Le Grand Jour

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     - Mais où sont tes manières Chrissy? Ce jeune homme vient de te dire bonjour et de se présenter à toi, la moindre des politesses serait de lui répondre ne crois-tu pas?

     C'était ce jour qui venait d'arriver pour la Comtesse, celui où son père lui avait présenté celui qui deviendrait son époux une fois l'âge adulte atteint pour elle. Le jeune homme la fixait sans un mot, ayant terminé ses propres présentations et attendant les siennes à sa suite. La demoiselle se saisit donc des pans de sa robe, s'inclinant légèrement tout en arquant ses genoux de manière à offrir une belle révérence à ce garçon qui partagerait sa vie. Puis la jeune fille se redressa, ramenant gracieusement une mèche qui décorait sa gorge derrière son oreille pour se dégager le visage, permettant à son fiancé de découvrir le léger rouge qui poudrait ses joues rondes. Il garda une expression neutre, mais si il n'avait pas été entouré de leurs aînés peut-être se serait-il autorisé un sourire béât face à cette beauté qu'il regardait.

     - Je m'excuse pour mes affreuses manières. Je suis Christine Elisabeth Cunningham. Lorsque vous vous en sentirez légitime, vous pourrez m'appeler "Chrissy". Nous sommes voués à nous accompagner l'un l'autre jusqu'à la mort après tout.
     - Je ne me permettrai jamais une telle chose, Mademoiselle Cunningham. Pas tant que nous ne serons pas mariés tout du moins. Mais peut-être m'autoriserez-vous tout de même à vous saluer de la sorte.

     Le jeune homme attrapa la main de Chrissy, la portant à ses lèvres tout en se penchant bien bas devant elle, déposant un chaste baiser sur le dos de son gant qu'il n'avait pas eu l'audace de retirer pour honorer la peau de sa fiancée. Le garçon leva les yeux vers sa future femme, celle-ci hochant la tête en approuvant ce geste qu'elle acceptait. Une fois encore, si il n'y avait pas eu ces adultes autour d'eux, il se serait permis un sourire.
     L'homme se tenant derrière la Comtesse s'avança vers celui de l'autre côté du couple, lui donnant une tape amicale sur l'épaule avant de se retourner vers eux, voulant visiblement leur adresser quelques bonnes paroles avant de filer. Le père de Christine remua sa moustache, désignant les plus jeunes de la paume.

     - Mes enfants, nous allons discuter autour de quelques cigares entre hommes. Nous vous abandonnons pour faire connaissance, nous vous faisons confiance pour ne pas faire de sottises. Ne sortez par de la propriété. C'est bien compris Chrissy?
     - Oui Père.
     - Bien ! Rompez jeune fille !

     Les deux duos se séparèrent, celui d'adultes rentrant dans le Manoir et celui es jeunes s'éloignant au long du sentier à pas lent. Mais au bout de quelques mètres, Chrissy jeta un œil par dessus son épaule pour s'assurer qu'elle était seule et attrapa sans la moindre grâce le poignet du jeune homme qui la suivait, se mettant à courir au travers de la pelouse parfaitement entretenue. Le jeune homme poussa un cri d'étonnement, attrapant son chapeau juste au vol avant qu'il ne se retrouve abandonné par terre derrière leur course. La Comtesse l'emmena jusqu'à une partie tranquille du jardin, le lâchant sous un arbre où elle prit assise en riant. Son fiancé l'imita, regardant bien sous lui-même pour ne pas se retrouver trop sale. Il remit ensuite son chapeau, soupirant profondément.

     - Je ne vous pensais pas si intrépide Mademoiselle Cunningham.
     - C'est un monde stupide celui où les enfants ne peuvent plus s'amuser. Nous avons seulement couru, Monsieur.
     - Il est vrai, mais pour une fille c'est assez rare de voir une telle énergie.
     - Vous êtes vexant s'il vous plait. 
     - Pardonnez-moi Comtesse. Je ne voulais pas vous froisser.

     Chrissy ramena ses jambes contre elle, les serrant fort contre sa poitrine alors que son inquiétude de rencontrer son fiancé d'office l'ayant déjà prise au matin grandissait dans sa poitrine. Elle avait peur de ne trouver aucun point commun avec lui et surtout de ne ressentir aucune attache pour lui, et inversement. Actuellement, c'était l'impression qu'elle en avait en tout cas. Le jeune homme sentit la détresse de sa fiancée, venant se saisir de sa main qu'il entoura des siennes, attirant le regard bleuté de la demoiselle sur lui. Il lui souriait, ce qu'il n'avait encore jamais fait jusqu'ici.

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