Vers un Monde Meilleur

Chapitre 8

Lorsque j'ouvris les yeux, Sosuke dormait contre moi. On était tous les deux dans le salon, allongé sur les tatamis. Nos têtes étaient calées sur des coussins et nous étions recouverts d'un plaid.

Je sentais la chaleur de Sosuke contre mes côtes. Cette soudaine proximité me laissait perplexe. Je ne m'attendais pas à ça de sa part. Au contraire, je l'aurais imaginé endormi dans son lit, me laissant seule sur l'estrade. Ou s'il était de bonne humeur, il m'aurait simplement fait rentrer dans le salon.

C'était peut-être un signe qu'il était différent du Aizen que je connaissais. Ou pas.

Je l'observai en détail. Ses traits droits étaient les mêmes que cent ans plus tard. Bien sûr, son visage avait perdu son côté enfantin dans le futur, mais il restait fidèle à l'image que j'avais de lui lors de la guerre. Seuls ses cheveux plaqués sur son front et les grosses lunettes aux bords noirs qui cachaient ses yeux pouvaient induire en erreur. Ces petits détails lui donnaient un air sympathique, mais je me doutais que ce n'était qu'une façade. J'avais déjà eu l'occasion de voir la facette plus sombre de Sosuke à plusieurs reprises, dans le passé et le futur. Comment est-ce qu'il pouvait être aussi machiavélique et angélique à la fois ? En le voyant dormir, on lui donnerait le bon Dieu sans concession. Genryusai lui-même n'avait pas prédit qu'il deviendrait un mégalomane et une menace à l'équilibre du monde. Enfin, peut-être que je me trompais. On parlait bien de Genryusai Yamamoto, il prenait toujours tout très au sérieux. Peut-être qu'il avait déjà envisagé de le tuer. Peut-être que l'espion avait été envoyé par lui.

- Tu as fini de me regarder ?

Le voix de Sosuke avait résonné. Ses yeux étaient toujours fermés pourtant.

- Comment... Tu ne dormais pas ?

- Difficile de dormir quand tu m'observes aussi intensément, dit-il sur le ton de la rigolade.

Il ouvrit les yeux.

C'était assez embarrassant.

Je levai les yeux et fixai le pied le plus proche de la table. Cette fois les rôles étaient inversés. Je sentais son regard peser sur moi et ça me déstabilisait.

Au bout de ce qui me sembla durer une éternité, je décidai de rassembler mon courage et de fixer son regard.

- Tu as vraiment une propension à dormir partout. C'est étonnant, dit-il.

Cette pique était complètement gratuite.

- J'ai confiance en toi, alors je peux dormir sur mes deux oreilles. C'est tout. Arrête de m'embêter.

- Tu crois vraiment que je vais arrêter simplement parce que tu me l'as demandé ?

Je savais pertinemment que non. Et je n'aurai jamais le dernier mot avec lui. Tout ce que je pouvais faire était de prendre mon mal en patience.

Je devais avoir l'air de bouder parce que son rictus s'élargit.

Je me redressai. C'était très frustrant.

- Je vais faire du thé, dis-je en me dirigeant vers la cuisine.

Je l'entendis se redresser à son tour en silence.

Une fois que le thé fut prêt, je le servis dans deux tasses et les apportai dans le salon. Sosuke n'avait pas bougé d'un pouce. Sa tête reposait contre son poing et son regard suivait chacun de mes gestes.

Il s'empara d'une tasse et fixa le liquide qui se trouvait à l'intérieur.

Je m'assis à côté et l'imitai.