Retour sur l'Aurore

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     Une main tremblante s'éleva hors de l'eau, attrapant épuisée la première accroche qui voulut bien passer à portée. Le bras rattaché à cette main se hissa avec ses dernières forces jusqu'à traîner le corps derrière lui jusque sur le ponton, laissant enfin se reposer l'être qui venait à l'instant de se tirer de l'eau. Le jeune homme reprit le souffle dont il avait manqué jusqu'ici, toussant après son air et passant ses paumes sur le bois l'ayant accueilli pour tâter le dur au dessous de lui, n'en revenant pas d'avoir réussi à rejoindre une terre sans mourir. Quand tout à coup une nouvelle peine le lança, lui provoquant un hurlement douloureux. Il sentait ses plaies fraîches dans le dos se faire dévorer par le sel de la mer, les découvrant bien pires maintenant qu'il était sur la terre ferme.
     Le jeune Eddie roula à quatre pattes pour ne plus s'appuyer sur cette partie atrocement douloureuse de son corps, puisant dans ses dernières énergies pour se remettre debout. Ses jambes tremblaient sous son propre poids et le jeune homme mourrait littéralement de froid, ses pieds n'avaient même pas de chaussures et il était encore trempé de son dernier plongeon. Le garçon remit ses cheveux courts vers l'arrière, dégageant ses mèches de son front pour éviter que les gouttes salées ne retombent dans ses yeux. Puis il repéra un muret non loin du ponton où il s'était hissé, s'y rendant en boitant pour aller s'y appuyer. Eddie jeta un œil à sa cheville qu'il découvrit gonflée, grimaçant à la couleur violacée qui descendait jusque sur son pied. Encore une nouvelle blessure à déplorer.
     S'aidant de la façade, Eddie se traîna jusqu'à approcher d'un marchant de poisson qui tenait son échoppe sur le bord du petit port, proposant des pièces qui avaient l'air plus ou moins fraîches sur son étalage. Le garçon grimaça à la vue des produits, répugné par leur nature poisseuse et leur odeur. Il se sentit lorgné par le marchand et ignora donc les créatures marines, se penchant par dessus pour se faire entendre.

     - Veuillez m'excuser, quel est le nom de cette île?
     - C'est l'île de l'Aurore mon p'tit. Mais dit donc tu sais qu'on évite de taper un plongeon tout habillé dans l'eau normalement? T'as pas froid là?
     - Est-ce que vous savez où je peux trouver un endroit où dormir?
     - T'as des tavernes et des auberges partout sur l'île. T'as juste à te servir gamin, tant que t'as les poches pleines.
     - La chose c'est que.. Je n'ai pas un sou en poche, vous voyez?
     - Dans ce cas là c'est bien dommage pour toi. T'as qu'à travailler si tu veux de l'argent. En tout cas c'est pas chez moi que tu trouveras ton bonheur alors fiches le camp. Tu perturbes mon commerce.

     Le voyant simplement le regarder avec des yeux de merlan frit, le marchant attrapa l'un de ses poissons et le frappa sur la tête de Eddie qui comprit à ce geste qu'il était vraiment temps de s'en aller, boitant hors de sa vue pour être sûr de ne pas subir un nouvel assaut de poisson. Alors il n'avait aucune chance de dormir dans un endroit décent cette nuit, ce qui voulait dire qu'il allait devoir.. Dormir à la belle étoile. Rien que de l'imaginer, le jeune homme frissonna. Jamais de sa vie il n'avait dormi dehors, encore moins dans une ville qu'il ne connaissait pas. De plus, Eddie se sentait gelé des pieds à la tête et son dos le massacrait toujours en profondeur.
     Seulement voila, la fatigue écrasait le garçon qui commençait à ressentir l'urgence de s'effondrer quelque pars. Il se promena un moment dans le port avant de tomber sur une barrique abandonnée, celle-ci étant fendue et permettant le passage à l'intérieur. Le jeune homme se mit à genoux, contemplant l'intérieur qui ne dévoila rien d'autre qu'une barrique vide, le faisant soupirer de désespoir. C'était là qu'il récupérerait un peu d'énergie, il n'en avait pas le choix. Alors Eddie se hissa à l'intérieur, venant se mettre en boule pour prendre moins de place et s'endormir pour la fin de nuit dans son abri de fortune, encore tremblant de froid.
     Après une journée à errer sans but dans le port et à se ramasser des refus par tous les marins à qui il proposait ses mains et ses épaules pour gagner un peu d'argent, Eddie réalisa qu'il était absolument mort de faim. Il fallait qu'il mange quelque chose et rapidement, mais sans un sou en poche il se trouvait face au même problème que pour se loger. Il ne pouvait tout simplement pas. Alors autant pour le premier il restait toujours la solution de dormir dehors, mais pour le second.. Serait-il contraint à.. Faire les poubelles..? Non non. Il était hors de question de se réduire à ça, Eddie s'y refusait catégoriquement. Il devait tenter autre chose. Et par autre chose, le garçon voulait entendre.. Du vol. A cette pensée le jeune homme se rebuta de lui-même, mais il savait qu'il n'avait pas le choix si il ne voulait pas finir par mourir de faim.
     Le garçon chercha un peu plus loin dans la ville pour essayer de trouver des petits commerces dont les étalages seraient à l'extérieur, espérant ainsi pouvoir tirer quelques aliments sans se faire remarquer. Une bonne partie du bord de ville était fait d'escaliers aux marches étirées et peu hautes, dessinant de grands sillons formant une route principale bordée de maisons et de magasins. De tavernes aussi, beaucoup de tavernes.
     Et enfin, après un moment à chercher sa future victime, Eddie repéra un marchand de fruits et de légumes dont les poires avaient l'air particulièrement juteuses. A leur vue, le garçon s'en sentit saliver et avait des étoiles dans les yeux. Il s'approcha des fruits qui sentaient encore meilleur lorsqu'on s'en tenait proches, ne résistant pas à s'emparer de l'une des poires et à mordre dedans à pleines dents. La chair était un délice ! Encore meilleure qu'avait pu se l'imaginer le jeune homme. Le jus de la poire était sucré, sa chair était tendre, et sa saveur était riche et délectable. La faim l'ayant dévoré, cette merveille lui sembla être la plus délicieuse de toutes les choses qu'il avait pu manger dans sa vie. Il rêva tellement en appréciant son fruit qu'Eddie en oublia de fuir, tiré subitement de ses songes en entendant crier après lui.

Passion des OcéansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant