21| Mayrhofen

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Mayrhofen était un petit village niché au fin fond d'une vallée. Encerclé par les montagnes, il se retrouvait coupé du monde en hiver et ne reprenait vie qu'à l'arrivée du printemps. Esther avait eu un coup de cœur pour cet endroit dès la première fois qu'elle l'avait aperçu, de la plus haute tour du château. Depuis, la sorcière se rendait en de nombreuses occasions dans ce village. Elle se promenait sur les chemins enneigés ou faisait des emplettes dans les boutiques des sorciers qui y habitaient. Camouflés habilement derrière des sorts, Mayrhofen abritait un apothicaire, un herboriste ainsi qu'un fabricant de baguette, et malgré son allemand approximatif, Esther avait réussi à se nouer d'amitié avec chacun d'eux.

Cependant, et depuis peu, le village avait perdu de son charme à ses yeux. Depuis quelques années, des moldus venaient s'y installer, conquis par la beauté naturelle de ce petit hameau, et contraignaient les sorciers à camoufler leurs boutiques et leurs habitudes. C'était un bouleversement total pour ce petit village, qui avait naïvement pensé que les montagnes seraient suffisantes pour les camoufler des moldus. Malgré cela, Esther continuait tout de même ses promenades, sans jamais retirer sa cape ni cacher sa baguette. Aucun sorcier ne l'y obligeait ; quant aux moldus, elle les ignorait. Elle savait, à force de visites, que leur présence dans le village ne serait pas éternelle et que déjà la colère et l'impatience grondaient parmi les sorciers terrés. Cela, Erwin Strauss, l'herboriste, le lui avait confié à demi-mot tandis que Credence sélectionnait des herbes pour ses préparations.

— Il serait temps qu'ils s'en aillent, avait approuvé Esther en s'assurant que son ami ne puisse les entendre, même s'il ne maîtrisait pas encore l'allemand. Et vous savez que Grindelwald sera plus que ravi de vous aider à vous en débarrasser.

— Je sais, je sais, avait répondu Erwin en secouant la tête. Des Sans-Charmes qui s'installent dans l'ombre de Nurmengard... mais où va-t-on ?

Il était vrai que la présence de moldus dans un village de sorciers aussi près de la forteresse de Grindelwald ne leur faisait pas bonne presse, mais la nouvelle n'était pas encore répandue et la situation pouvait changer à tout moment. À cette pensée, Esther avait préféré ne pas s'attarder dans le village. Il ne valait mieux pas que Credence se familiarise trop avec cet endroit si jamais il était amené à perdre un quart de sa population dans les prochaines semaines.

Une fois ses derniers achats finalisés, Esther emmena donc Credence sur l'un des étroits chemins de terre qui, depuis les dernières maisons du village, emmenait dans les montagnes. C'était l'une de ses balades préférées, car il suffisait de parcourir quelques centaines de mètres seulement pour avoir une vue magnifique sur la vallée en contrebas et le château, au loin.

Tout en marchant, Esther s'enquit des apprentissages de Credence, comme elle aimait souvent à le faire.

— Et est-ce que tu as appris le sort pour dupliquer un objet ? Demanda-t-elle, les mains fourrées dans les poches de sa cape.

Même si la neige s'était retirée et qu'un fin duvet de verdure commençait à pointer le bout de son nez, les températures restaient basses et les deux sorciers avaient le nez rougi par le froid.

— Le professeur Worpel l'a mentionné, lors de la première semaine, mais il ne me l'a pas appris, se remémora Credence tout en gardant le regard rivé sur le sol désormais rocailleux de la montée sur laquelle ils s'étaient engagés.

— Tu sais que si tu quittes le sol des yeux, il ne va pas se dérober sous tes pieds, pas vrai ?

Credence sourit, mais ne releva pas la tête pour autant.

— Je n'ai pas l'habitude de ce type de sol.

— Ne me dis pas que les rues plates et sans charme de New York te manque ? Plaisanta-t-elle.

Double Jeu | Credence BareboneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant