27| Suzanne Jombart

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Les coups portés contre la porte d'entrée de la demeure de Suzanne Jombart s'évanouirent. Credence fit retomber son poing tandis que le bruissement des feuilles empêcha le silence de s'installer.

Esther était anxieuse. En l'espace de quelques secondes, elle avait déjà croisé puis décroisé les mains plusieurs fois. Elle se força à s'arrêter et inspira profondément à l'instant même où la porte s'ouvrait. Un elfe de maison aux immenses yeux globuleux les accueillit, son visage levé bien haut afin de mieux discerner les inconnus face à lui.

— Bien le bonjour. En quoi puis-je vous aider ? Demanda-t-il d'une voix légère et éraillée.

Comme toujours avec ces créatures, Esther fut incapable de discerner si elle avait affaire à un mâle ou une femelle.

— Nous aimerions nous entretenir avec madame Jombart, répondit-elle en triturant un bouton du col de sa cape.

— Ma maîtresse est-elle au courant de votre venue ? S'enquit l'elfe en jetant un regard confus derrière lui.

— Non, mais elle nous connaît. Je suis une de ses anciennes élèves et Credence est-

— POLLY, LAISSE-LES ENTRER !

Le trio sursauta, mais ce fut Polly, l'elfe, qui en fut le plus chamboulé.

— Pardonnez-moi, entrez, entrez, les invita-t-elle en s'inclinant bien bas devant eux, son nez crochu touchant le parquet.

Credence fit une moue, mais ne pipa mot. Il invita Esther à passer devant lui et elle s'exécuta. Ils traversèrent un long couloir et passèrent devant de nombreuses photographies, mais la luminosité était trop faible pour reconnaître des visages. Polly réceptionna les invités à l'instant où ils débouchèrent dans le salon avec, dans les mains, un plateau vacillant où reposaient trois tasses vides.

— Aurelius ! Les accueillit la voix claire de Suzanne.

La sorcière était engoncée dans un fauteuil en velours jaune foncé, des aiguilles à la main. Elle posa son tricot sur une table basse en noyer, déjà surchargée de pelotes et de travaux en cours, et se leva, non sans difficulté. Sur les murs autour d'elle, de nombreuses photographies la représentaient en compagnie d'anciens élèves de Beauxbâtons. Esther reconnut des passionnées d'histoire de sa promotion, des sorciers dont le postérieur avait été collé au premier rang des cours de Suzanne, étalant leurs connaissances à longueur de journées, et qui désormais, et sans surprise, travaillait aux archives du Ministère.

— Mon cher Aurelius, que me vaut le plaisir de ta visite ? Fit Suzanne quand elle arriva à sa hauteur. Tu ne pouvais attendre notre prochaine leçon ?

Son visage ridé était éclairé par la joie de retrouver son élève préféré. Joie partagée par Credence.

— Nos leçons me manquent, c'est vrai, mais Esther et moi ne sommes pas venus pour ça.

Suzanne sembla alors remarquer la jeune femme. Son sourire ne disparut pas de son visage, mais son regard se durcit et elle dévisagea ses deux visiteurs.

— À quoi dois-je m'attendre de la présence de mon meilleur élève, et d'une de mes pires, dans mon humble demeure ? Souffla-t-elle en se rasseyant dans son fauteuil et en les invitant à prendre place sur un canapé aux assises usées.

— Je n'étais pas si mauvaise, répliqua Esther en s'asseyant, l'égo touché.

— Pas entièrement mauvaise, mais dissipée, corrigea aimablement Suzanne. Tu passais l'entièreté de mes cours à chuchoter avec ton ami de l'époque. Tu te souviens sûrement de lui ?

Esther acquiesça, la bouche crispée en un sourire de façade. La vieille femme était perspicace et bien renseignée ; elle savait qu'elle ne devait pas mentionner les liens d'Esther avec Florien en présence de Credence. Elle n'aurait pas dû être étonnée, Suzanne Jombart arpentait les couloirs de Nurmengard depuis trop longtemps pour ne pas avoir dans ses manches quantité de secrets acérés, prêts à être utilisé comme arme.

Double Jeu | Credence BareboneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant