Chap 8

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Le bateau en question est énorme, avec un large pont inférieur, un intérieur cosy doté d'un bar et d'un grill, et un pont supérieur baigné par le soleil. Alors que les autres passagers trouvent des endroits pour
ranger leurs sacs et grignotent quelque chose, Ethan et moi nous dirigeons droit sur le bar, commandons nos cocktails et gravissons l'échelle qui mène au pont supérieur désert. Je suis sûre qu'il ne le restera pas longtemps, mais nous apprécions pleinement ce répit dans nos performances d'acteurs.
Il fait chaud ; je retire ma robe, Ethan enlève son tee-shirt. Nous sommes tous les deux à moitié nus, en pleine lumière, et nous savourons le silence ambiant.
Nos regards s'évitent soigneusement. Soudain, je regrette que nous ne soyons pas entourés d'autres gens.
Je lance :
– Sympa, ce bateau.
– Ouais.
– Ton cocktail est bon ?
Il hausse les épaules.
– Alcool bon marché. Mais ça passe.
Le vent fait voleter mes cheveux devant mon visage et Ethan tient ma vodka tonic pendant que je
sors un élastique de mon sac pour les attacher. Ses yeux quittent l'horizon pour se poser sur mon bikini rouge, puis il détourne à nouveau le regard.
– Je t'ai vu.
Il sirote son verre.
– Pardon ?
– Tu as maté mes seins.
– Bien sûr. C'est comme s'il y avait deux autres personnes avec nous. Je ne voudrais pas paraître
impoli en les ignorant.
Une tête émerge du sommet de l'échelle, à point nommé – putain de Daryl Dixon, suivi de près par
Sophie, cerise sur le gâteau. Je jure que j'entends les hurlements de l'âme d'Ethan.
Ils montent, des margaritas dans des verres en plastique à la main.
– Salut, vous ! s'exclame Sophie en s'approchant. Oh mon Dieu ! N'est-ce pas ma-gni-fi-que ?
– Vraiment ma-gni-fi-que, je renchéris en ignorant l'expression horrifiée d'Ethan.
Impossible qu'il me juge plus durement que je ne me juge moi-même.
Nous nous tenons ensemble, le quatuor le plus improbable du monde, et je tente d'apaiser la tension
que je sens entre nous.
– Et donc, Billy, où vous êtes-vous rencontrés tous les deux ?
Billy plisse les yeux en direction du soleil.
– Au supermarché.
– Billy est assistant gérant magasin d'un Cub Foods à St. Paul, précise Sophie. Il était en train de
ranger des fournitures d'école, j'achetais des assiettes en carton de l'autre côté de l'allée. Je patiente, en m'attendant à une suite. Mais apparemment, c'est tout.
Le silence se fait jusqu'à ce qu'Ethan vienne à la rescousse.
– Celui de Clarence ou... ?
– Hum, nan, fredonne-t-elle en aspirant dans sa paille et en secouant la tête, Arcade.
– Je ne fais jamais mes courses là-bas, dis-je. (Encore un silence.) J'aime celui qui est sur University. – Ils offrent une très bonne sélection de produits, ajoute Ethan.

Sophie me dévisage quelques secondes avant de regarder Ethan.
– Elle ressemble à la petite copine de Dane.
Mon estomac fait des loopings et, à l'intérieur de ma boîte crânienne, mon cerveau prend la forme
du Cri de Munch. Bien entendu, Sophie a déjà rencontré Ami. Individuellement, Ethan et moi sommes des personnes plus intelligentes que la moyenne, alors pourquoi sommes-nous si stupides ensemble ?
Je tente de lui transmettre ma panique par télékinésie, mais il se contente d'acquiescer calmement.
– Ouais, elles sont jumelles.
Billy laisse échapper un « Mec » impressionné, mais Sophie n'est clairement pas aussi séduite par la
perspective de films porno maison.
– Et ce n'est pas un peu bizarre ? demande-t-elle.
J'ai envie de brailler OUI – TRÈS – TOUT EST TRÈS BIZARRE, mais je parviens à fixer ma bouche à
ma paille et à vider la moitié de mon verre. Après une longue pause, Ethan rétorque : – Pas vraiment.
Une mouette nous survole. Le bateau tangue à cause des vagues. J'arrive au fond de mon verre et aspire bruyamment l'air mouillé dans ma paille jusqu'à ce qu'Ethan me donne un coup de coude dans les côtes. C'est tellement pénible.
Sophie et Billy finissent par décider qu'il est temps de s'installer quelque part et ils se dirigent vers un banc rembourré directement en face de là où nous sommes – assez près pour que nous partagions clairement le même espace général mais suffisamment loin pour que nous ne soyons plus obligés de faire la conversation ou d'entendre les trucs dégoûtants que Billy murmure actuellement à l'oreille de Sophie.
Ethan m'entoure les épaules du bras dans un geste maladroit et robotique censé crier Nous Sommes Tendres Nous Aussi, ce qui me rappelle encore une fois qu'il était beaucoup plus délicat hier soir. À l'aise, je pose une main sur sa taille. J'avais oublié qu'il était torse nu et ma paume effleure directement sa peau. Ethan se raidit un peu à côté de moi, donc je m'appuie plus franchement, caresse l'os de sa hanche du pouce.
Je comptais le faire pour l'asticoter mais en fait... c'est agréable.
Sa peau est chauffée par le soleil, ferme, elle accapare toute mon attention.
C'est un peu comme manger une seule bouchée d'un plat délicieux ; je ne suis pas rassasiée. Le
point de contact où mon pouce touche sa hanche devient soudainement la partie la plus brûlante de mon corps.
Avec un roucoulement gnangnan, Billy attire Sophie sur ses genoux, et elle agite ses petits pieds en l'air en gloussant. Après quelques instants de silence durant lesquels j'aurais vraiment pu le voir venir, Ethan s'assoit, lui aussi, et m'attire brusquement sur ses cuisses. Mon atterrissage est beaucoup moins gracieux – je suis bien moins menue – et je laisse échapper un rot à cause du mouvement abrupt.
Je siffle :
– Qu'est-ce que tu fais ?
– Seigneur, je n'en sais rien, murmure-t-il, affligé. Contente-toi de jouer le jeu.
– Je sens ton pénis.
Il se décale sous moi.
– C'était tellement plus facile hier soir.
– Parce que tu n'étais pas investi !
– Qu'est-ce qu'elle fout là-haut ? râle-t-il. Le bateau est immense !
– Vous êtes trop mignons tous les deux, nous crie Sophie en souriant. Tellement complices.
– Tellement complices, répète Ethan en souriant, les dents serrées. Nous ne nous lassons jamais l'un
de l'autre.
– Totalement, je renchéris en faisant encore empirer la situation lorsque je lève les deux pouces. Sophie et Billy ont l'air tellement à l'aise. Ce qui n'est clairement pas notre cas. C'était une chose de
dîner avec les Hamilton hier soir, lorsque nous avions nos propres chaises et que nous jouissions chacun de notre espace personnel. Mais ici, mes jambes tartinées de crème solaire glissent sur celles d'Ethan et il doit encore ajuster ma position. Je rentre le ventre et mes cuisses tremblent à cause de l'effort que je déploie pour ne pas m'appuyer sur lui de tout mon poids. Comme s'il le sentait, il m'attire un peu plus contre son torse pour m'aider à me décontracter.
– Est-ce confortable ? marmonne-t-il.
– Non.
À cet instant, je suis consciente de tous les donuts que j'ai mangés au cours de ma vie. – Tourne-toi.
– Quoi?
– Comme ça...
Il fait pivoter mes deux jambes vers la droite et me blottit contre son torse.

LALDMWhere stories live. Discover now