Chapitre 8

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Marie dévissait un boulon fraîchement serré pour la troisième fois consécutive en pestant. Elle avait la tête tellement ailleurs qu'elle oubliait presque systématiquement la rondelle à mettre avant le boulon.

Elle avait ressassé sa conversation avec ses amis encore et encore jusqu'à en avoir mal à la tête. Elle ne pouvait pas se résoudre à abandonner toutes ces âmes sans savoir ce qui leur arriverait. D'un autre côté, elle ne pouvait pas imaginer à quoi ressemblerait sa vie seule ici. D'autant plus qu'elle n'avait aucune garantie de les revoir une fois qu'ils seraient montés dans le train.

— Maudite gare...

Elle serra son dernier boulon et se redressa. Elle devait avoir mis trois fois plus de temps que prévu à changer cette partie de rail. Le point positif était toutefois qu'elle avait une bonne excuse pour éviter tout échange avec ses amis.

— Abandonner ses amis ou des centaines d'âmes, maugréa-t-elle. C'est presque pire que de choisir entre son père et sa mère.

Elle frotta ses mains sur son pantalon sans se soucier des tâches qu'elle faisait. Ce qui l'énervait sans doute le plus était qu'elle passait plus de temps à éviter ses amis qu'à profiter du temps qui lui restait avec eux. Mais elle pourrait rattraper ce temps si elle partait avec eux.

Un lourd soupire lui échappa. Elle récupéra ses outils et alla les ranger dans l'atelier. L'ampoule projetait une lumière chaude sur la petite pièce. La poussière voletait lentement dans ses rayons. Est-ce qu'elle pourrait vivre seule ici ? Allait-elle devenir folle à force de côtoyer des êtres sans substance ?

Elle sortit de ses pensées quand un grain de poussière vint lui chatouiller la narine. Elle se frotta le nez, à deux doigt d'éternuer, un air irrité sur le visage.

— Maudite poussière...

— Je t'ai jamais vu aussi énervée pour tout et n'importe quoi.

La voix grave de Nils la fit légèrement sursauter et elle se retourna pour le fusiller du regard.

— Faut vraiment que tu perdes cette habitude de te faufiler derrière les gens sans faire de bruit.

— J'en ai fait, répondit-il en toquant contre l'encadrement de la porte contre lequel il était appuyé. T'as pas réagi.

Un léger sourire étirait ses lèvres. Ses yeux vifs observaient Marie sans gêne. Cette dernière sentit ses joues chauffer et se tourna de nouveau vers ses outils pour éviter qu'il ne s'en rende compte.

— Tu m'espionnes ou quoi ? marmonna-t-elle.

— J'ai rien de mieux à faire.

— Ça veut dire quoi ça ? Tu peux pas aller embêter ta soeur par exemple ?

— Et l'écouter raconter des bêtises à Virginia ? Non, non, c'est bien plus drôle de te regarder revisser dix fois le même boulon en l'engueulant, se moqua Nils.

— Euh stalker alert ?

Marie accrocha la dernière clé à son clou et s'appuya contre l'établi, faisant face au jeune homme. Il l'observait toujours de ses yeux perçants. Cette fois, Marie soutint son regard en souriant légèrement. Elle aimait le fait qu'il lui changeait toujours les idées, sans même s'en rendre compte. Leurs interactions avaient toujours été naturelles. C'était en partie pour cette raison qu'elle avait développé des sentiments. Ça et son charme. Tout était plus simple avec lui.

Le Dernier arrêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant