Chapitre 3

9 3 0
                                    

Minuit, une heure du matin, deux heures, trois heures... Le temps défile sur mon réveil. Je me décide à aller boire un peu d'eau. Si seulement ça avait le pouvoir de me faire dormir... 

En passant devant un petit miroir, j'aperçois des yeux rouges et gonflés, des cheveux en bataille et des traits creusés par un horrible manque de sommeil. Je fais peine à voir, celle qui me fixe dans cette petite vitre ne me ressemble pas... L'eau fraîche me fait du bien, je m'adosse au plan de travail en marbre et ferme les yeux quelque secondes. Quand je les rouvre, mon regard passe sur un verre qui m'est bien trop familier...

<Flashback>

"Ciane !!! tu me prêtes ton lait au chocolat ??! Me lance ma petite sœur en me montrant son verre où un ours blanc dessiné est allongé sur un cœur rouge gonflable.

"Tu ne veux pas un bol plutôt ?"

"Non je préfère le nounours !!"

<Fin du flashback>

Le bruit de l'impact de mon verre contre le carrelage est la seule chose qui me ramène à la réalité, je cours dans ma chambre, ferme la porte à clef et tombe à genoux. Alors que je ne pensais plus ça possible, des larmes se remettent à couler sur mes joues. L'image de cet étrange garçon rencontré plus tôt dans la soirée s'impose à mon esprit, je cours vers ma veste, puis j'hésite encore. Elle n'aurait pas voulu ça, me souffle une petite voix intérieure. Oui, sûrement, mais elle n'est plus là maintenant...

***

Les heures qui suivent, je suis anesthésiée, je me sens lourde... Quand je rouvre les yeux il fait nuit, je me suis endormie à même mon tapis. J'ai froid et mal partout, mais ça fait tellement du bien de pouvoir dormir enfin... En allumant mon téléphone, je m'aperçois que j'ai dormi un jour entier. Il n'est que vingt et une heure, avec un peu de chance il restera encore un petit peu à manger. Je descends les marches sans bruits, et vois une feuille avec quelques mots griffonnés à la va vite sur la table de la cuisine

"Nous sommes chez un ami, il y a à manger dans le frigo si tu as faim. C'est bien que tu ais pu dormir, envoies nous un message quand tu seras réveillée, bisous, maman."

Après avoir englouti une pizza entière, je tourne en rond, je ne sais pas quoi faire. Un tour dehors? Quel intérêt ? Du dessin ? je n'ai absolument aucune inspiration, ça ne fera que me frustrer face à une feuille blanche qui ne se remplie pas de couleurs et de formes.

Allongée sur mon lit, de la musique dans les oreilles, j'attends que le temps passe... Au bout d'une heure, je décide de me bouger un peu. J'enfile la première paire de chaussure qui me tombe sous la main et je marche jusqu'à cette fameuse barrière en bois. En scrutant les alentours, je me sens de moins en moins à l'aise, je ne sais plus très bien ce que je viens faire ici. Un craquement dans mon dos me fait sursauter, j'allume la lumière de mon téléphone, et me rend compte avec soulagement que ce bruit provient de celui que, inconsciemment,  j'espérais revoir.

-Euh, salut... Tu te souviens de moi ?

-T'es la jolie brune avec des beaux yeux pleins de larmes mais qui n'a besoin de personne c'est bien ça ?

Je sourie et me détend un peu à sa façon de présenter les choses.

-Oui, c'est bien ça.

-Alors ?

-Qu-quoi ?

-Oula, ne soit pas si nerveuse, je vais pas te manger !! Moi c'est Terry, enchanté.

Son rire de fumeur et ses yeux noirs me font trembler.

-Océane. Je murmure, finalement pas plus rassuré qu'au début.

Il me tend sa main que je serre maladroitement

-Tu veux venir avec moi ce soir ? On fait une soirée en petit comité, je te présenterais mes amis si tu veux, ils vont t'adorer j'en suis certain !

Mon sixième sens me tire par la manche, bien loin de cet énergumène. Mais j'entends le tissu craquer, et je me laisse emporter par l'espoir d'oublier quelques heures cet accident. 

Ce que j'ignore, c'est que ces heures vont durer bien plus que des jours entiers, vont s'accumuler pour former des semaines, puis des mois. Sans le savoir, je viens de passer une porte invisible, mais tellement immense en même temps, qui se referme aussitôt derrière moi, me gardant prisonnière dans une boucle infernale.

Souvenirs douloureux [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant