Chapitre V

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La première pensée qui me vint à l'esprit quand j'ouvris les yeux fut que j'en avais assez d'être transporté comme un sac de farine. La deuxième, que je n'avais une nouvelle fois aucune idée de l'endroit où je me trouvais. J'étais allongé dans une espèce de grand dortoir sur un des lits du fond.

- Mais qu'est-ce que c'est que ça encore ?

On m'avait enfilé une combinaison de travail kaki qui était, comme par hasard, trop grande pour moi. Ce qui ne me déplaisait pas tellement. En général, je préférais porter des tenues larges pour dissimuler mon problème à la jambe. On pensait ainsi que mon claudiquement n'était que passager et on ne me posait pas de question. C'était mieux comme ça.

Je me redressai d'un coup, ma vue se troubla un instant mais je repris rapidement mes esprits. Je devais sortir de là. Me glissant hors du lit, je longeai tout un panel de couchettes similaires, vides et bien faites. Ça en faisait presque froid dans le dos. 

À mon grand étonnement, lorsque j'attegnis la porte du dortoir, je constatai qu'elle n'était pas fermée. Je pu donc sortir et déboucher sur un long couloir. Regardant à droite et à gauche pour vérifier que personne n'était aux alentours, je m'y engouffrai. J'aperçus alors un vieil escalier sur ma gauche. Je décidai de l'emprunter. Peut-être y'aurait-il du monde en bas ?

- Eh toi là ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu devrais être au réfectoire avec les autres.

Je me retournai lentement. Un jeune homme blond me regardait d'un air sévère. Et puis zut à la fin, qu'est-ce que j'avais fait encore ! Je n'avais quand même pas demandé à me retrouver ici moi ! Je ne pus m'empêcher de répondre, mi sarcastique, mi exaspéré :

- Mais oui c'est vrai, vous avez tout-à-fait raison ! (Je me tapai la main contre mon front) Quel dissipé je fais, dis donc ! Pourriez-vous, s'il vous plait, m'indiquer la direction de ce réfectoire afin que je rejoigne ces "autres" dont vous parlez ?

- J'te préviens toi (il pointa son doigt dans ma direction), t'as pas intérêt à jouer les malins avec moi, ok ? Suis-moi maintenant, si tu ne veux pas te retrouver à la cellule 9.

- Mais c'est quoi encore cette cellule 9 ? Et puis qu'est-ce que je fais ici, moi ? J'en ai marre je ne comprends plus rien ! Y'a pas longtemps encore j'étais chez moi, puis j'étais dans un camion et là...

- Eh calme toi le gosse, t'es qui du coup si tu ne sais pas ce que tu fais ici ?

- Ben je ne sais pas, enfin si je sais je m'appelle Arthur, mais je ne vois pas ce que je fais là, je ne connais personne, et enfin... tout est bizarre quoi !

- Bon, alors je vais vérifier simplement si tu es à ta place ici.

- ...D'accooord....

- Quel est ton anomalie ?

- Hein ?

Alors là, j'étais vraiment complètement décontenancé.

- Ta particularité physique, ton handicap, quelque chose qui te rend différent des autres et...plus faible.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, répondis-je les bras croisés sur ma poitrine.

Oui, je faisais preuve de mauvaise foi, je sais. Et alors ? Il n'avait pas à le savoir. Il partit en rire moqueur.

- Tu m'as l'air un peu trop piqué au vif pour ne pas en avoir.

- Pourquoi, toi tu en as peut-être ?

Il redevint tout à coup sérieux.

- Non. Moi c'est différent. Maintenant, tu vas me faire le plaisir de regagner le réfectoire si tu ne veux pas faire partie de ma liste noire.

- Et qu'est ce qui nous arrive quand on est dans ta liste noire, au juste ?

- Crois-moi, tu ne préfères pas le savoir.

- Tu n'en sais rien, ça se trouve je meurs d'envie de le savoir !

Cette fois-ci, j'avais dû aller un peu trop loin car il me poussa violemment à l'arrière du dos pour me faire avancer.

- Tais-toi maintenant. Avance.

Cette fois, j'obéis tout en m'efforçant de claudiquer le moins possible. Je ne sais pas pourquoi mais devant lui, je tenais à me montrer le moins « faible » possible. Peut-être parce qu'il me rappelait trop ces gaillards populaires du lycée devant qui j'avais toujours plus ou moins l'air de...rien justement.

Je relevai la tête. J'étais abasourdi. Nous venions d'entrer dans une géante cantine remplie d'adolescents tous handicapés d'une manière ou d'une autre. Des aveugles aux paralysés en passant par les grands brûlés. Mais quel était donc cet endroit ?! Un centre de rééducation ? Cela expliquerait en quoi cet établissement semblait assez différent des lycées ordinaires....

Sur les traces de l'espéranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant