J'ouvre la porte de notre suite aussi discrètement que possible. Ethan n'était pas encore réveillé quand j'ai laissé tomber l'idée de l'attendre et me suis levée pour aller me chercher quelque chose à manger,
mais il vient d'émerger. Il est assis sur le canapé, uniquement vêtu d'un boxer. Une telle étendue de peau bronzée s'offre à ma vue que mon rythme cardiaque grimpe en flèche. Nous allons devoir parler de ce qui s'est passé hier soir – les baisers et la nuit passée ensemble, enlacés en cuillère –, mais il serait sans doute bien plus simple de s'épargner la conversation gênante et de recommencer directement à se rouler des pelles.
Je murmure :
– Salut.
– Salut.
Ses cheveux sont hérissés, il a les yeux fermés et il est affalé sur le canapé comme s'il se concentrait
sur sa respiration ou comptait lancer une pétition pour bannir toutes les promotions sur les Mai Tai à 1,99 $.
– Tuasmalàlatête?
Il répond par un grognement d'outre-tombe.
– Je t'ai apporté des fruits et un sandwich à l'œuf.
Je tiens à la main un sachet de mangues et de fruits rouges, ainsi qu'un sandwich emballé, il les
regarde comme s'ils étaient tout droit sortis de notre buffet de fruits de mer.
– Tu es descendue pour le petit déjeuner ? demande-t-il.
Le sans moi est clairement sous-entendu.
Son ton est un poil désagréable, mais je l'excuse. Personne n'est dans son assiette avec une
migraine.
Je pose la nourriture sur la table et me dirige vers la cuisine pour lui préparer un café.
– Ouais, je t'ai attendu jusqu'à 9h30, mais mon estomac était en train de s'auto-digérer.
– Sophie t'a-t-elle vue seule ?
J'ai l'impression de perdre l'équilibre. Je me tourne pour le regarder par-dessus mon épaule.
– Euh... quoi ?
– Je n'ai juste pas envie qu'elle pense qu'il y a des problèmes dans notre mariage.
Nous avons passé tout l'après-midi à parler du fait qu'il était bien mieux sans Sophie, il m'a
embrassée hier soir et, ce matin, il s'inquiète de savoir ce qu'elle pense. Génial.
– Tu veux dire, dans notre parodie de mariage ?
Il se frotte le front.
– Ouais, exactement. (Il laisse tomber sa main et lève les yeux vers moi.) Alors ?
Ma mâchoire se contracte et je sens une tempête monter dans ma poitrine. C'est bien. De la colère,
c'est bon signe. Je sais comment me comporter quand je suis en colère contre Ethan. C'est tellement plus facile que de gérer un coup de cœur potentiel.
– Non, Ethan, ton ex-copine n'était pas en train de prendre son petit déjeuner. Son fiancé ou l'un des nouveaux amis que tu t'es faits hier soir dans le lobby non plus.
– Les quoi ? demande-t-il.
– Laisse tomber.
Il ne se souvient évidemment pas. Parfait. Nous pouvons continuer à faire semblant que le reste
n'est pas arrivé non plus.
– Tu es de mauvaise humeur ?Un rire sec et sardonique m'échappe.
– Suis-je de mauvaise humeur ? Est-ce une question sérieuse ?
– Tu as l'air vraiment énervée, comme si quelque chose te tracassait.
– J'ai l'air...
Je prends une grande inspiration et me redresse de toute ma hauteur.
J'ai l'air énervée ? Il m'a embrassée hier soir et a tenu des propos qui insinuaient qu'il pourrait peut-
être avoir envie de continuer, puis il s'est endormi comme une masse. Maintenant, il me cuisine pour savoir si quelqu'un(e) m'a vue prendre mon petit déjeuner seule à l'hôtel. Je ne pense pas que ma réaction soit exagérée.
– Tout va bien.
Il marmonne quelque chose avant d'attraper les fruits, ouvrir l'emballage plastique et les examiner. – Ça vient du...
– Non, Ethan, ça ne vient pas du buffet. J'ai commandé une assiette de fruits frais. Je l'ai montée
pour nous éviter les douze dollars que facture le room-service.
Mes doigts fourmillent. Pour la première fois depuis deux jours, je meurs d'envie de le frapper, ce
qui me procure un bonheur infini.
Il grogne un « merci » avant de prendre un morceau de mangue entre ses doigts. Il le fixe, puis
éclate de rire.
– Qu'est-ce qui est si drôle ?
– Je viens de me souvenir de cette copine de Dane qui avait un tatouage de mangue sur les fesses.
– Pardon ?
Il mastique et avale avant de continuer à parler.
– Trinity. La fille avec qui il sortait il y a deux ans, à peu près ?
Je fronce les sourcils en sentant la gêne monter en moi.
– Ça ne pouvait pas être il y a deux ans. Il sort avec Ami depuis trois ans et demi.
Il me fait signe que je me trompe.
– Ouais, mais je parle de la phase où Ami et lui n'étaient pas encore exclusifs.
À ces mots, je laisse tomber la petite cuillère que je tiens à la main, elle résonne sur le comptoir. Ami
a rencontré Dane dans un bar et, selon elle, ils sont rentrés ensemble ce soir-là, ont couché ensemble et n'ont plus jamais regardé en arrière. D'après les informations que je détiens, il n'y a jamais eu de phase où ils n'ont pas été exclusifs.
– Pendant combien de temps ont-ils fréquenté d'autres personnes, déjà ? je fais avec autant de contrôle que possible.
Ethan croque une myrtille. Il ne me regarde pas, ce qui est probablement une bonne chose, parce que je suis persuadée d'avoir la tête d'une personne prête à commettre un meurtre.
– Les deux premières années où ils étaient ensemble, n'est-ce pas ?
Je me penche et me pince le nez en tentant d'invoquer l'Olive Professionnelle, capable de garder son calme même quand des médecins condescendants lui cherchent des noises.
– Exact, exact. (Je peux paniquer ou obtenir toutes les informations possibles.) Ils se sont rencontrés dans un bar, mais ce n'est que lorsque... à quel moment ont-ils décidé d'être exclusifs, déjà ?
Ethan lève les yeux vers moi. Il a perçu quelque chose dans ma voix.
– Euh...
– C'était juste avant leurs fiançailles ?
Je ne peux pas prévoir ma réaction s'il confirme avec nonchalance ma question test lancée à
l'aveuglette, mais il me semble soudain logique que Dane refuse de s'engager avant de décider de manière impulsive qu'il est absolument prêt pour les liens sacrés du mariage.
Mon cerveau est rempli de fantasmes de flammes de l'enfer.
Ethan acquiesce lentement et me dévisage comme s'il essayait sans succès de comprendre ce qui m'arrive.
– Tu te souviens ? Il a quitté l'autre fille au moment où Ami s'est fait opérer de l'appendicite et puis il l'a demandée en mariage ?
J'écrase le poing sur le comptoir.
– Tu te fous de ma gueule, putain ?
Ethan bondit sur ses pieds et me désigne du doigt.
– Tu m'as piégé ! Ne prétends pas qu'Ami n'est pas au courant !
– Ami n'a jamais pensé qu'ils avaient le droit de sortir avec d'autres personnes, Ethan !
– Alors elle t'a menti, parce que Dane lui raconte tout !
Je secoue déjà la tête, submergée par l'envie de dépecer Dane, mais Ethan est accessible et m'offre
une fantastique occasion de m'entraîner.