Chapitre 4

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Nous parlons pendant une bonne trentaine de minutes tout en critiquant les joueurs sur le plateau télé puis passons sur la grande table. Gênée qu'il ait payé la totalité de la note, je me racle la gorge avant de commencer à manger et cherche le ticket de caisse des yeux.

— Tu ne le trouveras pas, je ne l'ai pas pris en partant du resto. M'informe Max son sandwich à quelques centimètres de sa bouche.

Je soupire bruyamment et laisse le mien sur le papier aluminium dans lequel il était emballé.

— Tu l'as fait exprès ?

— Arty, ne pose pas de questions dont tu connais déjà la réponse. me taquine-t-il en plongeant ses yeux translucides dans les miens.

— Je te dois combien ?

Maxime délaisse à son tour son kebab devant lui, essuie ses mains dans l'une des serviettes que lui a données le restaurant et se tourne pour me faire enfin face.

— Rien du tout. Le principe d'être invité, c'est de ne pas payer en retour. Renchérit-il en plaçant l'une de mes mèches derrière l'oreille.

— Tu sais que je n'aime pas ça... Je lance dans un filet de voix, mal à l'aise.

Il me sourit tout en mordant de bon cœur dans son repas, ce qui fait glisser un morceau de salade. Gênée, je reprends le mien et regarde à la dérobée l'émission qui tourne en fond sonore tout en répondant de temps en temps aux questions posées par l'animateur.

Durant le début de soirée, j'essaie de ne pas me concentrer sur la boule au milieu de mon estomac. La mauvaise habitude n'a pas envie de me quitter pour le moment, les souvenirs de mon passé me revenant en mémoire et déclenchant un désagréable frisson. Heureusement, Max est assez gentil pour ne pas s'énerver, contrairement à d'autres.

Alors que cette maudite boule grossit de plus en plus, je dépose une nouvelle fois mon sandwich et bois une gorgée fraiche pour la faire descendre. Entre deux questions, Max me parle de son boulot à Carnival Game Center, l'Escape Game de la ville, de son appartement qui se situe tout près et des études de son frère, dont il est très fier. À mon tour, je lui raconte les tensions chez moi, non sans avoir les yeux qui piquent. La distance qu'a pris Apollon depuis mon retour me mine le morale, les disputes constantes entre mes parents n'arrangent rien, et ma pauvre April, qui fait comme si je n'étais jamais partie en les abandonnant...

— Mais tu ne les as pas abandonnés Artémis, pourquoi tu dis ça ? demande-t-il surpris par mes propos.

— Je les ai laissés subir la colère de mon père quand j'ai déserté la maison et il a déversé sa haine sur elle. Si j'étais restée...

— Avec des « si », on pourrait refaire le monde, tu sais. Me coupe Maxime en se tournant légèrement dans ma direction. Je t'interdis de te sentir fautive.

Je lui souris, les paroles de mon ami me réchauffent le cœur, mais rien ne pourra m'enlever de la tête que mon départ a dégradé la relation entre April et notre père.

Quand il termine de manger, je remballe les trois quarts de mon kebab dans son papier et le mets dans le frigo. Depuis mon retour en ville, il n'y a pas que mon ex que j'ai quitté... l'appétit aussi.

Dans un silence reposant, nous débarrassons la table, avant de nettoyer la vaisselle sale et de rejoindre le froid automnal. Ce semblant de normalité me rend fébrile, j'en viens même à avoir peur... Ayant oublié mon paquet de cigarettes dans l'entrée, Max m'en donne une que j'accepte avec plaisir, uniquement car nous fumons la même marque. L'air est glacial de cette fin septembre et les feuilles mortes déjà bien éparpillé sur les routes nous ferait presque douter de la saison qui vient tout juste de débuter.

Nous fumons dans le silence, puis une fois terminée n'y tenant plus, je repose ma question :

— Je suis sérieuse Max, combien je te dois ?

Un petit rire grave franchit ses lèvres, il soulève mon menton de l'un de ses doigts pour que mon regard plonge dans le sien. À la lueur des lampadaires, ses yeux bleus sont presque translucides et ses cheveux brun presque noir, se mélangent dans la pénombre. Quelques mèches rebelles s'échappent de son man bun, lui tombant au-dessus de ses yeux. Tant bien que mal je contrôle mes membres pour ne pas les enfouir à l'intérieur et libérer son beau visage. J'adore quand il a les a détachés.

— Ça me fait plaisir Arty, j'avais envie de passer une bonne soirée avec toi, rire et ne penser à rien d'autre. Mais, si tu désires vraiment me rembourser, tu peux me donner un baiser, juste là... Finit-il par dire, un sourire goguenard en désignant ses lèvres.

Mon cœur tambourine à toute vitesse, j'ignore même si mon ami ne l'entend pas. Il ricane devant mon regard surpris. J'en viens à me demander si ce n'est pas une blague pourtant il semble très sérieux. C'est souvent ça avec Maxime, il a le don de faire passer toutes ses requêtes les plus folles pour quelque chose de drôle... Un jour il m'a avoué qu'il faisait cela au cas où il prendrait un râteau et dédramatiserait ses questions.

Saisi d'une audace que je ne me connais pas, je m'approche en douceur de lui, me lève sur la pointe des pieds et mets une main sur sa nuque ce qui efface aussitôt son sourire. Son regard bleu clair change en une fraction de seconde et devient plus sombre. Je crois presque voir un mélange de désir et d'espoir. Sa bouche, entourée d'une barbe de trois jours, s'entrouvre comme pour reprendre son souffle et ses doigts se positionnent de chaque côté de mes hanches. Je le fixe moins de cinq secondes avant que je ne fonde sur lui, pour picorer ses lèvres, un tendre baiser. Son odeur de tabac et de fruit m'apaise et me fait me sentir vivante. Maxime me saisit par la taille et me porte jusqu'à l'intérieur. Ne se donnant pas la peine de refermer la porte du balcon, il nous guide lentement dans la chambre sans que sa bouche ne quitte la mienne.

Alors qu'il retire minutieusement mon pull à manche longue, il se fige devant les hématomes sur la totalité de mes membres inférieurs.

— Arty... Souffle-t-il tout contre mon cou. Il a recommencé ?

Toute envie volatilisée, je recouvre le haut de mon corps avec mes bras dans un faux geste pour me réchauffer et acquiesce. Ce simple geste le tend et je reconnais aussitôt la colère dans ses beaux iris turquoise. Je l'entends vaguement s'excuser tout en habillant mon cou de baiser. Alors que je m'apprête à me laisser aller à l'interdit, mille questions m'assaillent. Est-ce vraiment ce que je souhaite ? Dépasser cette barrière ne va-t-il pas entacher notre amitié ? Pourquoi je ne ressens aucun papillon dans le ventre ni même d'embrasement pendant que les lèvres de Maxime déposent plusieurs baisers mouillés sur mon cou et mes épaules ?

J'en suis là dans mes réflexions quand ma sonnerie me ramène sur terre et sans attendre je remets mon pull et fonce dans le salon, différents scénarios en tête me tordant l'estomac.

Et si...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant