Chapitre 8

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Le lendemain je me réveille, dérangée par des voix près de moi. Le même médecin qui était venu ramener Dylan hier soir l'examine et rempli sa fiche en chuchotant. Je me redresse un peu en plissant mes yeux encore chargés de sommeil, et ils tournent leur tête vers moi d'un seul mouvement.

-Hello Océane

-Décidément, j'en veux à votre sommeil !

-Bonjour... Ne vous en faites pas, je rattraperai tout ça !!

Ils me sourient tout deux avant de retourner à leur occupation. J'émerge doucement et me lève pour aller manger un morceau. En revenant, je trouve le chirurgien assis sur le lit que j'ai utilisé pour la nuit.

-Je m'en vais aujourd'hui ne vous en faites pas, je sais que vous ne pouvez pas faire dormir les proches des patients... D'ailleurs je vous remercie pour cette nuit...

-Vous ne me reconnaissez pas ?

-Euh...

-Nous sommes quelques-uns à savoir qui vous êtes, vous allez bien ? 

-Oh...

Je baisse les yeux, gênée

-Oui je vais bien.

Dylan me lance un long regard, je me ravise.

-Enfin, à peu près...

Je regarde à nouveau mes chaussures

-Personne n'avait le cœur à vous mettre dehors hier soir. Je peux vous dire quelques mots en privé ?

J'acquiesce et nous sortons de la chambre sous le sourire encourageant de Dylan. Le médecin me conduit jusqu'à un petit bureau où nous entrons.

-Bon, est-ce que vous allez réellement bien maintenant ?

-Vous êtes psychiatre ?

-Non, mais je me fais du souci pour vous.

-Effectivement, je ne vais pas très bien...

-Quelle vie menez-vous depuis cet accident ?

-Une vie un peu bancale.

-Avec quelques précisions ça donne quoi ?

-Je ne sais pas trop si je veux vous raconter ça, c'est assez embarrassant et très peu valorisant pour moi.

-Très bien.

Il enlève sa blouse et se rassoit.

-Je ne suis plus médecin, et ce n'est pas lui qui vous pose la question, mais moi personnellement.

-Vous n'avez plus le secret médical...

-Mais tu as ma promesse.

-Bon... Je vis dans un quartier dangereux, avec une bande de toxico.

Pendant cette confidence, je ne peux le regarder, j'ai trop honte, beaucoup trop honte.

-Et tu l'es aussi ?

-Et bien... En quelque sorte oui.

-Depuis combien de temps ?

-Ça fait un an.

-J'ai le même age que toi à quelques années près tu savais? J'étais en première année d'interne quand je t'ai accueilli ce soir-là, tu hurlais à la mort, tu en voulais au monde entier, surtout à toi-même. On t'a gardé quelques jours en observation, tu te souviens ? C'était moi qui venais te voir tous les matins, et tous les soirs. Tu ne parlais pas, juste quand c'était nécessaire, et encore... Depuis ce jour, j'ai changé de regard sur certaines choses, ta souffrance m'avait atteint, je ne sais pas pourquoi. Des fois je me demandais ce que tu étais devenue. Tu ne voudrais pas te reprendre en main ?

-Si, je voudrais, mais je n'ose pas. C'est un peu comme si je me jetais dans le vide sans savoir s'il y a un filet en dessous.

-Dylan m'a un peu parlé ce matin, quand je lui ai demandé s'il était au courant. La maintenant, je ne suis pas médecin, donc je ne peux que te proposer mon aide et mon soutient... Et au fait, avant de partir, vas dire au revoir à Rose, c'est l'infirmière qui t'a amenée dans cette chambre aujourd'hui et il y a un an. Ça lui fera plaisir !

C'était donc pour ça qu'elle paraissait aux petits soins depuis hier... 

-Merci, ça me touche de savoir que je peux m'appuyer sur des gens... stables.

-Tiens, si tu veux m'appeler un jour pour discuter un peu.

Il me tend un petit bout de papier avec un numéro écrit dessus.

-Et tutoie-moi s'il te plait, ça simplifiera les choses.

Je hoche la tête et  récupère le post-it

-Je ne sais pas trop quoi te dire à part te remercier...

-Ne dis rien, essaye de reprendre une vie normale Océane, tu vaux mieux que ça.

-Tu ne connais rien de moi.

-Non, je ne connais pas tout, mais je sais...

-Tu sais quoi ? Le coupais-je en fronçant les sourcils

-Qu'une jeune femme qui est en dernière année de doctorat ne devrait pas se laisser aller à ces bêtises. Tu devrais te remettre à travailler sérieusement tu sais, tu pourrais le regretter toute ta vie... Je ne veux pas te faire de morale, mais j'ai connu la dérive. Et quand on m'a mis un bon coup de pied au cul pour que je revienne dans le bon chemin je me suis rendu compte que j'aurai bêtement pu passer à côté de mon rêve... Ne fais pas cette erreur.

Je l'observe, sans vraiment savoir quoi répondre 

-D'accord, je vais essayer

-Tu ne vas pas essayer, tu vas le faire, je le sais.

Je le lève, puis me retourne une dernière fois, me rendant compte d'un chose

-Mais, comment sais-tu que je suis en dernière année de doctorat ?

-J'ai mes sources, un jour je t'en parlerai si tu veux. Envoie-moi un petit message ce soir, tu auras le début de certaines réponses.

-D'accord. Eh bien, merci pour tout... Et bonne fin de service

-Merci Océane, à bientôt, et prends soin de toi !

Cette discussion était étrange, elle m'a mise mal à l'aise... Secouant la tête pour chasser cette sensation, je ressors du bureau pour prévenir Dylan de mon départ.

-Je viendrai te voir après les cours d'accord ? Et je te filerai les leçons que tu loupes si tu veux.

-Merci, mais ne t'inquiète pas, reposes-toi aujourd'hui, tu pourras venir me voir un autre jour, tu en as déjà fait beaucoup.

-Je viendrais tous les soirs, sauf exception, et je t'enverrai un message si jamais.

Nous nous échangeons nos numéros de téléphone et je ferme la porte derrière moi. Les paroles du chirurgien tournent encore dans ma tête. Sur le chemin de la sortie, je passe au bureau des infirmières pour demander Rose. Elle apparaît au détour d'un couloir, un grand sourire aux lèvres.

-Océane ! Alors comment vas-tu ?

Elle me serre dans ses bras

-J'avance comme je peux, et vous ?

-Toujours fidèle au poste ! Me dit-elle fièrement.

Rose à l'air d'être une femme très douce, je promets de revenir la voir et je quitte l'hôpital, direction la fac, où j'aurai dû être depuis deux heures déjà... J'arrive pile à l'heure pour un de mes cours préféré en amphi, mais malheureusement pas assez en avance pour avoir une place devant. Je me retrouve à l'avant dernier rang, avec un groupe d'étudiant sur leurs portables. Je sors mon ordi, avant de me rendre compte que la batterie est presque à plat. Génial...

Le cours commence, je note, j'enregistre, je note, j'enregistre, comme un robot. Les cours d'amphi sont ceux que je préfère, pourtant il faut être très attentif pour écrire et retenir le maximum de choses. Quand mon ordi s'éteint, il reste un peu moins d'une heure de cours. Je prends note sur des feuilles, et fini le poignet en feu. 

Souvenirs douloureux [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant