Chapitre 21 - L'enfant sauvage dont l'âme fut sauvé par la paix

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Anela


Après ce « festin » macabre, j'avais quitté la pièce et avais trouvé refuge dans une autre. Raj m'y avait conduit. Cette dernière semblait avoir retrouvé son comportement léger et enfantin. Elle marchait à nouveau comme une bête et un sourire niais, mais immense, reposait sur son visage. Le regard plongé sur l'immense champ de consanguine qui entourait la « ruche », et dont l'odeur emplissait l'air, elle ricanait parfois. Comme si son geste de plus tôt n'avait pas de réel impact ; comme si tuer son... frère n'avait pas compté.

— Pourquoi avoir fait cela ? questionnai-je alors. Pourquoi m'avoir apporté la tête de votre frère ? Pourquoi avoir fait cela... pour moi ?

Accroupie sur la rambarde qui nous empêchait de tomber dans les consanguines, elle pouffa à nouveau et haussa nonchalamment les épaules. La rage qui l'avait animé avait disparu, si bien que je pensais l'avoir rêvé, mais je m'en savais incapable. Je ne pouvais pas imaginer une telle fureur ni une telle force, même en ayant vu celle de Sele... celle de Rune.

— Parce que c'est ce dont vous aviez besoin et ce que j'ai jugé juste. Papa disait toujours que vous étiez important pour l'avenir et je ne comprenais pas, mais... je vous aime beaucoup Vicaire !

Je laissai ma tête tomber sur mon épaule. Je ne comprenais pas non plus. Curieusement, je ne doutais pas de son « amour ». Ce n'était pas l'amour que l'on pouvait porter à un mortel et je me sentais honteux de dire, ou même de penser cela, mais je reconnaissais son amour puisque je ressentais le même pour Rodel, pour mon Dieu. Raj voyait en moi son dieu et cela était une hérésie indescriptible, mais elle s'y risquait.

Elle avait tué son frère pour moi et je ne doutais pas que les monarques s'aimaient comme une famille. J'avais vu la tristesse peindre les traits d'Od en affirmant que seuls quelques-uns de ses enfants étaient capables de vivre normalement. J'avais pu admirer la façon dont les regards des monarques s'étaient tous tournés les uns vers les autres en espérant trouver du soutien. Si je n'avais pas compris cela jusqu'à la révélation morbide, je le faisais à présent et c'était pour cela que le choix de Raj ne pouvait relever que d'un amour.

— On a grandi avec papa, alors c'est différent de le ressentir comme un dieu. Vous, on peut. C'est comme...

Elle chercha ses mots et ses yeux se mirent à briller lorsqu'elle trouva. Elle attrapa un pétale de consanguine, car nombreux d'entres eux s'envolaient avec une brise que je ne sentais pas, et le brandis fièrement devant mes yeux.

— Vous êtes notre consanguine. Ces fleurs éloignent les mangesangs et elles offrent ainsi aux puresangs des instants de paix. Vous êtes cet instant de paix. Vous éloignez la guerre.

Je pris le pétale de sa main et regardai ce dernier comme s'il pourrait m'apporter toutes les réponses dont j'avais besoin.

— Désolé pour plus tôt. Nous avons commis de nombreuses erreurs aussi, mais nous avions tous convenu d'arrêter de manger... et bien, les vôtres. Nous voulions obtenir votre confiance. Nous allions arrêter pour vous.

— Pourquoi suis-je si important pour vous... ?

Son sourire s'effaça quelques secondes durant lesquels une profonde réflexion, qui aurait pu m'amuser dans d'autres cas, se dessina sur ses traits juvéniles. Je ne revenais d'ailleurs pas qu'elle soit, avec son jumeau Jek, plus âgée que Rune. Le véritable aspect de Rune était jeune, mais moins que les jumeaux. Je le trouvais cependant... ridiculement magnifique, loin de la beauté que les puresangs pouvaient avoir.

— Vous êtes le pont qui relit puresang et mangesang ; aujourd'hui et demain ; guerre et paix ; rancœur et pardon ; peur et espoir.

Et puis comprenant que ses paroles n'étaient pas aussi claires que de l'eau de roche, elle précisa :

LA LOI DU SANG - LES SANGUINAIRES (BL/TERMINÉE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant