Passion des Océans

L'île des vérités

     Il faisait sombre, il faisait froid, et pourtant Chrissy avait l'impression de ne plus avoir la moindre enveloppe charnelle pour ressentir ces choses autour d'elle. Elle se sentait simplement flotter au milieu du néant sans but, attendant simplement que le temps s'écoule  silencieusement, si même le temps existait encore en ce lieu. Quelle impression étrange que celle de ne plus exister, mais de pourtant en avoir conscience. La Comtesse se sentait curieuse au fond de l'entité qu'elle incarnait de savoir ce qui était entrain de lui arriver à ce moment précis, si il s'agissait bel et bien d'un moment et non d'une distorsion du temps lui donnant l'impression que celui-ci s'était arrêté là où elle restait. Le sens des choses commençait à s'estomper dans sa tête, l'incohérence remplaçant sa raison et l'impression de s'effacer l'emprisonnait de plus en plus.

     - Revenez à moi !

     Oh tiens donc, une voix venue perturber cette bulle abyssale dans laquelle Chrissy baignait toujours. La demoiselle comprit que si ses oreilles fonctionnaient encore, ses yeux devaient également pouvoir marcher. Elle releva les paupières, découvrant au dessus d'elle une lumière aveuglante provenant de bien plus loin dans le ciel abyssal.

     - Allez s'il vous plait ! Ne me faites pas ça maintenant !

     Les cris suppliants provenaient bel et bien de cette ouverture lumineuse qui attirait de plus en plus la jeune fille, celle-ci étendant sa main au dessus d'elle pour essayer de s'en approcher. Et elle avait l'impression de voir l'aura blanche s'étendre à mesure qu'elle essayait de la rejoindre, jusqu'à l'envelopper complètement et l'y aspirer.

     - CHRISSYYYY !!

     Christine ouvrit de grands yeux, l'impression de regagner son corps l'ayant frappée avec grande violence. D'un seul coup le froid avait gelé ses os et l'eau qu'elle gardait dans les poumons avait pesé comme une pierre sur sa poitrine. La jeune fille cracha au moins un demi gallon d'eau salée avant de courir après son souffle pour le récupérer, sentant sa respiration la poignarder tant elle était douloureuse à reprendre. Et alors qu'elle put enfin récupérer un peu ses esprits, le regard de la Comtesse rejoignit celui de Eddie trempé jusqu'aux os qui était penché au dessus d'elle avec une expression de terreur qu'elle ne lui avait encore jamais vu. Le jeune homme rit nerveusement alors que ses yeux se mirent à rougir et à briller, venant poser sa main sur la joue de la rescapée, la caressant doucement du pouce.

     - Mon Dieu merci.. Je savais que vous pouviez le faire..
     - Est-ce que.. Vous pleurez.. Capitaine..?
     - J'ai bien cru que j'allais vous perdre Comtesse.. Je suis juste tellement soulagé de vous voir en vie..

     Le garçon hésita une poignée de secondes, puis il attrapa l'avant bras de Chrissy pour lui relever le buste et l'attirer contre lui, la prenant dans ses bras tremblants et la serrant comme si elle était la chose la plus précieuse du monde. La Comtesse ne comprit pas immédiatement car ses esprits restaient encore un peu flous, mais elle ne put aucunement s'empêcher de sourire et de rendre son étreinte au Capitaine en serrant sa nuque. La jeune fille enfouit son visage dans les cheveux dégoulinants encore d'eau de mer de Eddie, inspirant profondément tant le soulagement de le voir tenir à elle la libérait d'un poids. L'aigreur avait disparue. Ce moment n'était que pure tendresse et elle voulait en profiter tant qu'il lui était possible.
     Lorsque finalement les deux êtres se séparèrent, Freak s'assit à côté de la survivante et Christine s'autorisa à balader ses yeux sur le décor autour d'eux pour voir où ils avaient atterri. Il s'agissait d'une île assez rocailleuse avec une plage en contrebas, un peu de verdure et quelques arbres. Il semblait qu'on pouvait explorer certains pans rocheux de l'intérieur car des petits tunnels naturels s'y étaient formés. En sois il n'y avait pas grand chose sur cette île, mais de manière moins rassurante c'était aussi le cas sur l'horizon. Les amis étaient totalement isolés. La Comtesse ramena sa main dans ses cheveux mouillés, prise d'inquiétude.