Une fois de retour sur la terre ferme, ses couleurs lui reviennent, mais au lieu de tenter le diable – ou de risquer de devoir dîner avec Sophie et Billy –, nous décidons de nous replier dans notre suite et de commander au room-service.
Même s'il dîne dans le salon et moi dans la chambre, je réalise quelque part, entre ma première bouchée de raviolis et mon quatrième épisode de GLOW, que j'aurais pu envoyer Ethan dans la suite et sortir de mon côté. J'aurais pu m'adonner à une centaine d'activités différentes sans même quitter l'enceinte de l'hôtel, et pourtant me voilà à une pièce de distance, parce qu'Ethan ne s'est pas senti bien aujourd'hui. Le point positif, c'est que je suis tout près s'il a besoin de quelqu'un.
Besoin de quelqu'un... comme moi ? Je suis tentée de me moquer de moi et de cette nouvelle sensibilité. Comment puis-je penser qu'Ethan fera appel à moi pour trouver du réconfort si nous ne sommes pas coincés sur un bateau. Il n'y songerait même pas et ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes ici, de toute manière !
Je commence à me morigéner jusqu'à sentir que mon cerveau va exploser : je me répète que je suis ici pour profiter de mes vacances et pas pour céder au charme de ce type. Après tout, il a seulement été à peu près amical avec moi dans ce paradis et jamais dans la vie réelle. Mais soudain, je me souviens de ce que j'ai ressenti sous l'eau au cratère, de la sensation de son torse contre mon dos sur le pont du bateau, de la douceur de ses cheveux entre mes doigts. Mon cœur se met à battre la chamade quand je repense à la manière dont sa respiration a commencé à se synchroniser avec le mouvement de mes ongles qui lui grattaient doucement le crâne.
Et puis j'éclate de rire en revoyant notre Twister impudique dans les Toilettes Maudites. – Tu ris en repensant aux toilettes ? crie-t-il de l'autre pièce.
– Cette histoire me fera rire jusqu'à la fin des temps.
– Pareil.
Je me surprends à sourire en direction du salon et me rends compte que rester dans l'Équipe 1 Haïr- Ethan-Thomas ne vaut finalement peut-être pas la peine.
LE SOLEIL SE LÈVE SUR L'ÎLE, illuminant progressivement le ciel brumeux. Hier matin, l'humidité de la nuit s'est évaporée avec l'arrivée du soleil, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, il pleut.
Il fait frais quand je me faufile hors de la chambre à la recherche d'un café. La suite est plongée dans l'obscurité, mais Ethan est réveillé. Il est affalé de toute sa longueur sur le canapé-lit, un gros livre ouvert devant lui. Il a la sagesse de ne pas m'adresser la parole avant que la caféine ait eu le temps de faire son chemin dans mon système.
Finalement, je m'avance dans le salon.
– Qu'as-tu prévu aujourd'hui ?
Je suis toujours en pyjama, mais je me sens déjà bien plus humaine.
– Exactement ce que je suis en train de faire. (Il referme son livre, le pose sur son torse. L'image est
immédiatement classée dans mon encyclopédie personnelle comme une Posture d'Ethan dans la sous- catégorie Étonnamment Sexy.) Mais de préférence au bord de la piscine, une boisson alcoolisée à la main. Nous plissons les yeux en même temps en direction de la fenêtre. De lourdes gouttes secouent les
feuilles des palmiers et la pluie coule lentement sur la baie vitrée du balcon. Je soupire :
– Moi qui voulais faire du paddle... Il reprend son livre.– Je ne le sens pas bien.
Ma réaction spontanée est de lui adresser un regard noir, mais il a déjà les yeux ailleurs. Je saisis le guide de l'hôtel sur le meuble TV. Il y a bien une activité envisageable malgré la pluie ; Ethan et moi sommes capables de passer du temps ensemble dehors, mais il va y avoir un bain de sang si nous restons enfermés toute la journée dans la suite.
Je saisis le téléphone et ouvre l'annuaire. Ethan s'approche de moi et parcourt la liste d'activités par- dessus mon épaule. Il me frôle soudainement, et une énorme bouffée de chaleur me submerge. À l'instant d'après, le voilà qui colle son épaule à mon épaule. Ma voix devient plus hésitante à mesure que je parcours la liste.
– Tyrolienne... hélicoptère... randonnée... sous-marin... kayak... quatre-quatre... tour de vélo...
Il m'arrête avant que j'arrive au suivant.
– Oh. Paintball.
Je le dévisage, le regard vide. Le paintball, pour moi, a toujours été l'activité de prédilection des
mâles alpha débordants de testostérone et obsédés par les armes. Ce qui ne me semble pas être le cas d'Ethan.
– Tu as déjà joué au paintball ?
– Non, répond-il. Mais ça a l'air marrant. Ça ne peut pas être bien difficile, n'est-ce pas ?
– Attention à de ne pas tenter le diable, l'univers pourrait te le renvoyer à la figure, Ethan.
– L'univers n'a rien à faire de ma partie de paintball, Olive.
– Un jour, mon père m'a donné un pistolet lance-fusées quand je suis partie en voyage avec un ex-
petit ami. Il s'est déclenché dans le pick-up et a mis le feu à nos bagages alors qu'on se baignait dans une rivière. Nous avons dû nous précipiter au Walmart le plus proche pour acheter des vêtements, parce que nous n'avions que nos maillots mouillés sur nous. C'était une petite ville, dont les habitants étaient assez angoissants pour mériter de figurer dans Délivrance. Je n'ai jamais eu autant l'impression d'être sur le point d'être dévorée que lorsque j'arpentais le magasin pour trouver des sous-vêtements.
Il m'examine pendant plusieurs longues secondes.
– Tu as beaucoup d'histoires comme ça, n'est-ce pas ?
– Tu n'as pas idée. (Je jette encore un coup d'œil à la fenêtre.) Mais sérieusement. S'il a plu toute la
nuit, il y aura de la boue partout, non ?
Il s'appuie contre le comptoir.
– Donc, tu veux bien être recouverte de peinture, mais pas de boue ?
– Je crois que le but du jeu est de ne pas finir recouvert de peinture.
– Tu ne peux vraiment pas t'empêcher de me contredire, soupire-t-il. C'est tellement exaspérant.
– N'étais-tu pas en train de me corriger quand tu parlais de la peinture mais pas de la boue ?
Il grogne, mais je le vois réprimer un sourire. Je désigne l'autre côté de la pièce.
– Pourquoi tu n'ouvres pas le minibar pour trouver une échappatoire à ton exaspération ?
Ethan se penche en avant, s'approchant encore plus près de moi. Il sent incroyablement bon, ce qui
est incroyablement énervant.
– Allons faire un paintball aujourd'hui.
Je continue à tourner les pages en secouant la tête.
– Tu rêves.
– Allez, m'amadoue-t-il. Tu pourras choisir l'activité suivante.
– Pourquoi aurais-tu envie de passer du temps avec moi ? On ne s'apprécie même pas.
Il sourit.
– Décidément, tu ne penses pas stratégie ! Tu vas avoir l'occasion de me tirer des balles de peinture
dessus.
Un vidéo-montage du jeu se déroule dans ma tête : mon pistolet crachant un flot de balles de
peinture vert Skittle, des éclaboussures vertes sur la veste d'Ethan. Et finalement, le coup de grâce, une impressionnante explosion verte juste au-dessus de l'aine.
– Tu sais quoi ? Je vais réserver tout de suite.
L'HÔTEL MET À NOTRE DISPOSITION un bus pour nous emmener jusqu'au terrain de paintball. Nous nous arrêtons sur le parking d'un hangar, entouré par la forêt. Il ne pleut pas vraiment – il s'agit plutôt d'une bruine régulière – et, oh ouais, il y a de la boue.
À l'intérieur, le bureau est minuscule et sent – vous l'aurez deviné – la crasse et la peinture. Un grand type blanc, en surpoids, nous accueille derrière le comptoir. Il porte une chemise hybride entre les fleurs hawaïennes et le camouflage, et son badge indique HOGG. Ethan et lui discutent des différentes options du jeu, mais j'écoute à peine. Au-dessus du comptoir, les murs sont couverts de casques et de protections corporelles, de lunettes et de gants. Une af- fiche accrochée à une porte dit : RESTE CALME ET RECHARGE. Il y a aussi des pistolets, vraiment beaucoup de pistolets.
Ce n'est probablement pas le meilleur moment pour réaliser que je n'ai jamais tenu un pistolet de ma vie et encore moins appuyé sur une gâchette.
Hogg s'éloigne dans l'arrière-salle et Ethan se tourne vers moi. Il désigne le mur sur lequel sont placardés une liste de noms et un classement – les joueurs qui ont gagné une sorte de guerre de paintball.
– Ça a l'air assez intense.
Je désigne l'autre côté de la pièce et un poster qui dit : ATTENTION, MES BOULES RISQUENT DE T'EXPLOSER AU VISAGE.
– Je crois que le mot que Hogg cherchait est « classe ». (Je ramasse un pistolet vide de paintball qui ressemble à une mitraillette.) Tu te souviens de cette scène de Comment se débarrasser de son patron où Jane Fonda est habillée dans le genre safari et arpente le bureau à la recherche de M. Hart ?
– Non, répond Ethan en inclinant la tête en direction de l'équipement sur le mur, adorablement distrait. Pourquoi ?
Je lui souris lorsqu'il tourne le regard vers moi.
– Sans raison particulière. (Je désigne le mur) : As-tu déjà tiré au pistolet dans ta vie ?
Le Minnesota compte pas mal d'adeptes du tir sportif et, qui sait, Ethan est peut-être l'un d'entre
eux.
Il acquiesce sans ajouter un mot et, soudain, mon cerveau est envahi d'images, toutes plus folles les
unes que les autres. Une tête de zèbre empaillée décorant son salon. Ou un lion. Seigneur, et s'il était l'une de ces horribles personnes qui vont chasser le rhinocéros en Afrique ?
Ma haine, quand j'envisage cette version d'Ethan Thomas, commence à retrouver toute sa gloire brûlante jusqu'à ce qu'il précise :
– J'ai juste accompagné Dane au stand de tir deux fois. C'est plus son truc que le mien. (Il marque un temps d'arrêt en voyant mon expression.) Quoi ?
Je prends une grande inspiration et remplis mes poumons d'oxygène en réalisant que je viens de faire ce que je fais apparemment toujours, c'est-à-dire opter pour le pire scénario possible.
– Avant que tu clarifies, j'ai eu une image de toi avec un chapeau de safari et un pied posé sur un cadavre de girafe.
– Arrête, me coupe-t-il. C'est dégoûtant.
Je hausse les épaules en grimaçant.
– C'est ma manière de penser.
– Alors, apprends à me connaître. Accorde-moi le bénéfice du doute.
Il prononce ces mots calmement, de manière désinvolte, puis fronce les sourcils en lisant
l'inscription sur une ceinture posée sur le comptoir, La première règle de sécurité avec les armes à feu : Ne pas me faire chier.
Mais je suis toujours sous le choc de sa perspicacité – du coup, je me sens encore plus exposée – lorsque Hogg revient, ses bras épais croulant sous le matériel. Il nous tend à tous les deux des combinaisons et des gants à motifs camouflage, un casque et une paire de lunettes de protection. Le fusil est en plastique, il est vraiment très léger, avec un long canon et un réservoir en plastique fixé au sommet, où se trouvent les balles de paintball. Mais tout le reste de l'équipement est lourd. J'essaie de m'imaginer en train de courir avec tout cet attirail, en vain.
Ethan inspecte son équipement et pose un coude sur le comptoir.
– Avez-vous des... euh... protections ?
– Protections ?
Le sommet des oreilles d'Ethan rougit, ce qui me donne la certitude qu'il a lu dans mes pensées et
qu'il a vu les éclaboussures vertes imaginaires tout autour de son entrejambe. Il adresse à Hogg un regard lourd de sens, mais Hogg se contente de secouer la tête en riant.
– Ne t'inquiète pas pour ça, mon petit gars. Tout va bien se passer. Je lui tapote l'épaule.
– Ouais, mon petit gars. Je m'occupe de toi.
LA PARTIE SE DÉROULE sur vingt hectares de forêt dense. Des douzaines de refuges en bois longent les arbres, des tas de bûches sont éparpillés un peu partout pour permettre aux adversaires de se mettre à l'abri, et quelques passerelles s'étendent au-dessus de nos têtes, reliant les arbres entre eux. On nous demande de nous rassembler en groupes, avec les autres joueurs, sous un auvent de tôle. La pluie ressemble plus à un brouillard qu'à des gouttelettes maintenant, mais le fond de l'air humide est frais, et je frissonne sous ma combinaison. Ethan me jette un coup d'œil et ses yeux se plissent derrière ses lunettes, rieurs. Il n'a pas cessé de s'esclaffer depuis que je suis sortie de la cabine en tenue de paintball.
– On dirait que tu sors d'un dessin animé.
Je rétorque :
– Je te rassure, c'est aussi super-flatteur sur toi.
Mais c'était une repartie un peu nulle dans la mesure où l'attirail militaire lui va à merveille. Il s'est
transformé en soldat sexy. Je n'aurais jamais cru que ça pouvait me plaire, mais apparemment si. – Elmer Fudd, ajoute-t-il. Qui part à la chasse au lapin.
– Tu veux bien te taire ?
– Tu ressembles à un soldat Benjamin pathétique.
– Soldat Benjamin est déjà assez pathétique.
Ethan jubile.
– Jesais!
Béni soit-il : notre instructeur, Bob, s'approche de nous. Il est petit mais râblé et fait les cent pas
devant notre groupe comme un général préparant ses troupes. Son attitude me donne immédiatement l'impression que Bob voulait devenir policier, mais que cela n'a pas fonctionné.
Il nous explique que nous jouerons une version de paintball appelée rencontre de la mort. Cela semble à la fois génial et terrible : notre groupe d'une vingtaine de personnes est réparti en deux équipes et, en gros, nous allons courir dans tous les sens en nous tirant dessus jusqu'à ce que tous les membres d'une équipe soient éliminés.
– Chaque joueur dispose de cinq vies, poursuit-il en jetant des regards sévères à tout le monde. Chaque fois que vous serez touché, vous verrouillerez le lanceur, vous boucherez le canon et retournerez au camp. (Il désigne un petit bâtiment entouré de grillages protecteurs ; un écriteau sur lequel a été rédigé CAMP DE BASE pend en l'air). Vous y resterez jusqu'à ce que votre temps d'attente se soit écoulé, puis vous retournerez à la partie.
Ethan se penche et son haleine chaude me chatouille l'oreille :
– Tu ne m'en voudras pas de t'éliminer directement, n'est-ce pas ?
Je lève les yeux vers lui. Ses cheveux sont mouillés à cause de l'humidité, et il retient un sourire. Il
se mord littéralement les lèvres et, pendant un trouble instant, j'ai envie de toucher sa bouche.
Mais je suis surtout ravie qu'il ne suppose pas que nous ferons équipe aujourd'hui.
– Oh, quelle terrible menace !
– Vous devrez respecter des règles strictes, continue Bob. Priorité à la sécurité. Si vous pensez que
c'est stupide, arrêtez-vous là. Vous devez toujours garder vos lunettes. Si vous n'utilisez pas votre fusil, il doit être verrouillé et le canon bouché. La règle s'applique si on vous a touché et que vous sortez du terrain.
Quelqu'un frappe dans ses mains juste derrière moi et je regarde par-dessus mon épaule. Un homme chauve, grand et massif, hoche la tête à chaque nouvelle recommandation de l'instructeur. On dirait qu'il vibre d'impatience. Il est aussi torse nu ce qui semble... étrange, et il porte une ceinture porte-outils avec des cartouches supplémentaires de peinture et autres fournitures. J'échange un regard perplexe avec Ethan.
– Vous avez déjà joué au paintball, je suppose, déduit Ethan.
– Aussi souvent que je peux, lance l'homme avant de se présenter : Clancy.
Il tend la main pour serrer celle d'Ethan.
– Ethan. (Il me dévisage et j'agite la main.) Elle s'appelle Skittle.
– En réalité, dis-je en le fusillant du regard, c'est...
– Vous devez être assez fort alors, conclut Ethan.
Clancy croise ses bras poilus devant sa poitrine.
– J'ai atteint le niveau prestige dans Call of Duty environ vingt fois, donc je vous laisse juger.
Je n'arrive pas à résister.
– Si je peux me permettre, pourquoi restez-vous torse nu ? Cela ne fait pas mal quand on vous
touche ?
– La douleur fait partie de l'expérience, explique Clancy.
Ethan acquiesce comme si c'était logique, mais je le connais assez bien maintenant pour distinguer
l'amusement dans son regard. Je reprends :
– Des recommandations pour les débutants ?
Clancy est clairement ravi que je lui aie posé la question.
– Utilisez les arbres – c'est mieux que les surfaces planes parce que vous pouvez tourner autour
discrètement. Lorsque vous faites le guet, restez toujours penché. (Il illustre ses propos en se courbant et en se redressant plusieurs fois.) Protégez le reste de votre corps. Si vous ne le faites pas, vous apprendrez ce qu'on ressent en recevant une balle de peinture dans les biscuits à 300 km/h. (Il m'adresse un clin d'œil.) Avec tout le respect que je vous dois, Skittle.
J'esquisse un geste vague de la main.
– Personne n'aime être frappé dans les biscuits.
Il acquiesce avant de continuer.
– Plus important encore, ne vous jetez à terre sous aucun prétexte. Si vous touchez le sol, vous êtes
mort.
Les gens autour de nous applaudissent alors que Bob termine son discours et commence à nous
répartir en deux équipes. Ethan et moi sommes un peu déçus d'être tous les deux mis dans l'équipe Tonnerre. Ce qui signifie, tristement, que je ne le traquerai pas dans la forêt. Son désarroi augmente lorsqu'il voit l'équipe adverse : une poignée d'adultes et un groupe de sept adolescents de quatorze ans venus pour un anniversaire.
– Attendez, s'écrie Ethan en les désignant. Nous n'allons quand même pas tirer sur des gamins. L'un d'entre eux, des bagues aux dents et la casquette à l'envers, avance d'un pas.
– Qui est-ce que tu traites de gamin ? Tu as peur, papi ?
Ethan sourit, détendu.
– Si ta mère t'a déposé ici, alors tu es un gamin.
Son ami ricane un peu plus loin en l'encourageant.
– En fait, c'est ta mère qui m'a déposé ici. Elle m'a touché la bite sur la banquette arrière.
En écoutant ça, Ethan éclate d'un grand rire :
– Ouais, c'est tout à fait le style de Barb Thomas.
Il se tourne.
– Regarde comme il se défile comme une petite lavette, s'exclame le gamin.
Bob s'en mêle et jette un regard désapprobateur à l'adolescent.
– Surveille tes paroles. (Il se tourne vers Ethan.) Réserve ça pour le jeu.
– Je crois que Bob vient de me donner la permission d'éliminer ce petit connard, marmonne Ethan,
médusé, en baissant ses lunettes.
– Ethan, il est maigrichon, je renchéris.
– Ce qui signifie que je n'aurai pas besoin de gaspiller beaucoup de munitions sur lui.
Je pose une main sur son bras.
– Tu prends peut-être ce match un peu trop au sérieux.
Il me sourit et m'adresse un clin d'œil pour me faire comprendre qu'il plaisante. Quelque chose se
met à palpiter dans ma cage thoracique. L'Ethan Joueur est la dernière évolution de mon partenaire de voyage et je suis complètement séduite.
* **
– JE CROIS QUE J'AURAIS DÛ PRÊTER un peu plus d'attention aux règles. (Ethan halète à côté de moi, couvert de boue et de peinture violette. Moi aussi. Alerte spoiler : le paintball, ça fait mal, putain !) Y a-t-il une limite de temps pour ce jeu ?
Il sort son téléphone et commence à chercher sur Google, en grognant parce qu'il n'y a presque pas de réseau.
J'appuie la tête contre l'abri en bois et plisse les yeux en direction du ciel. Le plan de notre équipe était de nous répartir sur le terrain et de nous cacher près des bunkers tandis que quelques défenseurs restaient en territoire neutre et couvraient la progression des attaquants. Je ne sais pas exactement quand notre plan est tombé à l'eau, mais à un certain stade, nous avons lancé une embuscade peu judicieuse et seuls quatre d'entre nous sommes encore de la partie. L'intégralité des membres de l'équipe adverse – dont les adolescents vulgaires – est encore en lice.
Maintenant, Ethan et moi sommes coincés derrière un mur décrépit, traqués de toutes parts par des enfants bien plus féroces que nous aurions pu seulement imaginer.
Je demande :
– Sont-ils toujours là ?
Ethan se relève pour regarder par-dessus la barricade et se rassoit immédiatement. – Ouais.
– Combien ?
– J'en ai vu seulement deux. Je ne crois pas qu'ils sachent où nous sommes.
Il rampe, à l'affût, avant d'abandonner rapidement.