Chapitre 18

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Dans les égouts, Adina tirait toujours le corps inanimé du chasseur. Elle arrivait au bout d'un tunnel, la lumière du jour filtrait derrière une grille un peu plus loin. Le monstre des égouts ne se faisait plus entendre depuis longtemps. Adina était fatiguée de trainer cet homme, fatiguée du combat, mais elle n'abandonna pas, elle était presque sortie. Elle assit Dukan le long du mur et observa la grille. Elle était fine, en fer rouillé et couverte de plantes. Elle donna plusieurs coups de pieds dedans, faisant céder la grille dans un long grincement. Elle sortit la tête et observa les alentours. Elle n'était plus dans la ville, en face d'elle, s'étendait des champs cultivés à perte de vue. Elle apercevait quelques fermes isolées sur la gauche, mais il n'y avait rien d'autre que des champs sur la droite.

Adina retourna dans l'égout pour tirer Dukan à l'air libre. Elle l'allongea dans l'herbe quelques mètres plus loin, à l'ombre d'un arbre. Elle se laissa tomber à côté de lui, s'appuya contre l'arbre et ferma les yeux. Il faisait frais, il y avait une légère brise et l'herbe était encore humide. Les oiseaux gazouillaient, des petits animaux se promenaient non loin. Adina profita de ce calme et respira profondément. La dernière fois qu'elle s'était reposée ainsi, des soldats de Jhagraam l'avait attrapée. Elle ouvrit alors les yeux et guetta les alentours. Certes ils avaient réussi à semer les gardes de la cité, mais ils n'étaient pas à l'abris pour autant.

Dukan commençait à s'agiter à côté d'elle. Elle lui ôta son armure afin qu'il respire plus facilement. L'ancien chasseur toussait et remuait de plus en plus. Il grognait et gémissait. Adina resta assise en attendant qu'il se réveille. Elle ne pouvait rien faire d'autre pour lui, ils n'avaient ni eau ni nourriture, et n'avaient pas non plus de pilules ou de plantes médicinales. Après de longues minutes, Dukan ouvrit les yeux. Il haletait, cherchait son souffle. Il regarda tout autour de lui et arrêta son regard sur Adina. Il essaya de parler mais aucun son ne sortait de sa bouche. Il posa la main sur sa poitrine et toussa à nouveau.

- Doucement, lui dit Adina en posant une main sur son épaule, tu as probablement des côtes cassées.

Elle l'aida à s'asseoir correctement et lui raconta sa fuite après qu'il est perdu connaissance. Dukan l'écoutait sans pouvoir intervenir, sa voix refusant toujours de fonctionner.

- Tu vas pouvoir marcher ? demanda Adina. Il ne faut pas que l'on reste trop longtemps ici, ils nous ont peut-être suivis.

- P... Pourquoi... ? toussota Dukan.

- Quoi ?

- Tu... m'a... sau... sauvé...

- Mmh, soupira Adina, oui je sais. Comme ça, on est quitte.

Elle haussa les épaules et se releva. Elle ôta à son tour l'armure qu'elle avait sur le dos, l'abandonnant à côté de celle de Dukan au pied de l'arbre. Elle garda cependant le ceinturon et l'épée courte. Elle découpa ensuite les manches de sa combinaison verte au-dessus des coudes et utilisa une bande de tissu pour s'attacher les cheveux en queue de cheval. Elle se retourna vers le chasseur toujours assis.

- Bon, moi je retourne à Jhagraam, annonça-t-elle sans détour. J'ai deux trois effets personnels à récupérer. Toi... je ne sais pas. Tu ne peux pas me suivre, tu me ralentirais. Si tu restes là, tu risques de te faire attraper. Tu devrais aller te faire soigner mais, un conseil, évite de t'approcher de Jhagraam, dit-elle avec un clin d'œil.

Dukan hocha la tête, de toute façon il ne pouvait pas vraiment parler. Il essaya de se relever sans grand succès. Adina l'aida à se redresser et lui suggéra de s'appuyer contre l'arbre. Elle s'éloigna et alla chercher n'importe quoi qui pourrait lui servir d'appui. Elle trouva un arbre mort, et décida d'utiliser une vieille branche comme canne. Elle choisit la plus solide et la ramena au blessé. Il s'appuya dessus et tenta de faire quelques pas. Il marchait difficilement mais arrivait tout de même à tenir debout.

- Tu tiens debout ? demanda Adina. Tu arriveras à te débrouiller seul ?

Dukan hocha à nouveau la tête. Il ramassa son épée couverte de boue, qu'il accrocha à son ceinturon. Il releva la tête et regarda Adina. Il avait l'air malheureux, mais peut-être était-ce dû à la douleur. Il toussa, cracha encore du sang et se plia en deux. Il souffla, tentant de reprendre son souffle.

- J... Je... viens...

- Non, non, le coupa Adina en levant la main. Tu ne viens pas avec moi. Tu es souffrant. Peut-être mourant. Je ne t'attendrais pas.

- Bes... Besoin d'ai... besoin d'aide...

- Non Dukan ! répliqua sèchement la jeune femme. Tu m'as aidé, je t'ai sauvé, on est quitte. Point final. Maintenant part de ton côté. Va te soigner. S'il te plait...

Adina le suppliait, non pas de prendre soin de lui, mais plutôt de la laisser partir. Elle avait apprécié l'aide que lui avait apporté le chasseur. Sa présence avait été... tolérable. Mais elle ne pouvait pas se permettre de trainer un fardeau avec elle. Son objectif était de partir dans les montagnes plus au Sud, dans le petit village d'Eyen, afin de pouvoir s'y reposer et échapper à toutes les personnes qui lui courrait après. Elle en avait marre d'être une fugitive. Elle voulait une vie normale. Adina regarda Dukan qui toussait toujours, appuyé sur sa branche. Il avait l'air triste. Il était seul et rejeté. Comme elle. Elle hésita quelques instants, puis se décida à lui parler d'Eyen.

- Bon, écoute-moi bien. Quelque part dans les montagnes plus au Sud, il y a un village libre, qui ne répond à aucun clan. J'essaie de me rendre là-bas. Rends-toi dans la forêt d'Evallorn, à l'Est du lac Ehan. Puis suis ton instinct pour trouver le village. Tout ce que je sais, c'est qu'il se trouve sur les hauts-plateaux. Je t'accorde ma confiance en te parlant de ce village, ne me le fait pas regretter chasseur, menaça Adina, ou je serais ton pire cauchemar, je te le promets !

Dukan acquiesça. Adina le fixa dans les yeux un moment, jusqu'à ce qu'il baisse le regard. Elle l'observa quelques secondes encore puis se retourna. Elle chercha le soleil afin d'estimer l'heure qu'il était. La ville forte fermait ses portes environ trente minutes avant le coucher du soleil, ce qui, a priori, laissait environ quatre heures à Adina pour pénétrer dans la ville. Elle tourna vers l'ouest et commença son chemin.

- Merci..., murmura Dukan.

Adina se retourna et regarda Dukan. Il était pâle et sale. Ses cheveux châtains tombaient sur ses épaules de façon désordonnés, sa peau d'ordinaire si claire était couverte de sang et de boue et ses yeux noisette étaient injectés de sang.

- On se revoit à Eyen, répondit Adina avec un sourire. 

La Brume d'AïhémanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant