—Hélène, je rigolais, voyons. Quelle susceptibilité ! Tu pars vraiment au quart de tour, c'est dingue, ajoute Jim depuis le couloir tandis que je suis déjà en train de me déshabiller pour me réfugier sous la douche.Je ne lui réponds pas. ça ne ferait que rajouter de l'huile sur le feu, et je commence à nous connaître, on pourrait continuer ainsi tout le reste de la journée.
Heureusement, le bruit de l'eau qui se met à ruisseler dans mes cheveux puis sur mes oreilles m'empêche d'entendre la suite. Il peut dire ce qu'il veut, je m'en fiche, je ne capte plus rien.
Cause toujours tu m'intéresses, hahaha ! pensé-je, victorieuse.
Alors que je me savonne énergiquement le corps, je repense inlassablement à notre soirée d'hier, après l'annonce du confinement.
Je repense à nos deux baisers bien sûr, mais pas seulement...
J'entends aussi la voix de Jim qui m'avoue avoir perdu sa mère des suites d'un cancer alors qu'il avait seulement dix sept ans.
A dix sept ans, on passe le baccalauréat, on découvre l'amour et la cigarette, on boit un peu et on embrasse beaucoup. Mais c'est encore bien trop jeune pour perdre sa maman. C'est trop tôt et trop triste de faire ses premiers pas dans la vie d'adulte sans celle qui t'a élevé et appris à marcher.
Le cœur serré, je mets ma tête sous le jet d'eau pour arrêter d'y penser.
Une fois rincée, je récupère ma serviette posée sur le tabouret. Pendant que je m'essuie, je me remémore cette fois-ci notre discussion au sujet de son petit frère. Il m'a dit qu'il était en prison. Quelle angoisse d'avoir un membre de sa famille en prison.
Je me demande pourquoi et pour combien de temps ?
Je me demande aussi comment Jim vit la situation ?
Entre son père à qui il n'adresse plus la parole pour je ne sais quelle raison et son frère cadet qui est emprisonné, j'imagine que ça explique le comportement secret et parfois un peu bourru de mon nouveau colocataire qui, mine de rien, doit en avoir gros sur la patate.
Caché derrière son côté dragueur et ses blagues de mauvais goût, je réalise que lui aussi en a bavé dans la vie.
Oula, mon téléphone indique déjà onze heures trente ! Marco m'a dit d'essayer d'être là avant la pause déjeuner, puisque le gouvernement a donné jusqu'à midi avant la fermeture définitive de bon nombre de structures supplémentaires dont les assistantes maternelles, et que du coup, il va devoir aller chercher ses enfants chez leur nounou n'ayant plus le droit de les accueillir.
Je m'habille en vitesse, un jean, un débardeur et un gros pull faisant l'affaire, puis je sors de la salle de bain en trombe pour aller enfiler mon manteau et mes bottines.
Tout en attachant mes lacets, je jette un œil alentour et constate que Jim n'est ni dans le salon ni dans la cuisine.
Je récupère mon sac à main posé sur le meuble en rotin dans l'entrée et crie à son attention :
—J'y vais Jim, à tout à l'heure !
Sans attendre de réponse de sa part, je referme la porte derrière moi. En sortant dans la rue, je décide d'appeler Louise pour la prévenir que je suis en chemin.
—Re ma poulette, décroche t-elle. Bon alors, Marco m'a dit qu'il t'avait convaincue de venir malgré ton état... Le relou quoi !
—Oui oui, j'arrive là, d'ici un quart d'heure. Mais t'inquiète, il a été cool, il ne m'a pas forcée non plus, mais bon, je le comprends, j'ai choisi mon jour aussi pour être malade, haha ! Avec le confinement à partir de midi, c'est un peu la course contre la montre, et vu qu'on ne sait pas vraiment à quelle sauce on va être mangé par le gouvernement dans les prochains jours, Marco tenait absolument à ce que je récupère mon pc ce matin pour pouvoir poursuivre demain en télétravail.
—Ouais, il n'a pas tort. Tu verrais les locaux depuis ce matin. C'est l'effervescence. Une vraie fourmilière. Certains salariés transportent même leurs chaises de bureau, j'te jure, se marre t-elle. Mais c'est quand même cool de ta part de te déplacer. Tu te sens mieux, d'ailleurs ?
—Comme ci comme ça, prendre une douche m'a fait du bien... Bon par contre, on est d'accord que pour Business et Formation, j'ai chopé le virus de la gastro, hein ?
—Hahaha, of course. T'as de la chance d'être copine avec la responsable RH, fanfaronne t-elle. Et parce que c'est toi, je ne te demanderai pas d'arrêt maladie.
—Merci, je te revaudrais ça.
—Hum... Non mais meuf, toi qui ne bois quasiment jamais, quelle idée aussi de te faire des shoot de rhum vieux. Ah, je te jure !
—Ce n'est pas moi qui ai eu l'idée, c'est Jim ! me dédouané-je.
—Ouais d'ailleurs, je ne t'ai pas demandé tout à l'heure au tel... l'alcool coulant à flot, il s'est passé quelque chose entre Jim et toi ? m'interroge t-elle avant de s'esclaffer comme une ado de quinze ans.
Distraite, je m'entrave soudain dans le trottoir et manque de me rétamer sur le goudron, me rattrapant in extremis au poteau de signalisation juste devant moi.
—Allô, Hélène ? Ça va ? C'était quoi ce petit cri aigu ? Ououh, t'es là ? entends-je Louise beugler en récupérant mon téléphone qui m'avait échappé des mains et était tombé par terre.
A suivre... :-)
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Confinée avec un Con fini (FINI)
RomanceEt si le nouveau colocataire d'Hélène, boulimique de yoga et accro aux plats healthy, s'avérait aussi sexy et rock'n'roll que bordélique et imbu de sa personne ? Bières vs eau chaude citronnée. Peau tatouée vs petites chemises repassées. Delivro...