CHAPITRE VI.

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           MENÉS EN BATEAU.
                  ( PARTIE I).
   

     Peter, furieux avait envie de tout envoyer promener et d'aller se payer une cuite mémorable comme au bon vieux temps; néanmoins, Annie lui recommanda de redoubler de vigilance et de faire preuve de sérieux. L'heure était grave et ils risquaient gros s'ils se permettaient la moindre défaillance.

   - Tu devrais dénicher une nouvelle recrue pour faire bonne figure devant ton père...

   - Maman, je crois que tu n'as pas bien saisi ce que disait ton cher mari. Je suis actionnaire à une petite échelle et simple employé. Je ne serai plus le fils du patron. Plus de privilèges, plus de prestige, plus de poids au sein de la société. De quel droit embaucher de nouvelles recrues ? Comment exercer une pression sur elles ?

    - Trouve alors quelqu'un qui travaillera en secret pour toi. Tu pourras toujours exhiber les dessins en prétendant que ce sont les tiens.

    - Et où trouver un tel trésor ?

   - Il suffit de chercher. Quand on veut, on trouve même une aiguille au fond d'une botte de paille.

   - Pour l'instant, je ne veux chercher ni aiguille, ni trésor ! Je vais dans mon bureau... en attente des nouvelles mesures du nouveau propriétaire. Tu rentres à la maison ?

   - Je vais attendre ton père. J'aurai deux mots à lui dire.

   - Pas de scandale, maman. Papa est déjà à cran et...

   - Tu veux que je laisse passer ce qu'il vient de nous faire !? Et en public par dessus le marché !

   - On n'a pas le choix ! Soyons plus malins et attendons notre heure ! Tu devrais rentrer à la maison et te faire jolie pour jouer de ton charme. Papa a toujours été sensible à tes jeux de séduction, ajouta Peter en accompagnant ses paroles par un clin d'œil.

  Sa mère eut envie de lui répliquer :" Si tu savais !" mais elle s'abstint de tout commentaire. A quoi bon déterrer ses secrets ou laver son linge sale devant son fils ! Ses problèmes conjugaux ne la concernaient qu'elle. Les ayant provoqués, elle se devait de les résoudre sans en référer à quiconque. Par ailleurs, son fils était la dernière personne à qui demander conseil étant donné sa vie amoureuse chaotique. Le vrai Casanova relevait du mythe puisque depuis un certain temps elle ne lui voyait ou connaissait aucune relation. Sauf s'il devenait secret... Sur le plan médiatique, il était absent. Il ne faisait plus le trend. Supplanté peut-être par d'autres ou tout simplement devenu inintéressant... La mère autant que le fils dégringolaient perdant de leur superbe.

   Donc, chacun suivant le conseil de l'autre, Peter se rendit dans son bureau et Annie rentra chez elle. Ou plutôt à la maison, chez Sébastien. Effectivement, sa sensation d'étrangeté allait croissant. Son prestige faisait partie d'un passé révolu. Les domestiques se comportaient vec elle comme une parente pauvre recueillie par charité. Sébastien régnait sur la maison tel un tsar en dépit de sa surdité. Il avait des oreilles partout et on lui rapportait le moindre fait. Parfois, elle avait du mal à se rappeler son règne. Elle avait trop présumé de son pouvoir et de sa durée. Sa patience elle aussi avait une limite et elle craignait de la voir toucher à terme. Jusqu'à quand supporter les caprices de Sébastien ? Jusqu'à quand plier devant lui ? Jusqu'à quand tolérer sa négligence ? Elle voulait bien attendre, faire preuve de patience et de confiance mais point de bêtise. En tant que femme et épouse, elle avait des droits sur son mari et s'il n'entendait pas les respecter, elle irait chercher ailleurs. Le plus difficile était toujours le premier pas et dans son cas, elle l'avait déjà sauté. Une fois de plus, une fois de moins ! Une fois de plus n'aurait aucune importance.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME II. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant