Chapitre 5

509 52 4
                                    

  Londres n'avait jamais était une ville pour les pauvres. Naître en tant que fils d'ouvrier n'était pas un destin enviable. Le garçon haïssait sa condition. Sa mère avait réussi à trouver un travail de servante au près d'une bourgeoise de la ville, passant ses jours et ses nuits à lécher le cul de sa supérieure et de ses amies. Il ne la voyait jamais. Elle n'avait pas de vacances, et même si elle en avait, pourquoi reviendrait-elle le voir ? Pour passer du temps avec lui et son mari ? Là-bas, elle était logée et nourrie, elle ne reviendrait jamais dans ce trou à rat aux confins de la ville. Son père revenait tous les soirs dans leur petit abri. Il ne pouvait même pas appeler ça une maison. C'était un homme dure, mais il lui semblait percevoir de la douceur dans le fond de ses prunelles. Il avait autrefois cédé à l'alcoolisme, puis s'était battu contre son addiction, afin d'économiser un peu d'argent pour son unique enfant, lui permettre de manger un peu plus. Puis un soir, il n'est plus rentré. Et le garçon a attendu. Encore. Et encore. Jusqu'à comprendre que son père ne reviendrait jamais. Il lui avait fallu plusieurs jour pour que la réalisation qu'il était maintenant seul au monde survienne. Son ventre grognait. Il avait faim. Il avait soif. Il avait froid. Il avait peur. Quand il sorti de son abri, il regarda autour de lui, et trouva un journal dans une poubelle. Il en avait déjà lu auparavant. Son père en ramenait souvent à la maison les soirs d'hiver, soit pour les brûler, soit pour se servir de papier comme d'une couverture. Au fil du temps, il avait appris à lire. Alors il déplia le journal et pris connaissance de son contenu.

Un ouvrier perd la vie en se coinçant dans une machine textile, aucune enquête ne sera ouverte.

«Alors c'est pour ça que tu n'es pas rentré, papa

Pour la première fois depuis des années, il s'autorisa à pleurer. Il apprit plus tard que l'accident était survenu suite à un surmenage des machines. Un homme, pas vraiment de la bourgeoisie, mais qui avait quand même quelques moyens, avait fait une commande avec peu de temps pour respecter l'accord. L'usine avait donc accéléré la production pour finir la commande avant la date buttoir, sans prendre soin de vérifier le matériel. Son père avait pris un autre travail afin de pouvoir lui offrir plus de protection et ça lui avait coûtait la vie. Mourir d'une manière si bête... Pour un marchand qui n'avait aucune notion du temps. Il voulait savoir qui il était. Comment avait-il pu se permettre de voir les ouvriers commes des machines parmi les machines. Il le trouva rapidement, l'homme qu'il considérait comme responsable de son malheur. Il tenait une boutique au cœur de Londres. Quand il rencontra en personne, son visage rayonnait de fierté et de joie. Il montrait à tous ses clients une photo, et en s'approchant, il aperçut la source de bonheur de l'homme. Il venait de devenir père. Sur la photo, il se tenait à côté d'une femme, qui avait dans ses bras un bébé. Malgré que l'image soit en noir et blanc, il était facile de voir que le fils avait hérité des cheveux blonds du père. C'était injuste. Il n'avait pas le droit d'être heureux. Il n'avait pas le droit de lui arracher son père et de gagner un fils. Le monde était trop cruel.

Son malheur continua. Il essaya de survivre de manière honnête, apprenant à écrire, et rédigea plusieurs roman sur les conditions de vie des classes ouvrières, et des poèmes où il racontait ses malheurs et livrait tous ses sentiments les plus enfoui. Mais qui s'intéressaient aux écrit d'un pauvre bougre, beaucoup trop grand et beaucoup trop large pour avoir l'âme d'un poète ? Il vivait toujours dans son taudis, mais l'avait aménagé de sorte que l'abri ressemblait désormais plus à une petite maison qu'à un amas de planches. Malheureusement, il était encore sans le sous, ne survivant que grâce à la bonté de quelques vieux collègues de son père, qui l'avaient pris en pitié. Ils le prenaient pour une pauvre âme sensible, une âme qui aurait mieux convenu à une femme. Mais sous sa sensibilité se cachait cette colère qui ne s'était jamais éteinte. Sa rage aspirait à se libérer. Montrer au monde entier qu'il était là, qu'il existait et qu'il se battrait jusqu'au bout. Et puis un jour, il la rencontra.

Ne me fuis pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant