28| Père Lachaise

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Le cimetière était paisible. Les allées de pierre étaient bien plus foulées par les rongeurs et les renards que par les visiteurs. Dans ce labyrinthe de chemins, Esther et Credence se perdirent. Sans les aigles lumineux de Grindelwald pour les guider vers le bon mausolée, il était bien plus dur de se repérer. Néanmoins, au détour d'un croisement, la chance les remit dans la bonne direction.

Le mausolée de la famille Lestrange se dressa face à eux, bien plus imposant de jour que de nuit. Esther se revit, à peine plus d'un mois plus tôt, poussant la lourde porte d'entrée en bois. Ce jour funeste où elle fit basculer la vie de Credence en l'entraînant droit dans les bras de Grindelwald.

Les deux sorciers se trouvaient désormais dans la partie séculaire du cimetière. Le temps y avait déposé sa trace et malgré les efforts et les sorts des gardiens, les racines des arbres continuaient inlassablement le décorticage des pavées qui constituaient les allées sinueuses. Tout autour d'eux, d'innombrables mausolées, anciens et majestueux, représentaient les familles de sorciers les plus importantes de France. Suzanne Jombart lui avait indiqué qu'elle trouverait celui des Malefoy dans ce cimetière, et donc la dépouille de sa mère, mais cela, Esther l'avait deviné aussitôt qu'elle avait su le nom de famille de sa génitrice.

Malefoy. Une famille aux origines aussi françaises que les Rosier. Elle l'avait appris à ses dépens, lors de dîners interminables où son père adoptif, Pierre, énumérait les grandes familles françaises. Leurs noms de famille résonnaient dorénavant du cliquetis des verres de champagne.

Simolion, Fauchet, Delacour, Armonval, Beauxbatons.

Les mausolées défilèrent, impressionnant par leur grandeur. Du quadrige attelé de licornes aux cariatides encapuchonnées soutenant un toit pyramidal, chaque famille allait de son extravagance. Certaines, cependant, choisissaient la simplicité, comme les Lupin et leur modeste monument funéraire de pierre, simplement gardé par une grille en fer forgé.

Credence observait ce qui l'entourait en silence. Les sourcils légèrement froncés, il paraissait troublé.

— À quoi penses-tu ? Finit par lui demander Esther.

Son ami inspira.

— À Nagini. Je me demande si elle va bien, si elle est en sécurité.

La sorcière s'arrêta net. Il lui fut difficile de cacher sa surprise, tant l'existence de la Maledictus lui avait complètement échappé. Elle avait oublié le lien qui avait relié les deux rescapés du cirque, et qu'elle avait mis du temps à affaiblir.

— Je suis persuadée qu'elle va bien, soupira Esther.

— Comment en être sûr ? Nous l'avons abandonné ici, entourée d'Aurors.

Esther se retint de dire que de tous les éléments de la soirée, les Aurors avaient sûrement été le cadet de ses soucis. Elle savait que Grindelwald avait libéré un Feudeymon après leur départ. Son sort avait été arrêté, certes, mais il avait eu le temps de faire des dégâts. Des victimes. Techniquement, il était impossible de dire que Nagini n'avait pas été l'une d'entre elles.

— Nagini est pleine de ressources, reprit Esther. Elle aura trouvé une manière de s'en sortir.

Et elle le pensait.

Peut-être même Nagini avait été plus chanceuse qu'eux d'eux. Cela blessait Esther de ne serait-ce que le penser, mais elle comprenait maintenant que la Maledictus avait eu raison. Que pour protéger Credence de sa quête de vérité, ils auraient dû l'empêcher de foncer, tête baissée, dans les bras de Grindelwald. Bras chargés d'un poison qui, à petit feu, tuait la bonté en Credence. Lui, qui n'avait jamais eu de pensées meurtrières avant d'entrer à Nurmengard et qui, désormais, voulait assassiner son propre frère.

Double Jeu | Credence BareboneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant