Haunted

752 61 5
                                    

Le lendemain midi, a lieu de m'assoire tout seul, je rejoins Taylor et Harry qui me font signe. Une aubaine. Car, suicide social mis à part, j'ai sérieusement besoin de me changer les idées. Mon rêve de la nuit dernière m'obsède.

Si seulement je pouvais tout raconte à quelqu'un. Malheureusement, c'est un peu comme quand mon frère est mort. À l'époque, j'ai essyé d'expliquer ce que je ressentais, ou plutôt ce que je pressentais, mais personne n'a compris.

Et comment leur en vouloir ?

Il n'y a rien à comprendre à quelque chose de si absurde : l'apparition de mon frère Louis dans son uniforme de scout -celui qu'il voulait absolument porter à chaque vente de pâtisserie et chaque réunion de troupe, ou juste pour traîner dans le jardin- alors que ça faisait six mois qu'il était dans le comas.

Pourtant, je revois encore la scène ce jour-là. Il a ouvert la porte d'entré de la maison, puis il a traversé le salon pour me dire au revoir en m'embrassant et il s'est volatilisé sans un mot.

Je savais que c'était son fantôme. Qu'il était finalement mort. Quand j'ai essayé de le dire à ma mère, elle s'est décomposée. Elle a refusé de me croire et m'a repproché d'être insensible et cruel d'inventer de telles horreurs. Pourtant, à peine cinq minutes plus tard, mon père appelait de l'hôpital : Louis s'était éteint.

Harry fait glisser un saladier rempli de frites crénelées et un tube de sauce Ranch jusqu'à moi.

- Alors, ça roule ?

Taylor fronce les sourcils en voyant son offre.

- Tu tiens vraiment à le dégoûter dès son premier déjeuner avec nous ?

- À vrai dire, ça a l'air bon.

Ma raiponce semble plaire à Harry. Son sourire s'élargit, exhibant un trou minuscule mais adorable entre ses dents de devant.

- Je savais bien que ce mec avait du goût !

On finit par s'échanger nos déjeuners comme en primaire ; un peu de tes frites contre mes deux branches de céleri fourrées au beurre de cacahuètes. Puis Harry propose une virée pendant le week-end.

- Taylor et moi, on pourrait te faire visiter la ville.

- Ça devrait prendre au max cinq minutes ! Plaisante Taylor en regardant le bleu sur mon poignet.

Je tire sur ma manche pour le cacher, et leur fait signe que je suis partant pour la balade. Au final, le rendez-vous est fixé au samedi soir, dix-neuf heures pétantes. Harry propose de passer me prendre, et c'est là que je leur donne mon adresse.

- Tu veux rire ? Suffoque Taylor, qui manque de s'étrangler avec son lait-fraise. Tu habites à la maison du massacre ?

- De quoi tu parles ? Dis-je en machonnant.

- T'inquiète, intervient Harry d'un ton plus ou moins léger. C'est juste que dans ton sympatique quartier...

- ... Il y a eu un bain de sang ! S'écrie Taylor, terminant la phrase pour lui. L'agent immobilier ne vous a pas raconté l'histoire de cette maison ?

Je secoue la tête tandis qu'ils me donnent les détails : un garçon de dix-sept ans a été assassiné là-bas, la police a retrouvé son corps dans la salle de bain, et c'était le petit ami de la mère le coupable.

- Un coup violent sur la ête, à ce qu'il paraît, ajoute Harry. Ce salaud l'a frappé avec un pied-de-biche, et il s'est écroulé contre la baignoire en fonte.

- D'où le « bain » de sang, me fait remarquer Taylor.

- Charmant !

Je repense au garçon du rêve...

Il avait une entaille au front.

- Sérieusement, dit Taylor, je ne sais même pas comment tu arrives à dormir la nuit. On dit que cet endroit est vraiment hanté !

- Justement : je ne dors pas, dis-je, l'estomac subitement barbouillé. Enfin, d'habitude si.

- Ah, ça explique tout ! Je ne veux pas te vexer, mais tu te trimballes de méchantes valises sous les quinquets et laisse-moi te dire que ce n'est pas du Vuitton.

- Bonjour le tact, soupire Harry.

Taylor me tend un stick d'anticernes en m'expliquant que c'est « le truc magique », exclusivement réservé aux lendemains de nuits studieuses.

- Ce qui explique pourquoi le tube est encore neuf, plaisante Harry.

Pendant qu'ils continuent à se chamailler, je m'enfonce dans mon siège, réprimant tant bien que mal une forte envie de vomir.

- Ca va, Niall ? S'inquiète Harry, qui a dû s'apercevoir de mon malaise.

- Ouais, tu n'as pas l'air dans ton assiette, renchérit Taylor. Si tu pouvais éviter de me balancer un morceau de frite dans ma sauce saté, ça m'arrangerait...

- Faut que j'y aille.

D'un bond, je me lève, j'attrape mes livres en vitesse et je sors comme un ouragan de la cafétéria, renonçant à l'anticerne de Taylor puisque, visiblement, il faudra bien plus que du maquillage pour arranger les choses chez moi...

Y compris dans mes rêves.

The Ghost Of My Dreams (Ziall)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant