Chapitre 11

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Dukan arriva en vue de la ville forte de Jhagraam en fin d'après-midi. La ville avait été bâtie sur les ruines d'une ancienne cité. Les bâtiments étaient tout en hauteur et semblaient s'empiler les uns sur les autres. D'un style très hétérogène, les bâtiments avaient été reconstruits avec des pierres noires, des briques rouges et des tôles de métal. Au milieu de toutes ces constructions, s'élevait le palais de Jhagraam. Une demeure plus large et plus haute que les autres qui avait été bâtie pour ressembler à un château. Tout autour, un mur de plusieurs mètres de haut encerclait la ville. Il n'y avait que deux portes d'accès : une au sud et une au nord. Au-delà de la ville, des nuages d'orages menaçaient, des éclairs zébraient déjà le ciel. 

Dukan était épuisé, frigorifié, il avait marché pendant plusieurs jours avant d'arriver en ville. Il n'avait ni monnaie, ni pièce d'identité. Il lui serait difficile de trouver un endroit où dormir, ou même de quoi manger. Le tonnerre commençait à se faire entendre au loin, alors Dukan préféra tenter le coup, et se présenta devant les portes de la ville.

Lorsque se fut à son tour de se présenter devant le soldat, celui-ci le recala sans lui poser la moindre question. Dukan insista, mais d'après le garde, aucun mendiant n'était admis dans l'enceinte de la ville. Dukan descendit de cheval pour essayer de parlementer avec le garde, lui expliquant sa situation. Évidemment, le garde faisait la sourde oreille, habitué à ce genre d'histoire. 

Pendant ce temps, un homme était monté sur son cheval et essayait de s'enfuir avec. Dukan se retourna et vit l'homme faire demi-tour. Il l'attrapa par la jambe et le fit tomber de cheval. L'homme se releva et donna un coup de poing dans l'estomac de Dukan. Il riposta en enchainant plusieurs coups dans le visage et le ventre. La bagarre prit de l'ampleur et d'autres mendiants se joignirent aux combattants. Les gardes mirent fin à tout ça et arrêtèrent Dukan et le voleur. Le seul avantage que Dukan tira de cette altercation, fut qu'il put entrer dans l'enceinte de la ville.

Les gardes emmenèrent les deux hommes dans la caserne de la ville. Puis après un jugement rapide, qui consistait simplement à reprocher des faits aux protagonistes, les deux hommes furent envoyés dans des cellules pour la nuit.

Dukan et le voleur furent jetés dans une cellule qui contenait déjà quatre autres prisonniers. L'ancien chasseur s'assit au pied des barreaux. Il vit les geôliers s'affairer devant lui. Ils vidaient une cellule en face de la leur, déplaçant les quelques occupants et le mobilier. Ils installèrent une simple chaine, pourvue d'épaisses menottes en fer, qu'ils accrochèrent à l'anneau au fond de la pièce. Dukan se demanda en quel honneur, ils préparaient cette mise en scène. Était-ce pour un prisonnier dangereux ? Un prisonnier important ? Ou peut-être même pour un monstre ? 

Dukan eu vite la réponse à sa question. Des gardes descendirent un prisonnier, le visage caché sous une capuche et visiblement endormi. Ils le déposèrent au sol et lui passèrent les menottes. La capuche glissa et, dans le laps de temps avant que les gardes ne ferment la lourde porte en bois, Dukan cru voir une mèche blanche. Ce n'était pas possible... Ils avaient attrapé la fugitive ? Cette femme, qui, une semaine plus tôt, avait failli le tuer ? Cette femme, qui l'avais fait bannir de l'ordre des chasseurs ? Dukan ressenti une pointe de jalousie et de frustration. C'était à cause d'elle qu'il se trouvait maintenant dans les geôles du palais, en compagnie de voleurs et autres hors-la-loi.

A la tombée de la nuit, Dukan demanda aux gardes devant sa cellules, s'il pouvait être libéré dans la journée. Les gardes l'ignorèrent, préférant jouer aux cartes. Il expliqua à nouveaux sa situation, mais rien ne motiva les gardes à l'écouter. Dukan, agacé, s'assit à nouveau au pied des barreaux, face à la cellule de la mystérieuse prisonnière.

***

De l'autre côté de la porte, attachée par les poignets, Adina émergeait difficilement. Elle était encore tout engourdie par le poison qui restait dans ses veines. L'orage grondait au-dessus de la ville et la pluie s'infiltrait dans les cellules. Elle entendit vaguement discuter de l'autre côté de la porte. Elle crut reconnaitre le chasseur qu'elle avait croisé deux jours plus tôt, mais comment avait-il pu la rattraper ? A moins qu'il ne se soit écoulé plusieurs jours depuis ? Adina réfléchit aux derniers évènements, mais c'était le noir complet. D'ailleurs, elle ne savait pas du tout où elle était. Elle se doutait qu'elle était en prison, mais qui l'avait arrêté ?

Soudain, des images refirent surface. Elle se vit, attachée à l'arrière d'un cheval, derrière un grand homme. Elle se souvint avoir essayé de s'enfuir, mais le géant l'avait rattrapé. Elle se remémora des paroles échangées entre ses ravisseurs, qui parlaient de leur chef, un seigneur, et de la ville forte de Jhagraam. Elle se souvint également d'une piqûre froide et douloureuse puis du noir qui l'envahit à nouveau.

Adina était donc à nouveau à Jhagraam, mais cette fois-ci, elle avait été attrapée. La ville forte de Jhagraam était réputée pour être l'une des plus sûre, et donc, l'une des plus difficile à fuir. Il fallait pourtant qu'elle arrive à s'échapper d'ici. Le chef de ce clan avait une rancune tenace envers Adina, il n'hésiterait pas à l'exécuter. Ce vieil homme était fou, Adina fut surprise de ne pas déjà avoir été tuée. A moins qu'il veuille qu'elle soit consciente lors de l'exécution.

La jeune femme tira sur ses chaines, pour essayer de se rapprocher de la porte. Il y avait un peu d'espace entre le mur et la porte, qui laissait entrer de la lumière. Adina s'y glissa difficilement, s'arrachant de la peau sur les poignets. Elle parvint tout de même à voir dans le couloir. Deux gardes étaient face à face et jouaient aux cartes. De l'autre côté, dans la cellule, il y avait plusieurs hommes. L'un d'eux intrigua Adina. Assis par terre, il ressemblait fortement au chasseur, mais en plus sale. Elle l'observa un long moment. Finalement, il s'était écoulé plusieurs jours entre le village et sa capture. Il se pouvait bien que ce soit réellement le même homme. Il tourna les yeux dans sa direction et Adina sursauta. Elle se cacha un instant, puis observa à nouveau. L'homme l'observait toujours. Il avait un regard mauvais, le regard de tous ceux qui avait croisé le chemin d'Adina. Elle soutint son regard, jusqu'à ce qu'un garde se positionne entre eux. Il glissa une clé dans la serrure, et ouvrit la porte de la cellule d'Adina.

La jeune femme s'était reculée dans le milieu de la pièce, recroquevillée sur elle-même. Un homme glissa un plateau repas jusqu'à elle, puis, s'agenouilla pour l'observer. Il lui prit le menton afin de voir entièrement son visage. Il la regarda en silence un instant, puis prit la parole.

- Une belle prise, murmura-t-il, dommage qu'elle n'ait une durée de vie limitée.

Adina lui cracha au visage. L'homme passa une main pour s'essuyer, puis resserra sa prise sur son menton.

- Reste sage, tu veux ? J'ai ordre d'intervenir si j'estime être en danger, susurra-t-il presque avec envie. Le chef ne m'en voudrais pas longtemps.

Le garde relâcha violement son visage, la faisant basculer sur le côté. Il sorti de la pièce, mais avant de refermer la porte, il lança à Adina un clin d'œil qui la fit frissonner de dégout. 

La Brume d'AïhémanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant