Le club des Interdits - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 III

Chapitre I

Cygnus porta la cigarette à ses lèvres, adossé contre un mur du château. Ses yeux gris observaient attentivement le paysage enveloppé dans les brumes alors que des volutes de fumée caressaient ses lèvres pour s'élever vers les nuages épais. Sa cravate était nouée en un nœud singulier, sa veste couverte de médailles d'argent d'une époque oubliée, ses cheveux emmêlés sur sa tête, lui donnant un air presque endormi. Il secoua la cigarette et les cendres tombèrent dramatiquement au sol.

— Si Père apprends que tu fumes, il te tuera.

Il eut du mal à retenir son sourire. Alphard et ses règles sacrées.

— Qu'il essaie.

Son frère avança jusqu'à sa hauteur, balayant son regard sur le même paysage. Les collines vertes pâles, à moitié recouverte de brouillard. Le lac aussi gris que le ciel, donnant une impression d'infini, comme s'il n'y avait pas de haut, pas de bas, rien qu'eux sur le sommet d'un mont ordinaire.

— Je n'ai jamais compris ton plaisir à t'opposer aux aînés.

— Il faut bien que quelqu'un le fasse.

La cigarette tomba, il l'écrasa avec le pied. Alphard le fixa avec une incompréhension discrète.

— Pas forcément.

— La tyrannie ne tombera pas par miracle.

— La tyrannie ? Tu parles sérieusement ?

Cygnus soupira et poussa la porte en bois, fatigué de ses conversations plates avec Alphard. Ils en revenaient toujours au même. Son frère s'agenouillait aux pieds de son propre parrain, le vénérant tel un dieu, tandis que Cygnus voyait la réalité en face : Régulus Black n'était pas un Ministre. Il était le monstre qui étouffait l'Angleterre depuis cinq ans.

— C'est notre propre famille qui gouverne et toi tu...

— Oui, justement ! s'écria-t-il au milieu du couloir humide. J'ai honte de l'excès de pouvoir qu'on a, honte de voir notre emblème s'élever comme si nous étions des dieux suprêmes !

— Cygnus ?

Il fit volte-face. Elena avait ses grands yeux bleus posés sur lui, tentant d'apaiser sa colère naissante par la seule force de son silence. Il s'éloigna de son frère et passa un bras autour de ses épaules.

— Je ne savais pas où tu étais, dit-elle de sa voix douce habituelle.

— Je suis là, la rassura-t-il d'un sourire.

Il jeta un dernier regard de mépris à son frère et s'en alla. La Salle Commune des Serpentard était pleine, des étudiants se démenant contre des livres grincheux, des groupes d'élèves en pleine discussion philosophique. Il aperçut Walburga et Lucretia recopier leur devoir sur un parchemin, Orion cirer son balais, Lara fixer le feu comme si elle voulait se jeter dedans. Elena se réfugia derrière la bibliothèque, là où devaient certainement se trouver les autres. Il fit un détour par le canapé.

— Cousine, salua-t-il Lara avec son meilleur air charmeur. Je te pensais avec ton frère.

— Il s'est pris une heure de détention, soupira-t-elle.

— Et donc tu t'ennuies.

— Sans lui, toujours.

Poudlard n'avait pas réussi à séparer les jumeaux Londubat. Quand, trois ans auparavant, Asler avait été envoyé à Gryffondor et Lara à Serpentard, tout le monde avait pensé qu'ils finiraient ennemis, entraînés par les sentiments aversés de leur maison respective. Mais le contraire s'était produit. Ils étaient devenus inséparables, passant leurs journées ensemble à terroriser les couloirs, rire aux éclats ou subir les colères des professeurs avec des airs de chiens battus. Serpentard avait fini par accepter un Gryffondor parmi eux, et les Gryffondors fermaient les yeux sur la Serpentard qui occupait de temps en temps leur Salle Commune.