Chapitre 1

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Deux doigts dans la gorge, j'appuyais pour faire sortir mon déjeuner. Un haut le cœur me retourna l'estomac alors que des larmes brûlantes coulèrent sur mes joues, une gerbe brûlante incendia ma gorge, de la bile acide me brûla les narines. J'étouffais un sanglot, essayant de faire le moins de bruit possible. 

Dans les toilettes de l'université il n'y avait que moi et mes bruits de gorge écœurants. Mon sang pulsait dans mes temps, mon cœur tambourinait dans ma cage thoracique. Je toussais, l'œsophage en feu. Et pourtant la petite voix insidieuse dans ma tête me chuchota que je n'étais pas vide. Pas suffisamment. 

J'ouvris la bouche dans un soupir résigné, les doigts tremblants, prête à recommencer malgré la fatigue et la douleur. Un soldat parti à la guerre qui se donne cœur et corps à sa cause. Soudainement la porte des toilettes s'ouvrit dans un bruit sourd. Je retins ma respiration, figée. 

- Y a personne? demanda une voix masculine au timbre grave, rocailleux. 

- Ouais, c'est bon, t'inquiète, tiens ta beuh, souffla une fille, cette fois. 

J'entendis les froissements des billets, leurs vœux de silence,. Je frémis en entendant du mouvement. 

- C'est la dernière fois, ok? J'te dépanne plus après, c'est mort mec, dit la voix féminine. 

- Ouais, ouais, j'ai capté, on est quitte, c'est bon, soupira-t-il. 

Puis il y eut un silence et la porte qui claque. J'attendis quelques secondes, le cœur battant, je me relevais doucement, priant pour que les toilettes soient de nouveau vide. 

Malheureusement, je vis des bottes de moto se poster devant ma cabine. Un long frisson remonta le long de mon échine. 

- Hé. 

Il frappa la porte violemment, pendant une fraction de seconde je crus qu'elle allait sortir de ses gonds tellement il avait mis de force. Rapidement, je m'essuyais les mains avec du papier toilettes. Peut-être que si je fais la morte il partira?

- Sors de là, ordonna-t-il sèchement. 

- Je dirais rien, balbutiais-je sans obtempérer. 

J'avais du vomis plein le visage, de la morve gouttait au bout de mon nez, mes yeux étaient rougis par les larmes; j'étais dans un état indescriptible, à la limite du pathétique. Je ne le connaissais pas et pourtant je ne voulais pas qu'il me voit dans cet état, question d'ego et de fierté, surement. 

- Sors, j'ai dit, répéta la voix grave. 

Terrifiée, j'hésitais puis, abattue j'ouvris la porte, le visage baissé vers le sol. Espérant qu'il ne devine pas ce que je faisais.

- Tu faisais quoi? grogna-t-il en croisant les bras. 

J'évitais obstinément son regard et pourtant je le sentais scrutateur. Un regard auquel on veut mais on ne peut se soustraire, comme celui d'un roi impérieux. 

- Je crois pas que ça te regarde, sifflais-je malgré moi. 

Il ricana tandis que je m'essuyais la bouche de ma main avec une grimace. 

- Putain...c'est vrai, t'as raison. 

Je relevais mes yeux, les sourcils froncés. J'avais une tête de macchabée mais il fallait que je m'assure qu'il ne dirait rien. 

Sauf que je n'avais pas prévu de découvrir quelqu'un d'aussi...beau? Non, pas beau: magnétique.

Des traits réguliers, une mâchoire puissante; une peau lisse; une bouche bien définie, la lèvre du bas un peu boudeuse, comme celle d'un enfant; et des yeux; acier, aussi durs que fer, clair comme de l'eau mais aussi gris que le ciel un jour de pluie; des cheveux épais, hirsutes, on avait envie d'y passer la main, juste pour voir nos doigts s'y perdre.  

Il me fixait, rigide. Un éclair étrange passa dans ses yeux.  

- Que se soit clair, je ne dirais rien si toi tu fermes ta gueule, ok? le menaçais-je en plissant les paupières. 

Il tiqua puis rictus mauvais s'inscrivit sur ses lèvres. Il me présenta sa main, je la regardais sans comprendre. Il me déstabilisais complètement, brouillant les limites. Ce mec dealait sans même avoir peur de se faire choper. Incroyable. 

- Je crois qu'on est d'accord, j'suis Victor. 

Je lui lançais un sourire que je ne ressentais pas et lui passais devant pour me laver le visage. Il me suivit sans un mot. Il avait cette espèce de présence écrasante, comme s' il dominait tout le monde par ses pensées. Il dégageait une telle froideur, une frigidité qui me terrassait. 

Nos regards se croisèrent à travers le miroir. Un silence tendu emplissait la pièce, je fus secouée d'un frisson violent.

- T'es qui? demanda-t-il en haussant un sourcil épais. 

Un soupir m'échappait alors que je me détournais. Il fallait que je quitte cet endroit merdique. Je prenais tristement la fuite, mais pour ma défense, ce Victor était...dérangeant. 

- Je suis personne, oublie moi, compris? 

rendez-nous accros à la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant