Chapitre 9

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Je me dépêche de rejoindre mon cousin à l'adresse qu'il m'a envoyée. Depuis mon emménagement il y a de ça quelques semaines, c'est la première fois que je sors de chez moi pour aller ailleurs qu'au boulot. À la mort de ma génitrice, un notaire m'a contacté pour m'annoncer la nouvelle et me demander de venir rapidement pour la lecture du testament. Cette femme qui est ma mère seulement par le sang me lègue sa maison, à moi, le gamin qu'elle a abandonné.

Quelle ironie !
 J'en suis là dans mes réflexions quand mes pieds s'arrêtent net devant la devanture nippone au bois sombre qui me fait face, d'où le nom « Moshi & Tea House » se détache avec ces lettres vertes.

Je m'attendais à tout venant de Noa, mais sûrement pas à ça. Depuis quand mon cousin vient-il boire un thé dans un salon de style japonais ? Je lève les yeux au ciel et pénètre dans la chaleur du bâtiment. Le tintement horrible de la sonnette retentit dès que je franchis la porte coulissante et l'odeur de l'encens me hérisse déjà le poil.
 Tout ce que je déteste...
Je prends quelques secondes pour contempler la salle en forme de L. Elle donne directement sur l'accueil où la caisse est installée ainsi qu'un ordinateur et plusieurs documents. Juste derrière, un écriteau sur une porte indique que ce sont les cuisines. Sur ma gauche se situent plusieurs tables rondes chacune entourée de deux chaises, une grand-mère est assise sur l'une d'elles, un livre entre les mains.

Finalement, j'en viens à comprendre Noa, l'endroit est tout ce qu'il adore.
Je distingue quelques chuchotements derrière des paravents qui séparent l'espace où se trouve la vieille dame d'un petit coin cosy avec des tables basses et des canapés. Je reconnais immédiatement le rire de mon cousin et sans attendre je contourne deux ou trois tables pour le rejoindre. Je touche presque à mon but quand je percute une jeune femme qui se lève au même moment que je passe près d'elle.

— Désolé. Je grogne en me frottant le torse.

Elle recule, sonnée par notre contact et ouvre de grands yeux apeurés. Je sais que mon mètre quatre-vingt-cinq peut surprendre, mais je suis loin d'avoir le physique d'un monstre quand même. Elle se confond en excuse et marmonne quelques mots inaudibles avant de fuir. Je la suis du regard, captivé par ses courbes qui se balance à chacun de ses pas et rejoint Noa.
— Bah alors vieux, t'en as mis du temps. Tu t'es perdu entre l'entrée et notre table ? ricane-t-il en m'offrant son poing dans lequel je cogne.
— Très drôle. Je viens de rentrer dans une oursonne apeurée...

— Bonjour et bienvenue chez Mochi & Tea House, avez-vous fait votre choix ?

La voix fluette de la serveuse m'interrompt, je m'apprête à lui répondre que non je n'en sais rien, étant donné que mes fesses se sont posées à l'instant sur le canapé. Cependant, aucun son ne franchit mes lèvres quand je lève les iris dans sa direction. J'identifie la brune qui a atterri dans mon torse il y a tout juste quelques secondes, je reconnais ses jolis yeux noisette et ses grains de beauté sur la figure. Ce qui a changé pourtant c'est son attitude, elle se tient droite comme un I et semble tendue. Tout en tapotant nerveusement sur son carnet de commandes, elle me dévisage, c'est seulement la moquerie de Noa qui me sort de mes pensées.

Bah merde alors, je ne savais pas qu'une nana pouvait me clouer le bec.
— Un café noir, sans sucre. Merci.
— Nous ne servons pas de café, mais je peux vous proposer un bubble tea, un thé ou quelques douceurs.
 Agacé, je passe ma main dans mes boucles blondes, l'une d'elles retombe devant l'un de mes yeux, ce qui me rappelle que je vais devoir rapidement aller faire un tour chez un coiffeur. J'inspire profondément et expire par le nez avant de contempler notre table, si je bois un thé les toilettes vont être mes meilleures amies durant tout mon rendez-vous avec Noa et notre invité.

— Servez-moi la même chose que lui alors, dis-je en désignant le gobelet de mon cousin.
La brunette marmonne un « bien » sec et s'éclipse aussi rapidement que lorsqu'elle est apparue.
— T'as eu le coup de foudre ? Me taquine Noa en voyant que je ne la quitte pas des yeux.
— N'importe quoi, t'as de c'tes idées vraiment. On est pas là pour draguer, il me semble.
La personne assise face à nous se penche et sort une chemise cartonnée de son porte-document. Il tourne plusieurs feuilles avant de s'arrêter sur celle qui lui convient.

— Le décès de votre mère date d'un peu plus de six mois, c'est bien ça ? Me questionne l'avocat que j'ai engagé.

— C'est exact, Maître Crosby.
Il incline la tête et s'apprête à reprendre quand la jeune femme dépose un brin trop brusquement notre commande.

— Et voici. Elle m'offre un regard noir et se détourne dans la direction de mon cousin. Noa, je te ressers ?

Il refuse poliment, se doutant qu'en réalité ma boisson est pour lui. Après un échange de sourire un peu trop long à mon goût, elle s'éloigne en nous indiquant qu'elle ne se trouve pas loin si nous avons besoin d'elle. Je la fixe durant tout le temps qu'elle reste dans mon champ de vision, contemple sa chevelure châtain qui cascade dans son dos et sa démarche sensuelle.

— On se demande qui de nous deux draguer la jolie serveuse. Je lance à Noa avec un rictus mesquin.
— Je ne drague pas Artémis, chuchote-t-il. Elle connait mon prénom parce que je viens souvent, c'est tout. Renchérit-il devant mon haussement de sourcil.
 Je balaie sa réponse de la main et me concentre à nouveau sur mon avocat. Je l'ai engagé pour être sûr que le testament soit bien conforme avant d'accepter quoi que ce soit de ma génitrice. Notre rencontre dure plusieurs minutes où Maître Crosby nous détaille chaque paragraphe, chaque ligne, chaque mot. Lorsque notre entretien prend fin, je ne sais pas si je suis soulagé ou non de constater que, oui, la maison ainsi que la somme qu'elle m'a versée m'appartiennent bel et bien et que non, je n'ai rien à rendre à ma demi-sœur.
 Une fois les derniers papiers signés, une poignée de main en guise de salutation, le notaire quitte le salon de thé nous laissant seuls, Noa et moi. Après avoir échangé plusieurs banalités avec mon Noa, je jette un rapide coup d'œil à ma montre.

— C'est l'heure pour moi de rejoindre ma grotte. Dis-je en regroupant nos verres au centre de la table ainsi que les assiettes.

Pour toute réponse, mon cousin se moque de moi et s'apprête à attraper sa canne quand le tintement de la sonnette me hérisse une nouvelle fois le poil.
— Tiens, c'est bizarre. Marmonne Noa en s'immobilisant. Normalement, le salon ferme dans dix minutes et Artémis ne devrait pas prendre de clients.

 Les murmures échangés par Artémis dont je reconnais immédiatement se façon de parler ne m'inspire aucunement confiance. J'ignore si c'est la peur qui suinte de sa voix qui fait naître en moi une âme de sauveur, mais je n'attends pas plus longtemps pour la rejoindre. Lorsque je regagne l'accueil, la scène qui s'offre à moi réveil, une colère que j'ai du mal a refoulé.

Et si...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant