Chapitre 9 - Les Sanglants

156 26 2
                                    


Anela


Les siffleurs rouges n'arrêtaient pas de chanter. Leurs chants sinistres s'élevaient jour et nuit et ne laissaient aucun répit à nos oreilles. Pour ma part, et peut-être même celle de Selene, nous avions appris à aimer leurs mélodies. On aurait dit des voix cassées, des lamentations. Cela allait si bien à La Damnée, ou même juste à notre époque, qu'il en devenait facile de l'apprécier. Je fermai alors les yeux pour l'apprécier, chantant faiblement pour les accompagner.

Les autres dormaient profondément et j'avais pris le dernier tour de garde. Je me demandais comment Fratera vivait cela. Il n'était pas revenu dans La Damnée depuis... si longtemps. Cela devait bien remonter au massacre de Morsang, avant que Vilsang ne devienne le dernier rempart. J'avais pu lire sur ses traits qu'il n'avait rien perdu de sa prudence. Son regard avait fureté partout jusqu'à son sommeil. Il était toujours aux aguets et je n'en avais pas attendu moins de celui qui m'avait chaperonné.

Quant à Beret, je le découvrais plus sérieux. Oh, bien sûr, il ne perdait pas de son comportement brut et de sa voix tonitruante, mais je l'avais surpris plus d'une fois la main sur son épée, prêt à attaquer. La seule ombre au tableau demeurait donc l'enfant. La voir gaiement parler aux autres Ducs comme si elle savait que nous la protègerions m'agacé au plus haut point. Elle manquait de vigilance et je semblais être le seul à m'en offusquer !

Agacé de mes pensées, je rouvris les yeux. J'inspirai profondément, pas dérangé le moins du monde par l'odeur ambiante, mais je tiltai soudain. Je me redressai et regardai plus loin, entre les arbres. Les relents étaient plus forts, suffisamment pour qu'ils me dérangent finalement et j'avais suffisamment traversé La Damnée pour savoir ce que cela signifiait. Je me redressai et retirai l'arc de Fratera de son sac. J'armai une flèche et m'accroupis, attendant patiemment.

Je tendis l'oreille. Les siffleurs rouges s'affolèrent et les feuilles des saunes bougèrent, signifiant qu'ils s'envolaient pour fuir un danger. C'est ainsi que quelques mètres plus loin, perdus dans l'obscurité de cette terre, des mangesangs surgirent. Je demeurai calme, ne bandant pas l'arc ni ne réveillait les autres. À la place, j'observai la dizaine de mangesangs se ruer vers nous. Ce fut leurs cris stridents qui réveillèrent les autres en sursaut.

Beret fut le plus vif à réagir à l'instinct. Épée en main, il l'avait brandie devant lui. Cependant, je levai une main pour lui signifiait de la baisser. Il mit quelque temps à comprendre, encore perdu dans les limbes du sommeil. La petite recula hâtivement en voyant la course effrénée des mangesangs vers nous et alla se coller à Selene qui fut d'un calme olympien. Nous assistâmes alors à la mort immédiate de nos antonymes.

Dictées par la faim et la soif de sang, perdu dans la folie, ces créatures ne virent pas le piège tendu. Autour des arbres qui nous entouraient, nous avions précautionneusement étendu des fils de fer. Forgés dans le même acier que nos armures, ils avaient été taillés finement et travaillés pour pouvoir être facilement manipulés. Ainsi tendus entre les arbres, les fils étaient aussi tranchants que nos épées ou la pointe de nos flèches. C'était chez Beret, à Noirsang, que ce genre de chose était taillé.

Alors lorsque les mangesangs se jetèrent sur nous, leurs effluves pestilentiels emplissant nos narines, leurs corps furent couper est une vingtaine de morceaux. Leurs sangs giclèrent sur nous et, habitué, j'avais soigneusement gardé ma bouche fermée. Pero et Beret en revanche, furent pris de nausées avant de se relâcher au sol. Selene et Fratera se moquèrent, mais je n'eus pas l'occasion de le faire. Certains mangesangs reculaient en comprenant la supercherie. Je bandai alors l'arc et laissai les flèches pleuvoir sur eux.

LA LOI DU SANG - LES SANGUINAIRES (BL/TERMINÉE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant