Chapitre 20

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Kraus ne voulait pas retourner chez lui, de peur de croiser son père. Il traina alors un peu dehors, traversant les rues sans se soucier des têtes qui se tournaient sur son passage. Certains le saluaient avec enthousiasme, d'autres détournaient le regard. 

Kraus ne faisait pas l'unanimité auprès des habitants de sa cité. Nombreux étaient ceux qui le pensait trop jeune et trop inexpérimenté pour les guider, tandis que certains avaient confiance en lui et était heureux d'avoir du sang neuf à la tête de Jhagraam. 

Il n'avait pas souvent l'occasion de sortir de sa demeure, alors se retrouver, seul, dans les rues de sa cité était agréable.

Il remonta les rues en direction du palais, situé en haut de la colline. Le soleil commençait sa descente dans le ciel, et ne réchauffait plus beaucoup l'atmosphère. Kraus resserra sa cape autour de son cou et accéléra légèrement le pas. Il s'arrêta quelques instants afin de laisse passer un convoi marchand. Il en profita pour observer la vie des habitants autour de lui. Les soldats dans leurs armures vertes patrouillaient dans les rues, interrogeant de temps à autres les passants. Quelques paysans vivant hors des murs étaient entrés pour la journée. Ils étaient reconnaissables par leur démarche voutée et leur tenue débraillée. Des habitants un peu plus fortunés, vêtus de longues robes brodées aux couleurs de Jhagraam pour les femmes et de lourds manteaux en cuir pour les hommes, se rendaient probablement dans les rues marchandes. Assise sur un banc, une femme magnifique, emmitouflée dans une cape rouge-carmin regardait fixement Kraus. A moins qu'elle ne regarde le convoi passe derrière lui. Le chef de clan lui fit un signe de tête poli, qu'elle ignora. Kraus détourna alors les yeux et attendit patiemment de pouvoir traverser la rue.

Il reprit son chemin et continua son ascension. Le dénivelé entre le quartier marchand et l'entrée de sa demeure était d'un peu moins de cinq cents mètres. Il devait encore traverser les grandes rues des hauts quartiers, où vivait tous les habitants les plus riches de la cité. Puis après cela, il lui restera plusieurs centaines de marches avant d'atteindre les portes de sa demeure. Kraus n'avait jamais été très sportif et regretta amèrement d'avoir sécher les entrainements lorsqu'il était enfant.

Un grand fracas derrière lui le fit sursauter. Il se retourna, une main sur le pommeau de son sabre. Un marchand avait fait tomber sa cargaison de sa charrette. Des passants s'étaient précipités pour l'aider. Kraus allait se retourner et continuer sa route, quand il aperçut la femme en rouge, debout à côté du marchand. Elle était tournée vers Kraus, sans pour autant le regarder. 

Il se remit en marche, puis se retourna à nouveau vers la femme. Elle avait disparue. Peut-être était-elle avec le marchand. Kraus se détendit et entra dans les hauts quartiers. Soudain, il fut bousculé dans une ruelle et plaqué contre un mur, une dague sous la gorge. 

Une fois la surprise passée, Kraus observa son agresseur. C'était la femme à la cape rouge. Il la fixa un instant dans les yeux. Ses yeux d'un bleu intense, parsemés de tâches plus claires, étaient maquillés d'un trait de crayon noir. Sa peau était aussi pâle que le clair de lune et les mèches de cheveux qui s'échappaient de sa capuche était plus noir que le plumage des corbeaux. Sa cape entrouverte, laissait apercevoir une splendide robe rouge sombre. Elle était magnifique. D'une beauté rare. Tellement merveilleuse, que Kraus aurait voulu l'exposer au monde entier. 

Le jeune chef de clan était tellement subjugué par l'apparence de cette femme, qu'il en avait oublié sa position vulnérable. Il reprit ses esprits et tenta de se défaire de la prise de son agresseur. Il ne réussit qu'à s'entailler un peu plus la gorge.

- Calme-toi mon mignon, susurra la femme. Je veux juste parler avec toi.

- Relâchez-moi, grogna Kraus entre ses dents serrées. Savez-vous qui je suis ?

- Kraus de Tysn, fils d'Otux de Tysn, petit-fils de Graël de Tysn, voleur du trône de Jhagraam, énuméra la femme en comptant sur ses doigts.

La femme resserra sa prise sur Kraus et lui lança un regard mauvais. Il frissonna en voyant la colère embraser le regard de cette femme.

- Je sais qui tu es, petit vaurien, continua-t-elle. Mais toi, sais-tu qui je suis ? Bien sûr que non ! Tu n'es qu'un incapable ignorant.

Elle retira sa dague d'un geste vif, entaillant légèrement la peau de Kraus. Quelques gouttes de sang coulèrent le long de son cou. D'un geste encore plus rapide elle retourna Kraus face au mur, les mains dans le dos et les lui attacha avec une corde. Elle serra si fort que Kraus ne parvenait même plus à bouger les doigts. Puis elle le fit asseoir et s'accroupie face à lui. Elle joua avec sa dague sans quitter des yeux le chef de clan.

- Ah mon garçon... c'est tellement décevant de te voir ainsi...

- Que voulez-vous ? Qu'attendez-vous de moi ?

La femme éclata d'un rire cristallin. Elle renversa la tête en arrière, faisant tomber sa capuche sur ses épaules. Kraus était de plus en plus dérouté par cette femme. Elle était belle et terrifiante à la fois.

- Qu'est-ce qui te fait croire que tu as quelque chose à m'offrir, gamin. Mais enfin regarde toi ! dit-elle en en le fixant d'un air méprisant. Tu n'es qu'un enfant... tu n'es même pas capable de garder des prisonniers dans ta ville.

- Comment savez-vous ? Mais enfin qui êtes-vous ? s'impatienta Kraus.

- Qui suis-je ? s'interrogea la femme en se relevant. Je suis la future reine évidemment !

- Reine ? répéta Kraus incrédule. Mais reine de qui ? Reine de quoi ?

- Ta reine imbécile ! siffla la femme en se rapprochant de Kraus. Je serais la grande reine Natwe. Une reine aimée et aimante. Une reine douce et puissante. Une reine juste et clairvoyante.

La femme s'approcha du visage de Kraus, si près qu'il senti le doux parfum envoûtant de ses cheveux. Elle passa un doigt sur sa coupure, attrapant une goutte de sang. Elle passa ensuite son doigt sur ses lèvres et sourit de toutes ses dents parfaitement blanches. Kraus qui avait arrêté de respirer, souffla longuement. Il avait eu très chaud, sans s'expliquer pourquoi. Cette femme le terrorisait et pourtant, il était irrémédiablement attiré par elle.

- Donc, pour répondre à ta question, voilà ce que j'attends de toi : je veux... non... j'exige que tu fasses de moi ta reine !

- Et pourquoi ferais-je une chose pareille ? s'exclama Kraus qui se méfiait de plus en plus de cette femme au pouvoir si hypnotisant.

- Parce que, murmura-t-elle en s'approchant de son oreille, en échange, je peux te dire où se rends ta fugitive si chère à ton cœur, mon mignon. 

La Brume d'AïhémanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant