Introduction au culte

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Avant même que son réveil ne sonne, Monika éteint son réveil. Elle avait passé une nuit pour le moins agitée, n'ayant aucune nouvelle d'elle depuis qu'elle l'avait laissé hier, mais elle n'avait pas envie non plus d'aller le voir directement à son appartement en pleine nuit comme la dernière fois. Elle se leva, s'habilla et sortit pour se diriger vers la cafétéria. Là-bas, elle retrouva Kassy, qui prenait son petit déjeuner seule, avachi sur sa table. Monika alla se servir puis s'assit en face d'elle. Elle commence la conversation : "Tu mange seule ? Je t'aurais plutôt imaginé avec un trentaine de personnes à ta table." Kassy releva les yeux vers Monika. "Non, les gens ont tendance à m'éviter. Ils évitent même de toucher les mêmes objets que moi. Du racisme pur et dur, comme toi hier." Monika eu une réaction de recul. "Désolé, j'ai été trop honnête ? Le désavantage des personnes comme moi, c'est qu'on entend tout et qu'on cache rien." Monika tenta de réfléchir à une réponse appropriée, mais n'en trouva pas, et décida donc de dire directement ce qu'elle pensait. "Écoute, je suis désolé si je t'ai blessée. C'est juste qu'il y a trois semaines, je ne savais même pas que ton espèce existait. J'étais juste surprise." "Si tu le dis." Kassy recommence à manger ses tartines, et Monika ne sachant pas quoi dire, commence à manger aussi. Le petit déjeuner s'achève dans cette ambiance. Quelques dizaines de minutes plus tard, Monika se rendit aux bureaux, alluma son ordinateur et ouvrit son dossier du jour. Rien de passionnant cette fois-ci, régulation à distance des flux économiques le matin et maintenance de l'armurerie l'après-midi. Elle s'était à sa dose d'adrénaline quotidienne dernièrement, mais on lui avait déjà dit: l'Institut, c'est avant tout un travail de bureau. En démarrant le logiciel, elle repense à Kassy, Ernest et Élie. Le logiciel avait une prise en main assez simple, et son utilisation avait été comprise dans sa formation. Il ressemblait à un tableur où des chiffres évoluaient et changeaient de coordonnées, et son travail était d'identifier la donnée recherchée et de la modifier. Monika aimait bien Kassy. Elle la trouvait très sympa, et se demande si sa colère matinale n'était pas due à un problème de bipolarité non traité. Monika parcourt les données. Ernest, elle n'en avait pas d'avis. Il lui semblait un peu simplet au premier abord, mais sûrement était-il un ami très fidèle. Monika identifia un premier chiffre, le modifia, et passa à la recherche de la donnée suivante sur sa commande du jour. Élie, c'était compliqué. Il ne la ménageait pas, pour ne pas dire qu'il était à la limite du harcèlement, mais elle était persuadée qu'il avait bon fond. En repensant à lui, ce que Ernest lui avait dit au centre commercial lui revint à l'esprit. D'après ce qu'il lui avait dit, Élie aurait déjà vécu avec une autre version d'elle-même dont il serait tombé amoureux, puis qu'il aurait vu mourir. Évidemment, ça pourrait être une source de traumatisme. Mais l'élément qui la dérangeait, c'était que Ernest l'avait qualifiée de "type M04". En plus de ne pas savoir le sens de cet acronyme, Élie l'avait utilisé lors de son entretien avec Suzanna pour dire qu'elle était la "14ième". Monika continua de réfléchir et de spéculer sur la raison de l'agacement d'Élie à son égard pendant quelques minutes en travaillant, puis se mit dans la tête qu'elle irait directement interroger Suzanna a la pause déjeuner. Après 3h30 vissée sur sa chaise, Monika se dégourdit enfin un peu les jambes. Elle éteignit son ordinateur, se leva, et partit en direction du réfectoire. En arrivant, elle fut surprise du nombre de personnes qui mangeait à l'intérieur du complexe durant la semaine. Le réfectoire était une pièce immense, répartie sur trois étages s'incrustant dans les murs pour laisser place à un immense arbre au centre du réfectoire, ainsi qu'à une petite pelouse au sol. Le plafond quant à lui était un assemblage de vitres laissant passer la lumière du soleil, donnant une atmosphère chaleureuse à la salle. Les étages étaient reliés par diverses escalators, et Monika se souvint que Ernest lui avait dit que plus votre grade était haut, plus vous mangiez haut. Suzanna avait le grade d'Officier, donc elle mangeait au dernier étage. "Hey, Monika !" Monika se retourna, pour découvrir Kassy qui se dirigeait vers elle d'un pas enthousiaste. "Salut, Kassy. Comment était ta matinée ?" "Chiante à mourir, je ne supporte pas de rester aux bureaux. Et toi ?" "Je suis resté aussi, mais je ne me suis pas ennuyée: la gestion de données est assez dynamique, je ne déteste pas." Elles se dirigèrent toutes deux vers la zone de service. "Où tu préfères qu'on mange ? J'adore manger au pied de l'arbre, perso." "Je pensais pouvoir manger avec Suzanna, j'aimerais bien lui parler..." Kassy l'interrompit. "Suzanna ? Rêve pas ! Elle est Officier, tu est encore une recrue. Tu veux lui parler, tu prends rendez-vous. Mais je suis sûre que tu peux pas juste aller la voir, comme ça !" Monika avait en effet complètement oublié la barrière du grade. Elle était encore une banale recrue, et Suzanna devait avoir un grade 16 fois supérieur au sien. "Pareil pour Élie. Je t'ai jamais fait la remarque et lui non plus, mais tu devrais éviter les familiarités avec lui." "Pourquoi ça ? Il doit être Sergent, si j'ai bien compris..." "Pas du tout ! Il est Capitaine, donc la seule raison pour laquelle il s'occupe de toi, c'est parce qu'on lui a ordonné." Kassy et Monika continuèrent de discuter légèrement au pied de l'arbre pendant trois quarts d'heure, puis elles retournent toutes deux à leurs postes de travail respectif. En arrivant, Monika vit Élie, assis dans son siège, occupé à lire son dossier de commandes de travail journalier. Monika s'interrogea sur la raison de sa présence, mais décida de lui demander directement et se mit dans la tête ce que Kassy lui avait dit: oublier les familiarités. Elle arriva derrière lui. "Bonjour, monsieur." Élie se retourna, quelques peu surpris. Il referma le dossier. "Tu me vouvoie, maintenant ?" "Kassy m'a rappelé la différence entre nos grades, et je suis donc contrainte de me plier aux règles de respect dues à votre égard. Puis-je me permettre de vous demander la raison de votre présence ?" Élie tapota son index sur le clavier de l'ordinateur éteint. "Je te l'ai dit dès qu'on s'est vus: j'aime pas les formules de politesse, je trouve que ça ne fait qu'instaurer un malaise, surtout quand elles sont pour moi." Monika se rappella effectivement cet élément de conversation. "...désolé." "Y'a pas de quoi. Pour en revenir a ta question..." Élie prit une chaise à un poste vide et invita Monika a s'assoir . "Tu as eu une modification dans ta commande de l'après midi. Un code ICN2 , qu'on va aller régler tout les deux." "Un code... ICN2 ?" "Tu n'en a jamais entendu parler ?" "Non, jamais qu'est-ce que ça veut dire ?" Élie redressa sa position et croisa les bras. "Dans ce cas, petit cours d'histoire pour celle qui à l'air d'avoir seché certains cours: il y a 150 ans, peu après la création de l'Institut, on a remarqué une accélérration anormale dans la fréquence d'apparition des anomalies. Deux ans plus tard, on à découvert qu'il s'était monté en parallèle de l'Institut un groupe religieux, dont le système de pensée repose sur l'idée que l'Institut est contre-nature et doit être dissous ou détruit. Depuis les membres de ce groupe, les cultistes, passent leur temps a causer plus d'anomalies pour rendre notre travail plus compliqué." Monika écoutait attentivement. "On classe leurs interventions sur l'échelle de Raphaël, qui va de 1 à 10, en fonction du degré d'hostilité. À 1, l'implication cultiste est théorique, à 2 l'implication est confirmée mais l'anomalie est mineure, à 3 l'anomalie est classé normale, et ecaetera jusqu'à 10. L'acronyme ICN veut dire 'implication cultiste de niveau X'." Monika commençait à se faire a l'idée. "Et 10 correspond à ?" "Dans les termes les plus simples, la fin des temps. Espérons que ces lunatiques n'en arriveront jamais à une telle extrémité." Élie fit une pause, continuant de tapoter sur les touches de l'ordinateur éteint, le regard anxieux. "Pour en revenir à cet après-midi. Tu connais sans doute Bambi." "Le faon de Disney ?" "Bingo. Tu te souviens de l'histoire ? " "Dans les grandes lignes." "Le seul élément un tant soit peu aujourd'hui est la mort de sa mère, tu peux oublier le reste. Le fait est: les cultistes ont encouragés la création d'une association de protection de la faune dans la région concernée. Résultats, baisse du nombre de chasseurs. Donc il faut que quelqu'un prenne un fusil, aille dans cette forêt et descende un cerf. Simple comme bonjour." "Ça me semble plutôt simple... Cruel, mais simple." "Tu me racontera ça plus tard. Tu sera sur le terrain pendant que je resterais en vocal avec toi." Monika sentir un petit frisson d'excitation lui parcourir l'échine. "J'y vais en solo ?" " J'imagine qu'on peut voir ça comme ça. La lunette de ton fusil sera équipé d'une caméra, donc je verrais et entendrait tout ce qui se passe aux alentours. " Monika se redressa sur sa chaise, et respira un bon coup. "Pas de stress, tu devrais pouvoir y arriver." "J'en suis sûre." Monika et Élie quittèrent l'aglomerat de postes et se dirigerent en direction de l'armurerie de l'institut. Ils ne croiseront pas grand monde dans les couloirs. En arrivant, Monika remarqua sur la porte la même inscription que sur celle de la fripperie: "Matériel fourni par Lear". Elle n'y pensa pas et ouvrit la porte. Celle-ci déboucha sur une pièce d'une trentaine de mètres carrés, aux murs métalliques. Celle-ci possédait un éclairage rudimentaire et était parsemé d'étagères où étaient suspendus des fusils de toutes sortes et de toutes tailles. Monika remarqua que le bas des étagères étaient constitués de tiroirs de taille moyenne, où elle théorisa qu'était rangé des munitions ou des armes de plus petit calibre. Élie la suivit à travers la porte. " Première fois que tu rentres ? " " J'étais passée une fois devant la porte la quand je suis arrivé à l'Institut , mais je n'avais jamais eu l'occasion de visiter. " Monika fit glisser sa main sur le canon d'un fusil de chasse. "C'est assez impressionnant." Élie se dirigea vers un comptoir situé à droite de la porte. Il appuya sur une petite sonnette en cuivre située sur le comptoir. Une douzaine de secondes plus tard, un petit mammifère bipède d'une cinquantaine de centimètres apparut des étagères. Il avait la peau violette, un crâne dégarni et portait une chemise blanche et un jean bleu. "Ho, bonjour, Capitaine ! Bonjour Mademoiselle ! Que puis-je vous fournir aujourd'hui ?" "Bonjour, Pim. Monika ici présente à besoin d'un fusil de chasse. " "Très bien, miss Monika ! Si vous voulez bien me suivre !" Le petit être avançait très vite, malgré sa petite taille. Monika et Élie le suivirent. Il s'arrêta devant une étagère. "Si je pouvais me permettre mademoiselle, quelle taille faites vous ?" "Aux dernières nouvelles, 1 mètres 69." Pim réfléchit quelques secondes, puis pointa un fusil. "celui ci devrait vous satisfaire !" Monika prit le fusil que Pim pointait. Il était étonnamment léger. Elle l'épaule, le rabaisse. Elle jeta un regard à Élie. Il croisait les bras. "Ne me demande pas, c'est toi qui va t'en servir." Elle redirigea son regard vers Pim. "Je pense que celui ci sera parfait." " Excellent ! Dans ce cas, il ne me reste plus qu'à vous rappeler de bien ramener votre arme après la mission, et que les frais éventuels en cas de dégâts sur le matériel seront déduits de votre paye. " Pim les accompagna à la porte. "Bonne journée et bonne chance, Capitaine, miss Monika !" La porte se refermait. Ils commencèrent à marcher en direction de la salle du portail. Monika regarda son fusil, puis Élie. "Je pensais que personne ne t'appelait par ton grade ?" "C'est tout ce qui t'a surprise chez Pim ?" Élie soupira. " Pim est comme ça. La première fois que je l'ai rencontré, il a même commencé par l'appeler Sir. Tu imagines pas le temps que ça m'a pris pour instaurer un début de relation de familiarité. " "Tu le connais bien ?" Élie regarda Monika. "Tu peux te mettre ça dans la tête: ici, je connais approximativement tout le monde bien." Monika rigola légèrement. "Quelque chose de drôle ?" "Rien, rien..." Monika et Elie marchèrent donc tous les deux en direction de la salle du portail. Ils y arrivèrent rapidement, l'armurerie se trouvant relativement proche de celle-ci. Monika est rentrée en première, suivie par Elie. Elle sortit son dossier de sa poche et rentra les coordonnées dans l'ordinateur. "Souviens-toi, je serai à mon poste de travail pour regarder tout ça." "Tu te rends compte que ça sonne vachement creepy comme ca ?" "...Peut-être bien." Le portail s'ouvrit, Elie quitta la pièce. Monika appréhendait, mais elle était sûre que tout allait bien se passer. Elle entrait dans le portail.

Markov: Livre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant