Chapitre IV

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Voilà. L'heure du départ était arrivée. Mes parents biologiques attendaient devant la maison. L'angoisse me serrait le ventre mais je m'étais promis de rester fort et...digne. Comme pour leur prouver qu'ils ne m'atteindraient pas. Quoiqu'il arrive.

J'avais simplement choisi d'emporter quelques tenues auquel je tenais peu, mes deux Magarcane préférés et un petit Missel renfermant quelques prières que Laurent m'avait confié. C'était celui que l'on utilisait pour dire la prière, chaque soir, en famille. J'étais content de l'avoir emporté avec moi, je sentais que j'en aurais besoin.

Dès que je fus en bas des marches de l'escalier, Jacques courut vers moi pour me serrer entre ses petits bras. Levant la tête vers moi, les sourcils froncés, il insista en reniflant :

- Pars pas Arthur, si te plé...

Je détournai la tête pour prendre une grande inspiration, serrant les lèvres et écarquillant les yeux pour ne pas pleurer. Sybille vint à ma rescousse en lui souriant gentiment :

- Je crois que tu le serre un peu trop fort là.

Il s'écarta mais me demanda à nouveau :

- Tu reviens vite hein ?

- Bien sûr que oui il va revenir vite, du moins il a intérêt. N'est-ce pas Arthuuur ?

Les sourcils froncés de Sybille et son regard insistant m'incitait à répondre au plus vite. Je déglutis :

- Oui bien sûr ! Je ne pars que trois mois après tout. Je vous rapporterai des cadeaux !

Tous se rendaient compte de l'absurdité de ce que je venais de dire, je ne partais pas en visite touristique. Non. J'étais purement et simplement arraché à eux. Néanmoins André répondit très sérieusement :

- T'as intérêt à nous ramener quelque chose ouais mais surtout ramène toi vite. Sur qui je vais me défouler maintenant ?

- Sur Sybille ? proposa Laurent, qui avait déjà eu le temps de me faire ces adieux avant que je ne descende.

- Ouiiiii sur Sybille !!

Sophie n'avait pas l'air de tout bien comprendre mais son intervention eut au moins le mérite de nous faire rire. Je m'approchai de la porte d'entrée pour dire au revoir à Papa et Maman quand André s'interposa pour me serrer dans les bras, il me chuchota à l'oreille :

- Rappelle-toi que t'es un BG, mec. Alors, quoi qu'ils te fassent reste fort, ok ? T'as un bon fond et t'es courageux, ils ne peuvent pas te retirer ça alors... (il sourit) sois digne d'être mon petit frère, d'accord ?

- Promis André.

Il relâcha son étreinte. Papa et maman me prirent tous deux dans les bras aussi. C'était le festival des câlins apparemment ! Non en fait là ce n'était pas drôle, c'était juste triste.

- Nous t'atteeeeeeendons Arthuuur !

La voix criarde de Cruella (nous avions décidé de la nommer ainsi avec Sybille) me fit frissonner. Papa dût remarquer mon tourment, car il me prit par les épaules en me regardant droit dans les yeux.

- Laisse, on a bien le droit de dire au revoir à notre fils, non ?

- Tu vas tellement nous manquer mon chéri.

- Mais ne t'inquiète pas Maman c'est comme si je partais en colo l'été en un peu plus long c’est tout, c'est pas non plus une éternité.

- Mais on ne pourra même pas t'appeler !

Elle était au bord des larmes, Papa la serra contre son torse. Puis, ils me bénirent tous les deux comme ils avaient l'habitude de le faire chaque soir avant que j'ailles me coucher. Papa me prit à part instant :

- Tes fichiers d'adoption stipulaient qu'ils travaillaient tous deux dans une entreprise garagiste mais malgré toutes mes recherches, je n'ai rien trouvé concernant cette entreprise sur Internet, donc reste sur tes gardes mon grand. Ils ne m'ont pas l'air très nets ces gens-là. Mais rassure-toi, s'il arrivait qu'ils ne te traitent pas bien ou quoi que ce soit dans ce genre, il te suffira de nous contacter par le biais du directeur de ton nouveau lycée, d'accord ?

- Oui, répondis-je dans un souffle (j'avoue que je n'y avais pas pensé), je n'aurai qu'à faire ça c'est vrai. Bon. Je pris une longue inspiration Au revoir Papa, au revoir Maman ! A bientôt tout le monde !

- Attends, m'interrompit Sybille, tiens.

Elle me confia un petit carnet et un stylo plume.

- Si t'as besoin d'écrire un peu ce que tu ressens, c'est toujours pratique.

- Merci.

Elle me serra fort dans les bras, enfouissant sa tête dans le creux de mon cou.

- Tu vas vraiment me manquer, t'es pas cool de partir comme ça tu sais ?

S'essuyant le nez de sa manche, elle me regardait en secouant la tête.

- Je sais, ce n’est vraiment pas cool toute cette histoire...et, en vrai, trois mois c'est quand même long, je trouve

Et toutes les larmes que j'avais alors retenues, s'écoulèrent sur mes joues.

- Dis-toi que... (elle renifla)..quand tu reviendras, t'auras peut-être pris enfin quelques centimètres !

Je ne pus m'empêcher de rire avant de lui avouer :

- C’est pas drôle et puis tu sais Sybille, j'ai vraiment peur là, je n'arrive pas à garder la tête froide et tout.

- T'inquiète pas, rappelle-toi le courage ce n'est pas de ne pas avoir peur...

- ...c'est d'affronter ses peurs, oui je sais, tu ne cesses de me le répéter.

- Alors tu verras tout se passera bien.

- Oui. Tout se passera bien.

Il fallait s'en convaincre.

- Un dernier câlin, cria Sophie courant vers moi.

Je senti à cet instant que ce câlin était presque vital pour moi. Il me permettait de clore en beauté ces adieux autour d'une tendre étreinte avec ma petite sœur. Mais avant même que Sophie n'arrive jusqu'à moi, le monsieur-qui-n'est-toujours-pas-mon-père m'empoigna le bras, me tira vers le camion pour me jeter à l'arrière tel une poupée de chiffon.

- Bon ça suffit maintenant, on y va !

Nous étions tous tellement surpris que personne ne pensa à réagir et avant même que je ne pus protester, je me retrouvais dans le "coffre" de leur camionnette. Sophie en larmes ne comprenait rien à la situation. Pourquoi lui arrachait-on si brutalement son frère ?

- Arthur ! Nooon tu m'as pas encore fait le câlin !

Je voulus me débattre et sortir mais le camion démarra laissant une petite Sophie en pleurs que Papa retenait pour éviter qu'elle ne poursuivre le camion. J'eu à peine le temps de leur faire un dernier signe d'au revoir avant que les portes ne se referment complètement sous le choc du départ.

*

Le cri de Sophie ne cessait de retentir dans ma tête. J'aurais tant voulu la serrer une dernière fois dans mes bras. Et puis, j'en avais marre d'être enfermé derrière avec pour seul éclairage les fentes des portes. Lumière qui ne cessait de s'affaiblir. Depuis combien de temps roulions-nous maintenant ? Quatre heures ? Cinq heures ? Six heures ? Plus ? Je n'en avais aucune idée. Je savais que j'avais dormi un moment mais combien de temps ? Impossible de le dire précisément. Plongé dans la pénombre, je remuais des idées noires. Vu que j'étais dans le noir.

J'eu soudain une idée. Pourquoi ne pas fuir tout simplement en faisant croire que souhaitais juste aller me soulager ? Je ne me cacherais pas bien loin et hop, plus de parents biologiques dominateurs. Ni une ni deux, je m'apprêtais à mettre mon plan à exécution quand je me rendis compte de plusieurs choses.

D'abord j'étais un idiot. Comment avais-je pu croire qu'avec ma jambe, qui plus est endolori par le voyage, je pourrais un tant soit peu m'échapper ? Et puis surtout, à quel moment m'étais-je dis qu'ils se diraient simplement : "Oh Zut il est parti, bon ce n'est pas grave rentrons à la maison boire un bon chocolat chaud !" sans même retourner voir ma famille ? Et c'était sans compter l'inquiétude qui gagnerait mes parents et les recherches qui pourraient suivre ma disparition. Ainsi que le fait que je n'avais aucune idée de l'endroit où nous ne nous trouvions ni de la direction à prendre. Et pour couronner le tout, aucun lieu où dormir et aucun sou sur moi pour acheter de la nourriture par exemple. C'est fou ce que certaines situations pouvaient vous faire devenir en l'espace de quelques secondes à peine un parfait idiot. Non pas parfait non plus puisque j'avais fini par me rendre compte de ma bêtise. Rhaaaa je n'en pouvais plus, comment sortir de là !

Il faut croire qu'ils m'entendirent puisqu’ils ouvrir les portes à cet instant. Je dû me retenir de ne pas me ruer vers elles. La lumière, bien que faible, m'éblouissait un peu mais je pus apercevoir mon non-père s'approcher avec un mouchoir. Il s'en servait certainement pour essuyer la sueur de son front puisque, ne me demandez pas pourquoi mais malgré ce froid de fin septembre, il réussissait à suer. Transporter sa graisse et sa méchanceté ne devait pas être tous les jours facile à porter. Cela pouvait être un véritable poids. Bon trêve de jeu de mot. Après s'être arrêté un instant, l'homme se dirigeait maintenant vers moi et sans que je n'ais le temps de rien faire, il comprima son mouchoir contre mes lèvres et mon nez.
Je me débattis mais rien n'y fit, la drogue que contenait ce mouchoir ne tarda pas à me faire sombrer dans un sommeil agité.

*

Les effets de la drogue s'étant peu à peu dissipés, je parvins à ouvrir les yeux. Cependant, mes pensées demeuraient encore embuées. J'essayai de me relever mais ma tête se mit rapidement à tourner. Je remarquai alors que j'étais allongé sur une espèce de banquette en métal dans une pièce presque entièrement blanche.

- Ah ! Tu es réveillé, enfin !

Un homme en blouse blanche, assez maigre et…euh long ? venait d'apparaître à ma droite.

- Où suis-je ?

- Au cabinet, bien entendu, pour la traditionnelle visite médicale.

- Quelle visite médicale ? De quoi parlez-vous ? Qui êtes-vous ?

- Hola, doucement bonhomme, tu ne t'es pas encore bien remis des effets de la chloroforme.

- Peu importe. Je veux savoir ce que je fais ici. J'étais censé me trouver dans la maison de...

- De Monsieur et Madame Tractator, n'est-ce pas ?

- Euh... (Étais-ce bien le nom dont m'avait parlé Papa ? Je ne savais plus exactement) A quoi ressemblent-il ?

- Une grande dame mince au menton pointu et...

- Oui, le coupai-je, ce sont eux. Pourquoi ne sont-ils pas ici ? Et je me répète mais qui êtes-vous ?

- Un simple médecin qui va vérifier ton état physique et mental.

- Mental ?

- En analysant ton cerveau bien entendu.

- Je vous l'interdit, ne me touchez pas !

- Écoute petit, si je le voulais je pourrais te faire bien plus que cela, mais comme tu es nouveau, je vais respecter ton souhait. Une simple vérification physique sera nécessaire dans ce cas.

- Hum.

Je m'aperçus soudain d'une chose.

- Où est ma médaille ? Et ma montre ?

- Oh, ça ? Nous te les avons retirés. Ici la règle est simple, il n'y a pas d'autre Dieu que les Tractator et pour la montre, saches qu'ici, nul besoin de savoir l'heure qu'il est. Ce n'est pas toi qui dirigeras tes allées-venues mon p'tit gars.

- Comment ?! Ce n'était pas ce qui était prévu. Je devais rejoindre un lycée à l'Ouest de la France.

Sa seule réponse fut de s'esclaffer bruyamment avec des sortes de petits hoquets. On aurait dit qu'il agonisait, c'était vraiment étrange.

- Je ne plaisante pas, rendez-moi ma médaille au moins et j'exige de voir les Tractator !

- Et au nom de quoi, gamin ?

Je dus faire un effort surhumain pour prononcer ces mots mais ils me paraissaient être les seuls à même de fonctionner à cet instant.

- Je suis...je suis leur fils.

Il n'eut pas la rection estompé.

- Et alors ? Qu'est-ce que cela change à ma vie, dis-moi ? Rien du tout. Alors maintenant tu vas me faire le plaisir d'être bien sage, pendant que je t'examine.

- Pas tant que vous ne m'aurez donné plus d'informations.

Et je le repoussai de la jambe droite.

- Mais c'est qu'il est casse-pieds, tiens ! Barnus, viens ici s'il-te-plait !

Un colosse d'au moins deux mètres de haut et à la musculature presque aussi développée venait d'entrer par une porte que je n'avais pas distinguée jusque-là.

- On a besoin de moi par ici ?

- Oui, le gamin joue le rebelle et je n'ai pas de temps à perdre. Maîtrise-le pendant que je l'endors.

- Ah ça non ! pas encore !

Je m'extirpai de la banquette en l'espace d'une seconde. Trop longue apparemment puisque le dénommé Barnus eut le temps de me saisir l'avant-bras. Un salto arrière me permit de le repousser tout en maintenant une certaine distance. Mais le cabinet n'était pas non plus immense et malgré mes acrobaties, Barnus réussit à me rattraper. Une nouvelle fois, l'on me fit inspirer de la chloroforme, cette drogue qui endormait quiconque l'inhalait.

J'eu à peine le temps de sentir que l'on me transportait vers la banquette avant que je ne perde connaissance.

Sur les traces de l'espéranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant