SYBILLE
Bureaux L.W Archi - San Francisco
Mercredi 15 Septembre 2021 - 12h30
Je présume qu'il existe une place en enfer pour les femmes qui vous obligent à vous taper toutes les photos de leurs enfants. Sincèrement, je comprends pourquoi je déjeune rarement dans la salle de pause commune. Je m'impose une fois par semaine un repas entre collègues et toutes les semaines j'ai droit à cette mômerie. Est-ce leur quotidien ? Ou est-ce qu'elles m'attendent spécifiquement ?
- Alors Sybille ? M'interpelle l'une des comptables
- Oh bah oui ! Alors Sybille ? Renchérit ironiquement Warren, qui connait très bien ma position sur les progénitures.
Nous sommes dans une société qui veut nous enrôler dans un engrenage superflu, qui vous amène à croire que l'idéologie et l'aboutissement d'une vie serait d'avoir une maison avec sa belle clôture blanche, un mariage, un labradoodle : attention cette race connaît un grand effet de mode à New York puis le couronnement ultime : des enfants.
Pour le moment, je ne sais pas si cette idée m'est définitive mais ce n'est pas de cette manière que je me projette dans un futur proche. Je conçois totalement que des femmes aient cet instinct maternel mais moi je n'en ai absolument pas le besoin et encore moins l'envie. Savez-vous qu'elle est la problématique avec ces citoyennes ? C'est que, pour la plupart du temps, elles ne vous comprennent pas et vous blâment pour des raisons qui leurs échappent. Ensuite, elles vont me faire croire que vous gâchez votre vie en manquant à cet immense bonheur. Qui est entre nous soit dit : la responsabilité d'un enfant.
- Pardon ? A quel sujet ? Je me munis de mon sourire le plus serein qu'il soit, et je ne manque pas un regard en biais à Warren qui s'amuse de cette situation
- Comment ça se fait que tu ne sois pas maman ?
- J'ai déjà une vie incroyable. Je n'en ressens pas le besoin.
- Mais Sybille plus tu es jeune maman, plus longtemps tu profites de ton enfant. Tu ne voudrais ressembler à la grand-mère qui promène son petit bébé au parc ? Et puis il y a aussi
Que vous ai-je précédemment dit ?
- Si tu le dis. Expression signifiant "je sais que tu as tord" mais j'ai la flemme d'argumenter
Cela fera-t-il de moi une mauvaise collègue si je bannis de mon agenda la pause hebdomadaire avec les employés ? Certainement, mais je dois abréger sinon je vais me mettre à dos les collaboratrices.
Lorsque les portes de l'ascenseur m'invitent à mon étage je me sens déjà légèrement plus apaisée, loin de ces passionnées fanatiques de maternité, mais me diriez vous je serai peut-être comme elles un jour ?
Non, je ne peux pas le croire.
J'expire calmement avant de sillonner parmi les quelques salariés en poste. Avec qui je ne manque pas, en chemin, d'échanger sur de banales formalités personnelles et professionnelles. Vous savez il est important de faire bonne figure et d'être appréciée, ou tout du moins pas détestée, de tous : c'est plus simple lors des requêtes.
Et puis... Vous savez je suis persuadée que nous avons des connexions particulières avec certaines personnes. Voyez vous avant que son timbre de voix m'extirpe de la discussion dans laquelle j'étais, j'ai perçu le bruit de sa porte de bureau au bout du couloir, son parfum enivre l'étage. Tant bien que mal, je me concentre sur les paroles de ma collègue afin de ne pas épier ses moindres faits et gestes. Mais il est impossible qu'un homme comme lui n'attire pas l'attention. Je ne parle pas que de moi, mais unanimement la plupart des employés ici présents l'observent émerger de son bureau. Son costume gris clair et sa cravate marine se fondent en lui comme une seconde peau. Une poignée de main ferme ainsi qu'un sourire cordial concluant une entrevue positive. Si ma mémoire ne me fait pas défaut : un nouveau projet d'orphelinat.
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Le Loup de Sybille
RomanceSybille Giannaris a l'habitude lors de ses congés estivaux de rejoindre sa famille en Grèce pour une dizaine de jours. Le programme : se ressourcer dans sa ville natale Athènes, décompresser de son poste de direction dans une firme d'architecture, p...