Chapitre 22 - Le démêlé des Ducs, du Vicaire et du Monarque

136 23 7
                                    


Rune


J'avais bien été appelé, mais maintenant que je me retrouvais en présence d'Anela, les mots m'échappaient. Il ne semblait pas décidé à discuter et je le comprenais. Fratera n'aurait pas dû m'appeler et je n'aurais jamais dû y répondre. Avec la révélation qui avait été faite à table, la dernière chose que voulait Anela était d'entretenir une relation vaguement stable avec moi. J'avais la nausée juste à penser à ce qu'il pouvait ressentir.

— Merci.

Je relevai brusquement la tête. Avais-je... bien entendu ? Non. Pourquoi me remercierait-il ? Pourtant, au vu de son regard sur moi, il attendait bien quelque chose, une réaction, une réponse, peu importe quoi. Je restai statufié, écœuré pour une raison ou une autre de son remerciement à mon encontre. J'avais été si ignoble, trop de fois, et lui, il me remerciait... ? Je fronçai les sourcils, une colère sourde soulevant mon cœur.

— Merci ? répétai-je lentement.

— Tu aurais pu me laisser manger ces... puresangs, mais tu m'as arrêté. Tu savais que cela signifierait que jamais je ne te pardonnerais, mais tu me l'as dit, contrairement aux autres.

Non. Quelque chose clochait. Je refusais de croire qu'Anela me remerciait. Pourquoi semblait-il si calme alors que je lui avais avoué avoir eu envie de le manger ; alors qu'il savait que j'avais déjà mangé les siens ! Luna et père pouvaient croire ce qu'ils pouvaient concernant Anela, mais je savais que quelque chose se tramait dans sa tête. Il était vif d'esprit et pensait à la survie des autres, mais plus que tout, il connaissait les puresangs, comme moi après avoir été tant de temps à les côtoyer, caché.

Les puresangs préféraient mourir que d'accepter l'offre de père. Anela était certes le Vicaire Sanglant, façonné par la main de Rodel, mais il avait grandi chez les puresangs, avec leurs coutumes et leurs amours de la vie et de leurs dignités. J'avais voulu croire en Anela, croire en un avenir où il accepterait de faire le choix de la raison, mais il était trop calme. Je lui avais fait tant de mal et pourtant, il était là, à me regarder dans les yeux, sans que je ne puisse rien y lire. Je le connaissais suffisamment pour savoir que quelque chose n'allait pas.

— Anela, tu...

— Ne me regarde pas comme ça, souffla-t-il. Je vois le doute dans ton regard, mais s'il y en a bien un qui devrait douter, c'est moi.

Ses paroles eurent le mérite de m'ôter ma parole. Il avait raison. Douter de lui c'était aussi... le trahir à nouveau. Pourtant, mes pensées ne voulaient pas quitter mes déductions. J'étais pourtant certain que quelque chose n'allait pas, mais...

— Si tu as un minimum d'estime pour ce que nous avons vécu... je veux que tu me dises tout ce qu'il s'est passé... Comment tu as fini dans la peau de Selene et le reste.

Terrifié qu'il puisse penser que je n'avais cure de ce que nous avions vécu, je hochai la tête, la bouche affreusement sèche. C'était l'occasion de lui parler, de tout lui avouer et de tenter de me faire pardonner. J'avais sincèrement envie de mourir à chaque seconde passé loin de lui. L'air n'avait plus de saveur et la vie ne valait plus vraiment la peine d'être admirée. Je ne trouvais aucune joie à ressentir mon cœur battre.

Il tourna ses talons en m'informant qu'il allait inviter les autres à nous rejoindre. Mon corps fut plus vif que le reste et je le retins d'une main sur la sienne. Il s'immobilisa brusquement, son corps entier tendu à l'extrême. Lorsqu'il se retourna, son regard de sang fut rivé sur nos mains et je voulus la lâcher, m'excuser, mais j'en étais incapable. Je rêvais de l'enfermer dans mes bras et de l'y étouffer, de le cacher du monde.

LA LOI DU SANG - LES SANGUINAIRES (BL/TERMINÉE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant