Chapitre 3

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Marie consulta l'heure sur le gros cadran de la gare. Le train devrait arriver le lendemain, jour de pleine lune. En attendant, les âmes patientaient sur les bancs, sans un bruit. Il était étrange de voir un lieu si rempli mais si silencieux. Une réelle gare fantôme.

Le gros point positif des âmes était qu'elles ne mangeaient pas. Elles ne faisaient qu'attendre. Les âmes étaient si passives que ça en était presque barbant pour Marie et Virginia. Les journées se ressemblaient toutes et elles étaient ravies de l'arrivée du train, qui dynamisait un peu leur routine.

Une pulsion lumineuse émana du portail, signalant l'arrivée d'une nouvelle âme. Marie se dirigea tranquillement jusqu'à celui-ci, ravie d'une distraction dans sa ronde quotidienne. Une vieille femme se tenait devant, visiblement déboussolée. Elle était habillée d'une chemise de nuit blanche, pieds nus.

— Bonjour madame, par ici je vous prie.

La vieille dame rendit son sourire à Marie et la rejoignit.

— Bonjour ma petite, qu'est-ce que cet endroit ?

— Vous êtes à la gare 17, dernier arrêt avant l'Après.

— Oh, c'est bien mignon ici...

Si la prise de parole inhabituelle de cette âme avait surpris Marie, elle n'en laissait rien paraître. Elle savait que chaque information partagée allait être oubliée dans les heures suivantes. Même l'âme la plus bavarde finissait muette et impassible après quelques jours. De toute façon, cette information semblait rentrer par une oreille et ressortir de l'autre chez la vieille dame.

— Venez, je vais vous amener jusqu'au quai, lui dit Marie en glissant son bras sous le sien.

— C'est bien gentil ma petite. J'espère que ce n'est pas trop loin, j'ai les genoux un peu abimés et ils me font souvent mal.

— Ne vous inquiétez pas, c'est juste à côté.

Quelques minutes plus tard, Marie trouvait une place pour la vieille dame sur un banc occupé par un jeune homme. L'ingénieure l'aida à s'asseoir, ce qui ne sembla pas perturber le moins du monde son nouveau voisin, qui regardait toujours dans le vide. Marie ne s'en préoccupa pas. À vrai dire, c'était plutôt normal comme comportement pour une âme.

Lorsque Marie fut sûre que la vielle dame ne se relèverait pas pour errer dans la gare, elle s'éloigna pour retourner à sa ronde. L'âme tourna son attention vers son voisin.

— Bonjour jeune homme. C'est un bien bel endroit, vous êtes ici depuis longtemps ?

L'interpellé pivota lentement vers la vieille dame, la regarda quelques secondes sans vraiment la voir puis hocha la tête. La conversation s'arrêta aussi vite qu'elle avait commencé.

Marie observa la gare remplie. Bientôt ces âmes allaient partir et d'autres les remplaceraient. Ce cycle paru soudain sans fin à Marie. Aurait-elle, elle aussi, droit au repos éternel ? Ou du moins, le droit de quitter cette gare et cette routine affreuse ? Affreuse ? Non, j'exagère.

Encore ce sentiment étranger. Marie n'arrivait pas à comprendre d'où ces pensées venaient. Elles sortaient de nulle part, toujours en réponse à ses doutes. Je me pose trop de questions... Une migraine lui prit la tête et elle abandonna ses réflexions.

Le Dernier arrêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant