Tout devint abstrait,
Ils étaient juste des acteurs dans un gigantesque cirque, des clowns déprimants et un peu déprimés,
Quoi d'autre ?
Gaea avait créé un Monde uniquement peuplé d'acteurs
Etait-ce un rêve ?
Tout se mélangea.
La lune n'est pas au ciel, le soleil veille,
Et pourtant la nuit enveloppe le Monde
C'est une nuit bien triste, une nuit bien grise,
Une sorte de brouillard poisseux auquel manque la grâce de la brume,
Un vague flou glauque d'hiver tiède.
Parfois une étoile pointe près du soleil, et puis s'en va. Sa lumière n'est que vaines paroles.
La lune lui manque.
Les hommes d'en bas ont allumé des lampadaires, comme des taches mates de rose, de vert et de bleu dans les profondeurs du grisâtre. En-dessous, les routes sont des fossés saturés de fange.
Quelqu'un allume un bûcher.
Qui brûle ?
Le soleil a disparu, il a rejoint sa lune derrière le rideau de fumée grasse comme un velours de mauvaise qualité à l'étoffe amère.
Parfois, les étoiles tentent une percée. Elles sont perdues, pauvres petites choses orphelines. Leurs yeux scrutent le ciel boueux - en vain.
L'air s'est suspendu quelque part entre le jour et la nuit, comme une pâle imitation de l'Hiver, mais il n'est qu'un automne, un long languissant langoureux automne en habits de satin déchirés, aux bijoux de glaise et aux cheveux de poussière. Son règne n'est que celui de l'arbre mort sur le marécage.
L'air gluant sent la viande grillée.
Qui brûle ?
Les hommes d'en bas ont revêtu des masques de terre sèche et d'eau noire. Ils se noient dans leur propre vacuité. Est-ce douloureux ? Ressentent-ils la douleur ?
Les étoiles ont déserté le Monde. Il est perdu de toute façon, pourquoi ne pas simplement l'abandonner ? Le déserter comme un minable petit rafiot à la coque trouée par les épines vaines des amanites grises et les dards aigus des mouches bleues.
Les étoiles ont déserté le Monde, et sa grisaille grisâtre, et les hommes d'en bas ont peint leur masque en rouge.
Le lac brûle en rose.
Qui s'y est noyé ?
Dans le bûcher aquatique de leurs maux, les hommes ont jeté leurs mots. Il y en a de toutes sortes. Certains sont doux. Ils ne les reverront jamais, c'était une erreur. Ils auraient dû les garder pour eux.
Peut-être que cela aurait fait revenir la lune. Elle ne voudra plus d'eux maintenant. Elle prend du bon temps avec le soleil derrière le rideau de faux velours, là-haut, loin d'eux.
Il n'y aura plus jamais de lumière naturelle. Il n'y aura plus que leurs lampadaires roses, verts et bleus, comme autant de lucioles aux ailes de fer trop lourdes pour voler, et ce bûcher, ce bûcher si loin dans le lac, si bas dans la terre,
Ce bûcher qui emplit l'air trouble de sa fumée âpre aux saveurs moites,
Ce bûcher qui brille si fort de ses flammes si faibles,
Et il brûle,
Il brûle,
Il engloutit le Monde,
Il engloutit les lampadaires aux couleurs criardes,
Il engloutit les masques de terre poussiéreuse aux peintures rouges délavées,
Le Monde meurt.
La lune écarte d'une main pâle le rideau qui les sépare de l'incendie.
Le soleil n'a pas l'air inquiet.
Se croit-il à l'abri ?
Les flammes avides éclipsent les points colorés des lampadaires. Vu d'en haut, c'est étrange. On dirait que le brouillard disparaît dans la pâleur du brasier. On dirait que le feu absorbe la fumée.
Les étoiles les ont rejoints. Elles semblent attendre. La lune les attire contre elle.
Chut.
Chut, dit-elle.
C'est bientôt fini.
Le Monde est un gigantesque phénix aux ailes livides.
En bas, ça sent l'homme qui meurt.
Puis ça ne sent plus rien.
Plus rien du tout.
Les flammes s'éteignent.
La lune et le soleil redescendent côte à côte. Les étoiles les suivent, longue traînée en voile nuptial.
Puis elles se déposent sur le sol de cendres purifiées.
C'est lumineux.
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A la lune insomniaque - Textes échoués
PoetryLes Hommes brûlent, la lune observe, et les mots oubliés s'échouent en fragments. (Ici on se défoule et on se relit pas trop)