Chapitre II

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Horrible. Affreux. Abominable. Je n'avais pas d'autres mots pour qualifier cette situation. Alors malgré tout mes efforts, je ne pus empêcher des larmes de colère, d'impuissance et de tristesse de couler sur mes joues.

Sybille me rejoignit sur les marches de l'escalier où j'avais décidé de m'asseoir. Elle me prit dans ses bras tandis que Laurent me tapotait l'épaule. André était en plein conversion avec Papa et Maman, dans laquelle j'entendais les mots « fuir », « déménager », ou encore « saisir la justice » (il venait d'entamer des études de droit). Bref tout le monde essayait de m'aider, ce qui rendait encore plus difficile l'idée que je devrai bientôt les quitter. Oppressé par cette situation qui me dépassait, je montais dans ma chambre en demandant à être seul un moment. Je ne restai pas assez longtemps pour voir que Sybille, habituellement très impassible, s'était, elle aussi, mise à pleurer.

Je me morfondais sur mon lit en chien de fusil, serrant fort mon coussin contre ma poitrine pour étouffer mes sanglots. J'avais commencé à mettre de la musique pour me changer les idées mais aucune ne me rappelait pas au moins un moment passé avec ma famille. J'avais fini par l'éteindre et désormais c'était désormais les objets de ma chambre qui servait de madeleines de Proust. Cette collection des livres de Magarcane, c'était mon frère Laurent qui me les avait offerts à mon anniversaire, avec Papa et Maman. Et ce dessin de moi exécutant un salto, c'était Jacques qui me l'avait donné il y a deux ans. Le poster de Belmondo, à droite de mon bureau, avait été scotché pas Sybille qui refusait que je le retire, affirmant qu'il était un modèle du cinéma français à ne jamais oublier. Par terre trainaient aussi deux poupées de Sophie qu'elle avait laissée en plan après que nous ayons joué ensemble au papa et à la maman. La pensée de quitter tout ce monde me donnait un de ces cafard ! C'était inimaginable.

- Je peux entrer ? m'interrogea doucement Maman qui toquait à la porte de ma chambre.

Je murmurai un « hum » et vis Papa et Maman rentrer en rabattant la porte derrière eux.

- Arthur, mon chéri, je voulais te dire que tu ne dois surtout pas t'inquiéter, je te promets que nous ne les laisserons pas faire. Ils ne t'arracheront jamais à nous.

- Pourquoi ne m'avoir jamais précisé cette « condition » de mon contrat d'adoption ?

- Parce que nous n'avions jamais imaginé un instant que cette situation pourrait se produire et nous ne voulions pas t'effrayer inutilement, tu comprends ?

- Non. J'avais le droit de savoir, vous ne pouviez pas être absolument certains qu'ils ne viendraient pas me chercher.

- Si Arthur, intervint Papa, nous en étions persuadés. Tout simplement parce qu'ils, je suis désolé de te le dire comme ça, mais ils ne voulaient vraiment pas de toi et souhaitaient à tout prix se débarrasser de ta présence. Ils nous l'avaient fait comprendre plus d'une fois.

- Parce que j'étais trop moche c'est ça ?

- Oh Arthur, ne dis pas ça, s'écria Maman presqu'au bord des larmes, tu sais bien que c'est faux, tu es un garçon tout à fait charmant, tu ...

- ...as juste une jambe complétement laide et inutile.

- Tu sais bien qu'elle n'est pas totalement inutile...

- Non, c'est vrai elle sert à me faire mal.

- Ça suffit, intervint Sybille qui venait d'entrer, arrête de te morfondre sur ta jambe. Ce n'est pas comme ça qu'on va empêcher tes parents biologiques de te récupérer !

- Ce ne sont pas mes parents !

Elle leva les yeux au ciel.

- Comme tu veux, en attendant nous devons trouver une solution pour te garder avec nous.

- Qui a dit qu'on voulait le garder avec nous ?

J'aperçus André dans l'embrasure de la porte qui affichait un sourire narquois en disant cela, pour me faire rire. Manque de chance, aujourd'hui, cela ne fonctionna pas. De toutes façons Sybille répondit à ma place :

- Moi, je veux bien le garder. Avec lui, au moins, on peut véritablement parler.

- Tu plaisantes ? Personne n'est aussi attentif que moi ! s'offusqua André.

- Les enfants, c'est assez, nous devons réfléchir sérieusement !

- J'y ai justement réfléchi Maman, précisa André, c'est pourquoi je suis venu vous voir. Que je vous explique : premièrement, nous allons devoir exclure l'éventualité d'une fuite ou d'un déménagement, ils n'auront qu'à se procurer notre nouvelle adresse et le problème restera le même. Deuxièmement, la seule solution qu'il nous reste serait de saisir la justice mais le côté financier entre alors en compte. Et troisièmement, même si nous en avions les moyens, ce qui n'est pas le cas, je ne suis vraiment pas sûr qu'ils soient dans leur tord et toute procédure serait alors vouée à l'échec.

- Bon, en gros, la situation est désespérée, c'est ça ?

- Je ne dirais pas non plus qu'elle est désespérée Arthur, soupira Papa, mais sache que s'il n'y avait que le problème financier, nous aurions su nous débrouiller, notre fils est bien plus important que tout l'or du monde. Malheureusement, comme le disait ton frère, saisir la justice se révèlerait inutile ici. Ils ont tous les droits de te reprendre Arthur. Mais il doit bien exister un moyen...

- Alors pour l'instant, il n'existe vraiment aucune solution ? m'exclamai-je, en proie à l'abattement.

- J'ai une idée, je vais partir avec toi, s'écria Sybille. On s'enfuira loin et ils ne te retrouveront jamais, ils finiront par t'oublier et alors tu resteras avec nous à tout jamais ! Et...

- Non ! Je partirai, la coupa André, je suis plus grand et je peux plus facilement faire une pause dans mes études que toi !

- Bien sûr que non, moi il me suffira de redoubler ma terminale.

- Arrêtez ! Ne quittez pas vos études pour moi, je dois partir et puis c'est tout. Ce n'était pas normal d'être aussi heureux pendant toutes ses années, il fallait bien qu'un truc comme ça me tombe dessus un jour ou l'autre.

- Tu t'entends parler ? s'offusqua Maman. Ce que tu dis est ridicule alors garde la tête froide. Nous allons commencer par les appeler pour essayer de les raisonner dans un premier temps. Nous aviserons ensuite sur la façon dont nous allons procéder.

- Je préfère les appeler moi-même si vous voulez bien, ajoutai-je tristement. Je pense que... c'est à moi de le faire.

- Oui, tu as peut-être raison, acquiesça Papa, mais je reste avec toi au cas où.

- Entendu, nous allons vous laisser, ajouta Maman avant de se tourner vers mon père : d'ailleurs comment t'es-tu procuré leur numéro ?

- Je suis allé consulter leur fiche tout à l'heure.

Papa faisait partie de la gendarmerie, il avait dû aller dégotter des documents les concernant. Mais était-ce vraiment légal ? A la seconde suivante, je me rendais compte de l'absurdité de ma réflexion. Papa parlait de la fiche concernant mon adoption. Ils m'avaient recueilli, cela semblait donc normal qu'ils aient les coordonnées de mes parents biologiques.

- Bon, eh bien allons-y.

Papa composa leur numéro et nous attendîmes.

Sur les traces de l'espéranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant