Chapitre 1

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La nuit était sombre et froide. Du givre recouvrait les fenêtres, et les volets claquaient contre les murs à cause de la force du vent. La fumée des cheminées, seules sources de chaleur et de lumière dans les foyers, s'élevait dans les aires et formait de gros nuages noirs. Les ruelles étaient vides. La température était si basse que le gouvernement avait du prendre des mesures pour que même les plus pauvres puissent s'abriter. Si on tendait suffisamment l'oreille, on pouvait entendre un léger martèlement sur le sol. Des pas rapides, maladroits. Des pas d'enfant. Un pauvre enfant innocents, qui avait vu ce qu'il n'aurait pas du voir. Ses cheveux blonds, qu'il avait hérité de son père, étaient tâchés de sang. Il regretta d'être descendu dans la cuisine pour boire un verre d'eau. Ses pieds lui faisaient mal. Ils étaient glacés et des engelures se formaient déjà. Il n'avait pas eu le temps d'enfiler des chaussures, encore moins un gilet. Il n'était pas enfant de noble, mais il avait été habitué à un certain confort. Seul l'adrénaline l'empêchait de s'arrêter pour demander grâce. Courir était la seule chose qu'il pouvait faire. La peur le fit accélérer la cadence. Plus vite. Plus loin. Ses yeux parcouraient l'obscurité à la recherche d'un abris. N'importe quoi aurait fait l'affaire. Mais par un temps comme celui-là, personne ne se risquait à laisser une porte ou une fenêtre ouverte. La tempête masquait ses cris de détresse. Il vit finalement au loin une maison où il semblait que le propriétaire était encore debout. Il avait eu l'aperçu d'une silhouette à travers un coin d'une fenêtre qui avait été épargné par le givre. Sans chercher à regarder derrière lui, il se jeta sur la porte et frappa de grands coups désespérés. On lui ouvrit immédiatement, comme si on l'attendait. Le soulagement l'envahi. Il était sauvé. Jamais l'assassin n'irait le chercher dans la maison d'une inconnue. Il entra, sans quitter des yeux la personne, sa sauveuse, comme hypnotisé. La femme qui le fit entrer était... magnifique. Un visage fin, un coup gracile, des lèvres rosées, un petit nez retroussé et de grands yeux de biches, marrons, qui semblaient presque dorés. Toutefois, ce n'était pas sa beauté mystique qui l'avait perturbé. C'était cette cicatrice, qui ne parvenait pas à gâcher sa prestance, mais qui lui recouvrait le haut de son front jusqu'à l'arrière de sa tête. Il ne restait rien de la belle chevelure qu'elle avait du avoir. En sentent les yeux du garçon sur sa tête, elle posa sur lui le regard le plus doux qui soit. Il se perdit dans le sentiment de bien-être qui l'envahit. Elle ne posa pas de question sur son apparence échevelée, le prit par la main et l'emmena dans la salle de bain, où elle remplit la baignoire d'eau qu'elle venait de chauffer. Il se laissa déshabiller sans protester et rentra dans la bassine. Elle le baigna avec la douceur d'une mère, le couvrit de marques de tendresse, et c'était trop beau pour être vrai. Cette femme devait être un ange. Elle le sorti ensuite de l'eau, le sécha et lui fit enfiler une chemise pour lui servir de chemise de nuit. Il se demanda vaguement d'où venait la chemise puisque la femme ne portait pas d'alliance, et il n'avait pas vu d'homme dans la maison. Le vêtement était pourtant bien trop grand pour une femme. Il arrêta d'y penser et se laissa border dans un lit après avoir bu un verre de lait chaud. Il se laissa dériver vers le sommeil, bien plus rapidement que d'habitude, mais il mit ça sur le dos de l'émotion. La dernière chose dont il se souvint fut un doux chuchotement dans son oreille suivi d'une caresse dans sa chevelure.

«dors, mon petit... Tes cheveux sont si beaux... Ils m'iront à ravir...»

Le lendemain matin, il ne se réveilla pas.

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« Meurtres au cœur de Londres ! Meurtres au cœur de Londres ! Deux corps retrouvés dans le jardin d'un architecte ! Achetez le journal !»

L'adolescent scandait haut et fort la tête d'affiche du journal, une liasse à côté de lui. Il souriait, sûr qu'il vendrait tout son stock aujourd'hui. Son patron serait fière de lui. Peut-être obtiendrai-t-il même une prime. Si les meurtres glaçaient le sang des populations, ils excitaient aussi les foules, les rendant curieux et fébriles. Rien de mieux pour faire monter les ventes. Un grand homme brun, qui devait bien frôler les deux mètres, lança une pièce dans sa direction et prit un des journaux au sommet de la liasse, sans cependant chercher à le lire. Il semblait qu'il n'avait pas pris le journal pour lui-même. Il jeta un coup d'œil à l'adolescent.

Ne me fuis pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant