6 décembre.

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J'ai encore dormis sur le canapé. On a parlé, encore, en rentrant du théâtre. C'est vite partis en dispute. On ne sait plus se parler. Comment on a pu en arriver là en l'espace d'une journée? Je m'efforce d'essayer de la comprendre mais il y a toujours une petite voix qui me répète "elle t'a mentis", et je n'arrive pas à faire comme si ça ne me faisait rien. La vérité, c'est que ça fait mal. Ça me fait mal de voir qu'elle n'a pas eu confiance en moi, de voir qu'elle me connaisse aussi peu pour penser que je n'aurais pas été capable de la comprendre. Ça fait mal de voir que je ne lui inspire pas confiance et que je n'ai pas su être là pour elle, que je n'ai pas su voir qu'elle me mentait pour me protéger. Me protéger, c'est toujours pour me protéger.

J'ai besoin de temps non pas pour prendre une décision, concernant mon couple ou le réveillon, mais pour me remettre les idées en place. Je dois pouvoir me calmer sans quoi je pourrais dire des choses sur le coup de la colère et les regretter ensuite. Je ne suis pas comme ça, et je ne dois pas le devenir.

La seule décision qui doit être prise touche le réveillon, et pour ce que je sais, je ne peux pas y aller. Je ne peux pas m'imposer à sa famille. Je ne peux pas prendre cette responsabilité. Je dois être présente pour elle peu importe la sortie de l'évènement, mais je ne peux pas me présenter comme une fleur à ce réveillon. Je n'ai pas la force pour tenir ce rôle. Je ne peux pas forcer les choses et ma présence ne ferait qu'empirer la situation. Je sais que c'est triste d'en arriver là, mais c'est malheureusement notre réalité. Dans ce monde où chaque différence est tabou et incomprise, nous ne pouvons pas nous permettre de nous imposer. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être nous-même sans risque.

On se bat depuis toujours mais les mentalités sont encore bien fermées. Dans cette société qui est hétéronormée, malgré l'ouverture d'esprit de ces dernières années, nous sommes encore prisonnier de nous-même. On nous voit encore comme la bête noire, comme des gens différents. On nous fait la guerre parce qu'on aime. On nous déteste parce que notre amour est pure et sincère. On leur fait peur parce que nous ne sommes pas normal. Ce qui n'est pas normal, ce n'est pas d'aimer ou d'être attiré par la personne du même sexe. Ce qui n'est pas normal, c'est de devoir l'annoncer comme si on avait un cancer en phase terminale. Ce qui n'est pas normal, c'est d'être terrifié à l'idée d'être rejeté jusque parce que nous sommes.. nous.

Alors oui, je la comprends totalement quand elle me dit qu'elle a paniqué. Je la comprends quand elle pense que me présenter comme si j'étais son mec hétéro serait une bonne idée. Je la comprends parce que j'ai vécu et je vis la même chose. Je la comprends parce que j'ai le même espoir qu'elle. Mais dans le monde où on vit, ce même espoir a tué des milliers de personnes.

Je serai présente pour elle peu importe la sortie de l'évènement, mais je ne pourrais pas me présenter au réveillon. Je sais que si je l'accompagne, elle se mettra la pression pour parler à sa famille. Je ne peux pas lui imposer. C'est à elle de se sentir prête. Ça doit venir d'elle, et uniquement d'elle.

J'ai profité de ma pause pour aller prendre l'air. Je suis allée me balader dans les rues de la ville et je me suis posée à un endroit tranquille. J'ai observé ce qui se trouvait autour de moi pour éviter de penser, mais mon esprit était ailleurs. Vaincue, j'ai mis mes écouteurs pour me mettre dans mon propre monde et j'ai sortis mon carnet. J'ai feuilleté les pages, regardé chaque dessin me rappelant chaque costume que j'avais créé pour la pièce. Dans l'incapacité de me concentrer, j'ai refermé mon cahier et j'ai sortis mon téléphone. J'ai appelé le premier numéro de ma liste de contact. Je suis tombée sur le répondeur, ce qui ne m'étonne pas vraiment. J'allais le ranger lorsqu'il vibra dans mes mains. Chloé me rappelait.

"Salut Lune! Tu as essayé de m'appeler?

- Oui, à l'instant. Je peux te rappeler plus tard si tu es occupée.

- Non, c'est bon, je suis en pause. Alors tu as réfléchis par rapport à hier ou tu m'appelles pour autre chose?

- Oui, j'ai réfléchis, mais je voudrais être sûr que ça ne te dérange pas.

- Écoutes, j'aurais pu t'ignorer sans problème hier. À la place, je t'ai proposé mon aide, donc c'est que ça me dérange pas.

- Bon, très bien. C'est juste deux ou trois jours, je ne t'embêterai pas longtemps.

- Tu restes autant de temps que tu le souhaite. Je t'envoie l'adresse, je serai chez moi vers 18 heure.

- C'est à l'heure que je quitte. Je t'enverrai un message en arrivant.

- Parfait, à ce soir. Bon courage pour ton après-midi.

- Merci, toi aussi. À ce soir."

En raccrochant, je vois qu'il est bientôt l'heure de la fin de ma pause. Avec tout ça, je n'ai pas pris le temps de manger et le trajet du retour va me faire arriver pile à l'heure. 

J'ai passé tout le reste de la journée dans l'atelier. En sortant, je me presse d'aller chez moi pour prendre quelques affaires avant de me rendre chez Chloé. J'en profite pour prévenir Clarisse et m'enfuis avant une énième dispute.

Je sonne à la porte de celle qui va m'héberger pendant quelques jours, un peu moins d'une heure après. Elle m'accueille dans son appartement et me le fait visiter. Il n'est pas très grand mais elle a quand même la chance d'avoir une deuxième chambre. Je pose mes affaires dans celle qu'elle m'a attribuée. Nous profitons de ce début de soirée pour faire plus ample connaissance. Je remarque, de près, que ses yeux ressemblent fortement à ceux de son frère Alan, bien que les siens soit très légèrement plus foncés.

"Je suis désolée, mais je n'ai rien préparé à manger et je n'ai pas eu le temps de faire des courses. Je vais commander, qu'est-ce que tu aimes?

- Tu aurais dû me demander, déjà que tu..

- Je ne savais pas ce que tu aimais. Elle me coupe. J'irai demain, tu n'as pas à t'en occuper. Par contre je dois te prévenir que je ne sais pas cuisiner.

- Je pourrais le faire.

- Si tu veux. Bon, qu'est-ce que tu aimes? 

- Je ne suis pas très compliqué, j'aime à peu près tout.

- Ça change, j'aime pas grand-chose, je suis assez difficile. Sushi? Ça te va?

- Parfait."

24 Jours - Christmas Love StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant