable. Toutes ces couleurs, cette chaleur, ces odeurs... Tout était si intense mais sans être trop. Elle ressentait tellement de choses qu'elle ne savait plus où donner de la tête. Tout lui paraissait si étrange mais si familier. Une odeur de lavande lui chatouilla les narines et elle se revit courir dans la cour de son école, chassant ses amis en rigolant. Puis une odeur de gâteau au yaourt prit le dessus et elle eut l'impression d'être dans la cuisine avec sa mère, de la farine partout sur la table et le bras engourdit à force de remuer.

Une pression sur sa main la ramena à la réalité et elle leva les yeux vers Nils.

— Ça va ?

Marie hocha la tête et lui sourit pour le rassurer. Ils continuèrent à avancer avec le flot. Les âmes avançaient lentement mais d'un même pas. Ils devaient garder le rythme car ils évoluaient en rangs serrés et les âmes ne semblaient se soucier que d'une chose : avancer. Si Marie ne faisait pas plus attention, elle se retrouverait probablement par terre et écrasée par cette foule.

Elle jeta un regard à Nils. Il regardait partout, légèrement tendu. Elle lui envia sa taille. Pourquoi diable fallait-elle qu'elle soit si petite ? Lui pouvait voir où ils allaient et surveiller qu'un garde ne leur tombe pas dessus par surprise. Elle, elle ne pouvait qu'avancer à l'aveugle avec pour seuls guides la main de Nils et l'âme devant elle.

— Tu vois quelque chose ? demanda-t-elle.

— Rien que des âmes, des âmes et... Oh ! des âmes.

Elle rit légèrement et il tourna la tête vers elle en souriant.

— On risque de marcher un moment, vu cette foule, ajouta-t-il plus sérieusement.

Le Dernier arrêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant