Chapitre X

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- Comme on se retrouve ! s'écria joyeusement l'homme en bouse blanche.

Je le fixai sans mot dire.

- Bon écoute, mon petit bonhomme, je pense que tu es surtout venu ici pour te reposer donc ce n'est pas forcément la peine que je t'ausculte. Sauf si tu en as envie bien sûr...

- Non. Ça ira, merci.

- Entendu, c'est bien ce que je pensais. Il fronça le nez. Comment te sens tu ?

Une nouvelle fois, je détournai la tête. Ce n'était pas la peine de mentir en faisant comme si j'étais en pleine forme. Et puis je n'avais pas envie de parler. Il soupira.

- Bon. Alors, je vais te donner un doliprane et tu rejoindras tes camarades, d'accord ?

Je hochai la tête avant de répondre :

- Merci.

- Mais de rien. Oh et j'allais oublier. Tu as une visite.

Mes parents avaient-ils réussis à me retrouver ? Revenaient-ils me chercher ??

- ...Les Tractator t'attendent dans la pièce voisine.

- Oh. D'accord, je ...

- Tu attendais quelqu'un d'autre ?

- Non, non. Bien sûr que non.

J'avalai alors le doliprane qu'il me tendait et doucement, je glissai de la couchette. Aïe. Je devrai faire encore plus attention que d'habitude à ne pas mettre trop de poids sur ma jambe. 

C'était lourd à la fin. Dans les deux sens du terme. Allez, courage Arthur, quand il faut y aller, faut y aller. Après un rapide hochement de tête en guise d'au revoir à l'infirmier, je quittai le cabinet pour rejoindre la pièce avoisinante.

- Arthuuur, enfiiin, te voilà !

Mais quelle hypocrite ! Elle réagissait comme si elle me cherchait depuis longtemps alors que voilà deux semaines qu'aucun d'eux ne m'avait donné de nouvelle. Je répondis par un sourire forcé.

- Oui me voilà ! J'aimerais bien savoir ce que je fais ici d'ailleurs. Où est votre maison ? Et le lycée que je devais rejoindre ?

- Arthur tu n'as pas compris voyons, réagis M. Tractator. C'est ici ta nouvelle maison et ton nouveau lycée !

Oui, j'avais fini par le saisir, merci. Mais je préférai jouer au naïf.

- Ma nouvelle maison est un sous-sol rempli d'handicapés où vous pratiquez des expériences médicales étranges et où vous me confisquez ma médaille et toutes mes affaires ! Je n'ai même pas le droit d'aller à la messe ! Vous pourriez au moins me laissez ça, non ? Déjà que vous m'enfermez dans ce lieu glauque et...

- ...et je t'invite à quitter ce ton immédiatement, m'ordonna Cruella. Nous avons tous les droits de faire ça. Nous sommes tes parents, mon chou. Et si les énergumènes qui t'ont élevé t'ont fait croire à des idioties dignes d'un conte de fées, nous avons l'obligation de nous y opposer.

Cela faisait la deuxième fois dans la journée que l'on critiquait le catholicisme, je commençais à en avoir assez. Le Seigneur était comme un ami pour moi et personne n'aime lorsque l'on critique ses amis. Elle continua :

- D'ailleurs, Lucien et moi (ah, il s'appelait comme ça, je l'ignorais) ...avons décidé que désormais tu devrais nous appeler Papa et Maman.

Je faillis m'étouffer.

- Ah ça non ! Jamais !!

- Et si nous ne te laissions pas le choix ? grinça celui qui croyait avoir une chance que je l'appelle "Papa".

- Je ne vous appellerai jamais comme ça.

- Tu reconnais au moins que nous sommes tes parents, non ?

J'allais répondre "non" quand je me rendis compte que c'aurait été me mentir à moi-même que d'affirmer cela. 

Au fond, j'étais conscient du fait qu'ils étaient mes parents. Un véritable lien de parenté nous unissait. Lien qui ne pouvait me conduire à les détester entièrement. Lien qui me rendait nostalgique d'une histoire que je n'avais pas connu. Celle d'une mère m'élevant après m'avoir porté en son sein pendant neuf mois, celle d'un père qui m'aurait appris ses passions et m'aurait éduqué avec amour. Mais les aléas de la vie en avaient décidé autrement et la haine qui habitait leur cœur m'avait retiré tout cela. 

Au moins, la Providence avait su prendre soin de moi, j'avais vraiment eu une enfance heureuse. Ainsi, même si je devais reconnaître qu'ils étaient bel et bien mes parents, je me refusais de leur donner le nom de Papa et de Maman, qui ne revenaient qu'à ceux qui avaient su m'élever avec amour. Comme leur propre fils.

- Je vous le répète, mais quel que soit la filiation qui nous unit, je refuse de vous appeler comme cela. Au fond, vous n'en avez même pas envie ! Vous ne m'aimez pas et ne me demandez cela que pour accroitre ma tristesse et votre emprise sur moi. Alors laissez-moi tranquille maintenant. Dans deux mois et demi, nous mettrons fin à toute cette histoire !

- Lucien, je crois que nous n'avons plus le choix. Il doit comprendre que les choses ne se passeront pas comme il l'a imaginé.

- Comment ça, pas comme je l'ai imaginé ? Nous avions un accord ! Je vous ai laissé m'emmener sans faire d'histoires et vous m'aviez assuré que je pourrais rentrer au bout de trois mois si je ne me plaisais pas ici !

Elle s'esclaffa.

- Tu penses à ce que je pense, mon Lucien ?

- Oh oui, ricana-t-il. Un petit séjour dans la cellule 9 ne lui fera pas de mal. Histoire qu'il comprenne qui fait la loi ici.

Le seul nom de cette cellule inconnue me fit froid dans le dos. 

Un simple claquement de doigts de leur part entraîna l'apparition de deux gardiens derrière eux. Ils me saisirent des deux côtés et me bandèrent les yeux. Je savais que résister ne servirait à rien cette fois-ci. Me trainant comme un vulgaire paquet, ils finirent par s'arrêter. 

J'entendis le bruit d'une porte qui grinçait. Ils me lièrent pieds et poings avant de me jeter dans une pièce au sol glacial. Et ce, sans dénouer le bandeau qui me recouvrait les yeux. La porte se referma et je sentis que tout espoir de délivrance s'était envolé.

 Il faisait froid et l'air était presque irrespirable. La pièce en manquait incontestablement. Le seul acte de respirer demandait un effort considérable. Je me sentais seul, si seul. Alors, fermant mon esprit aux doutes et craintes qui m'assaillaient, je me mis à prier de toutes mes forces.

Sur les traces de l'espéranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant