Chapitre 7

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Le bruit de roulettes en ferraille me tire de mes rêves, je me frotte les yeux et aperçois deux infirmiers en train de rentrer dans la chambre.

-Vous pouvez allumer la lumière, je ne dors pas.

-Ce n'est pas de refus... Une infirmière m'avait dit de faire attention à ne pas vous réveiller.

-J'avais le sommeil léger ne vous en faites pas, j'attendais Dylan.

-Tant mieux, je n'ai pas trop à m'en vouloir... Je vous laisse poursuivre votre nuit, quant à Dylan, il a besoin de beaucoup de repos, essayez de ne pas trop le solliciter...

-Vous avez ma parole, merci pour tout ce que vous avez fait pour lui...

-Tout le plaisir est pour moi, quand on sauve un patient et qu'on réussi une opération, notre joie est grande aussi nous autres les chirurgiens.

Je sourie, ne sachant pas trop quoi répondre

-Bonne nuit mademoiselle

-C'est un beau métier que vous faites. Bonne nuit

Il sourie à son tour en me faisant un petit signe de la main, avant de refermer la porte sur lui tout doucement. Le silence se fait, et bien que nous soyons dans le noir, je tourne ma tête vers l'endroit où est censé se trouver Dylan.

-Océane ?

-Oui ?

-Alors tu es restée tout ce temps ?

-Bien sûr, je n'allais pas te laisser seul...

Il allume une petite lampe à proximité de son lit, éclairant la pièce d'une faible lueur orangée.

-Merci, ça me touche énormément tu sais ?

-Ecoute, tu n'as pas à me remercier, je suis vraiment désolée que tu sois ici, je me sens coupable.

-Eh ! Pourquoi tu culpabilises comme ça ? ça va pas ou quoi ?

-Je sais pas... J'ai eu peur que tu ne te réveilles jamais

Il plisse les yeux

-Si, tu sais, ça se lit dans ton regard. T'as une tristesse que tu portes à bout de bras et t'en peux plus.

Je reste incrédule devant sa réponse, comment a-t-il vu tout ça ?

-Non je t'assure que je vais bien

Je lui sourie pour appuyer mon propos, mais il reste sceptique.

-Je sais que tu mens ma belle, je préfère que tu me dises que tu ne veux pas en parler plutôt que tu me mentes...

Je baisse les yeux

-Comment tu as fait ?

-J'observe beaucoup les expressions, j'aime beaucoup les analyser. Te concernant j'ai tout de suite vu, il faudrait être aveugle pour ne rien voir... Tu veux en parler ?

-Je sais pas trop...

-Ça te ferai du bien tu penses ?

-Peut-être

-Alors vas-y, n'aie pas peur, n'aie pas honte. Parfois une oreille inconnue soulage le cœur...

Je le regarde, j'hésite, puis je m'allonge pour regarder le plafond et commence mon récit.

-L'année dernière, j'emmenais ma sœur à la danse....

Toute l'histoire passa la barrière de mes lèvres sans trop de difficultés, sauf à un moment, où les sanglots accumulés dans ma gorge étaient tels, que je n'arrivais plus à parler. Dylan resta silencieux et attentif jusqu'à la fin, où il me sourit tendrement.

-Eh ben, ça avait besoin de sortir non ?

-Oui... Merci de m'avoir écouté... mais on devrait dormir maintenant, j'ai promis au chirurgien que je ne te solliciterai pas, et je n'ai pas vraiment tenu ma parole...

-Je ne suis pas si fatigué que ça, ce n'est pas ma première opération. Tu veux que je te donne mon avis sur tout ce que tu viens de me dire ?

Je réfléchi, son point de vue peut être enrichissant, et je n'ai rien à perdre au point où j'en suis.

-Oui, si tu veux.

-Bon, inutile de te dire que ce n'est pas de ta faute, on a déjà dû te le dire un paquet de fois... Mais est-ce que tu as regardé en amont de tout ça ? Si tu avais avancé de quelques centimètres, est ce que la voiture ne te serait pas rentré dedans ? Mais par-dessus tout, outre cet accident qui n'a pour responsable que le conducteur de ce quatre x quatre, pourquoi est-ce que tu as choisi de te laisser glisser ? Pourquoi tu ne t'es pas battue pour continuer à vivre ? Un jour, quelqu'un m'a dit que les gens vivaient dans nos cœurs, et dans les souvenirs qui les caractérisent à nos yeux. Alors, est ce que ta petite sœur a arrêtée de vivre ?

-Non... Murmurai-je. Elle est toujours là.

-Alors est ce que tu vas penser à arrêter de te bousiller tes années en sachant que ta sœur est toujours là, quelque part au fond de toi ?

Je le regarde, en essayant d'ingérer ses paroles. Il n'a pas tout à fait tort, Cléo n'a jamais quitté un seul instant mon esprit, elle a toujours été là, et le sera toujours. Ce qu'il me dit est vrai, mais c'est cru, et ça fait mal. 

-Ce n'est pas si évident tu sais. Je songeai déjà à me sortir de tout ça, mais on acquiert un certain confort à un moment, donc on a plus envie de remonter à la surface.

-Ça fait peur.

-Oui, ça fait peur. Et j'ai peur, jusqu'au fond de moi, de sortir de ce confort et de renouer avec ma vie d'avant. J'ai terriblement peur, d'affronter mes parents que j'ai abandonné lâchement, parce que c'était plus facile de fuir. Ce mois-là, ils ont perdu leurs deux filles, et je m'en veux... Je m'en veux d'avoir réagi comme ça. Pour eux, pour mes amis qui voulaient m'aider, pour toute ma famille, et surtout pour moi-même. Je me suis obligée à me cacher sous une autre personnalité, sous une autre personne, alors qu'au fond je suis toujours la même. Je penserai que ça laverait ma honte, mais elle n'en est que plus puissante chaque jour qui passe, je suis dans une boucle infernale je le sais, et j'aimerai tant en sortir...

Mes yeux se remplissent de larmes, comme à chaque fois que je prends conscience à quel point je me suis enfermée. Parfois, j'ai juste envie que ça s'arrête, sans savoir comment faire. Alors qu'au fond, je sais qu'une porte de sortie est visible. 

Puis il y a la sensation d'être dans le déni que cette option soit réalisable, mais pourtant irréalisable, une solution et en même temps un problème. Dylan me regarde l'air compatissant, il n'y a aucun jugement dans son regard, il n'y a pas non plus de pitié, et ça fait du bien.

-Tu viens de gravir la première marche vers ta guérison Océane.

Je le regarde, sans trop comprendre où est ce qu'il veut en venir.

-La première étape de ce grand escalier, c'est de vouloir le gravir. Et cette volonté tu viens de l'exprimer à l'instant.

Il a le sourire jusqu'aux oreilles, et son expression est contagieuse. Il me souhaite bonne nuit en me promettant de reprendre cette conversation dès le lendemain. Alors je me laisse aller dans la folie de mon imagination, qui parle d'un futur stable, loin de cette vie que je mène, le temps de gagner à nouveau le sommeil.

Souvenirs douloureux [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant