Je la regarde, je veux dire que je la regarde vraiment. Avec mes yeux. En pleine conscience. Sans crack pour embellir la vérité. Et la vérité est telle qu'elle est belle. Peut-être parce que justement elle n'en a pas conscience de sa beauté. C'est de la grâce mélancolique qui se dégage d'elle. Cet appel à l'aide constant. Elle crie, pleine de détresse. J'entends sa voix pleine de sanglots qui s'éternise dans l'obscurité. Putain je suis un vrai poète.
Elle crie, elle se débat avec ses démons des monstres qui se cachent dans ce cœur malade. Sait-elle combien son vrai visage est beau? combien son obscurité lui va bien? Comme un manteau aux mille paillettes.Je tire sur ma clope les yeux vers le ciel . Putain je suis tellement fatigué...une autre taffe. Pas d'herbe cette fois. Je dois avouer que j'essaye de décroché depuis que j'ai rencontré cette fille. C'est son aura, je crois. Je veux qu'elle me voit propre. Sans souillures dégueulasse que laisse la drogue. J'ai l'impression que à chaque fois qu'elle me regarde, elle voit toutes ma crasse. Toute ma honte. Ma laideur. Je suis monstrueux . Écœurant. Je veux faire mourir cette partie de mon être. Celle qui pue. Celle qui suinte la noirceur. Ne suis-je pas une putain de merde qui entretient le marché des putains de dealers ? Si si...je ne lutte pas contre la criminalité, je la nourrie. Merde.
C'est nul. Je suis vraiment un tas de boue. Les larmes me viennent. Je les chasse. Ça en vaut pas la peine. Pleurer, ça fait combien de temps ?Je reprends une bouffée de nicotine, ça me brûle les poumons c'est lancinant comme truc. Mais j'ai l'impression de mérité cette douleur.
Petite merde, tue toi lentement, c'est bon pour ce que t'as.
Je serre des dents et écrase ma cigarette dans le cendrier. Mon balcon donne sur une supérette de merde ou tous les dealers viennent vendre leur merde. La tentation est vraiment extrême. Il me suffirait de descendre, de traverser la rue, j'oublierai sûrement de regarder avant de traverser et peut être que, en secret j'espèrerai de me faire renverser.
Oups. Dirait le conducteur, un drogué de plus, peut être que ce serait un alcoolique qui allait acheter sa vodka bien-fondé qui brûle bien la gorge.
Je ris. Ce serait drôle, non ?De loin je vois la blonde, elle marche lentement, le pas indécis. Comme si elle perdait pieds et n'avait plus conscience qu'elle touchait un sol ferme. Je grogne. Elle n'a pas mangé aujourd'hui, ni hier surement.
Je m'approche d'elle, les gens s'écartent sur mon passage. Ma réputation de drogué me précède. Je fais semblant de ne pas voir leur regard dégouté. Juste la blonde m'importe; si ça continue elle va s'évanouir.
Même si j'ai fait des recherches sur les TCA, je sais qu'il faut faire attention à ne pas aller trop vite pour réintroduire les aliments. Parce que oui, j'suis peut-être un camé mais j'ai néanmoins un peu de cervelle. Suffisamment pour m'intéresser à ses problèmes. Je crois qu'elle a de l'anorexie...et peut-être elle fait des crises d'hyperphagie - ils appellent ça comme ça- quand on se goinfre jusqu'à avoir mal au ventre. Parce qu'elle n'est pas squelettique, elle est à la limite. Bref la conclusion c'est que je suis pas con, et qu'elle, elle va mal. Que je suis déterminer à la sauver en me sauvant avec elle, parce que je suis égoïste par contre.
- Hé! L'appelais-je en la rejoignant.
Elle soupire, s'arrête et me regarde, agacée. Des cernes lui mangent la visage, elle font écho aux miennes. J'aime bien le fait qu'on est tous les deux aussi foutu l'un que l'autre. Et j'adore le côté mélodramatique de notre relation (qui vient de commencer mais vas-y chipote pas). Et je crois au fait que nous pouvons nous sauver, il suffit de s'accrocher à cette promesse. Qu'un jour on s'en sortira.
- Qu'est-ce que tu fais? Demande-t-elle.
- Je t'accompagne à ton prochain cours, déclarai-je en passant un bras autour de ses épaules.
Elle se fige. Devenant aussi rigide qu'un bâton, alors j'enlève mon bras, pas de contact physique, noté.
- D'accord, soupire-t-elle, si tu veux, de toute façon je ne peux pas t'en empêcher, hein?
Je lui lance un sourire éclatant (merde, et si j'ai un truc coincé entre les dents?). Elle se dirige vers l'amphi d'un pas lent. Elle est tellement déconnectée qu'elle ne sent pas les regards des gens sur nous.
- Non, tu ne peux pas, effectivement.
Je sors de mon sac une canette de red bull que je lui tends. Elle la regarde d'un œil vide, puis elle la prend, doucement, ou plutôt lentement. Elle me fait un rictus reconnaissant et l'ouvre d'un doigt horriblement tremblant. Elle prend une longue gorgée.
- Je suis obligée de te remercier, dis-moi ce que je te dois, dit-elle d'une voix pus vive.
Je rallume une cigarette et réfléchis. Au fond je ne veux rien. Juste traîner avec elle. Vivre à ses côtés, survivre avec elle. Mais je sens qu'elle veut absolument m'échanger la cannette contre un truc. Et je ne veux pas qu'elle se sente mal à l'aise, pas avec moi.
- Un paquet de gâteaux, tes préférés, proposais-je en sachant pertinemment qu'elle n'a pas mangé de gâteaux depuis une éternité.
Son visage s'assombrit. Une tempête fait rage dans ses yeux. Elle se retient de répliquer un truc mais, finalement elle soupire et s'affaisse.
- Je ne sais plus quels gâteaux j'aime, tu vas devoir choisir, murmure-t-elle d'un ton si bas que je devine plus que j'entends.
- Mais si, t'as juste à te rappeler! dis-je joyeusement.
On arrive devant l'amphi. Elle s'arrête, me tend la canette et m'envoie un sourire maladroit.
- Je peux t'offrir tout ce que tu veux sauf de la bouffe.
- Alors ça ne compte pas, tient, j'ai une idée, dis-toi que c'est un défi, lui déclarai-je avant de tourner les talons. A plus la blonde!
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rendez-nous accros à la vie
RomanceQuand Lia rencontre Victor, elle est au fond du trou. Un trou sombre, pleins de monstres qui s'y cachent. Elle essaye de vivre sans vraiment y arriver, torturée par ses multiples peurs et ses démons irrationnels. Quand Victor rencontre Lia, il est...