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Le cœur de Gaelle battit à tout rompre. Ces yeux étaient remplis d'une terreur qu'elle n'avait jamais ressentie. Son corps lui faisait mal. L'adrénaline avait laissé place à l'horreur. Les tensions qui s'accumulaient dans ses os se raffermissaient sur ses articulations lui arrachant des grimaces de douleurs au moindre mouvement.


 — Je veux partir, sanglota Tamal.


 Elles avancèrent lentement, la main dans la main, dans ce tunnel d'un noir profond qui n'était éclairé que par la lampe torche de Gaelle. Tamal ne parvenait pas à faire taire ses larmes. Ce qui exaspérait Gaelle au plus haut point. Comment pouvait-elle passer inaperçue avec ces sanglots qui se réverbéraient sur les murs ?

 — Tamal, il faut que tu te calmes, dit Gaelle. 

— J'y...arrive pas...
— Tamal, il FAUT que tu te calmes, siffla Gaelle. 


 Tamal s'arrêta dans le tunnel, choquée par le ton mordant de sa meilleure amie.


— Pourquoi tu es si agressive Gaelle ? 

— Si ta survie empêche la mienne, je te laisse te débrouiller. 

— Quoi ? s'étrangla Tamal. 

— Au revoir Tamal. Bonne chance. 



 Gaelle lâcha la main de sa meilleure amie, qui chancela. Mais muée par la peur de ne pas s'en sortir seule, continua à suivre Gaelle d'un pas lourd sans faire le moindre bruit. Son amie n'était plus la même. Mais elle ne pouvait pas rester seule. Elle n'en avait pas le courage. 
L'air du tunnel était froid, humide. Le vacarme de gouttes de condensations tombant sur le sol accompagnait leur progression. Gaelle entendit les pas trainants de son amie, mais décida de ne plus lui en parler. Son énergie était totalement focalisée sur sa survie, sur sa peur, sur la prochaine étape qu'elle avait du mal à imaginer. 



Un souffle. 


— Qu'est-ce que tu as dit ? 

— Rien.

Deuxième souffle. 
 

—Tu testes ton haleine ou quoi ? 

— Qu'est-ce que tu racontes ?

 
Troisième souffle. 


Gaelle accéléra le pas. 


Quatrième souffle. 
 

Elle tenta de prendre la main de Tamal dans le noir, refusant de se retourner. Sentant les yeux d'un ennemi invisible, son dos la brulait. Des perles de sueurs dévalèrent ses tempes pour inonder son cou. Elle sentit la fraicheur moite de la main de son amie lui enlacer le poigné. Elle pouvait maintenant l'entrainer dans sa course.

Cinquième souffle.

Le cœur de la jeune fille s'emballa. Elle commença à marcher encore plus vite. Tenant fermement la main de sa copine. Puis, comme un écho, elle entendit :


 — Gaelle, tu es où ? Gaelle ? 
 

La voix de Tamal raisonna beaucoup trop loin d'elle. Pourtant, elle serrait sa main, non ? Son sang se glaça. Elle se mit à trembler. 


 — Gaelle ? Prends ma main, s'il te plait ?! Gaelle ! Me laisse pas ! Putain Gaelle ! 

 

Tamal recommença à pleurer. Gaelle guida rapidement sa lampe torche sur la main qui la tenait. Elle était blanche, cadavérique. Puis, elle la leva et découvrit un semblant de visage blafard, aux lèvres noires souriant, avant de disparaitre. La jeune fille n'eut pas le temps de hurler qu'elle entendit sa meilleure amie crier d'effroi avant de comprendre qu'un objet lourd était tombé sur le sol.

 Gaelle tenta d'éclairer en arrière et vit le corps de sa copine étalé sur la pierre froide. Une ombre au-dessus d'elle glissa sur le faisceau de lumière. Gaelle recula avant de se retourner et de se mettre à courir vers ce qu'elle espérait être la sortie. Son cerveau lui donna l'ordre de fuir. Se sauver pour sa vie. Même s'il fallait, pour cela, laisser Tamal. Elle ne pouvait de toute manière pas survivre avec ses gémissements, se dit-elle. 

La cité morteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant