rendez-nous accros à la vie

Chapitre 2

- Salut maman. 

La voix de ma mère grésilla à travers le combiné quand elle me salua. 

- Comment vas-tu, ma chérie? me demanda-t-elle, le ton plein d'espoir que j'aille bien. 

Cela me faisait mal au cœur de lui mentir, mais je ne voulais pas  l'inquiéter avec mes problèmes superficiels. Je ne me laissais pas trop le choix, de toute façon, le déni m'allait mieux. 

Notre relation était devenue compliquée un peu avant mon entrée à l'université, quand j'étais encore au lycée. Je devais avouer que je lui en voulais d'être aussi lâche, aussi dépendante de mon père, qui lui refusait de me voir. Je ne savais pas s'ils s'aimaient encore où s'ils restaient ensemble par défaut, par peur d'affronter la vie seul, sans personne à qui s'accrocher. Mon père continuait de tromper ma mère tandis qu'elle fermait gentiment les yeux, espérant  pour qu'un jour il arrête de se perdre dans les bras d'une autre et qu'il fasse face à nos difficultés. 

- Bien, mentais-je d'une voix neutre, et toi? lui demandais-je ensuite. 

Je passais un pinceau imbibé de vernis sur l'ongle de mon index. Geste parfaitement contrôlé, pas même un tremblement. Concentrée sur ma tâche, je mordillais ma lèvre inférieure. 

- Je...C'est compliqué. 

Elle parlais tout bas, le ton d'une confession, comme si elle s'apprêtait à me confier un secret. 

- Tu me manques beaucoup, Lia, sanglota-t-elle. 

Son sanglot fendilla ma carapace, une grimace passa sur mon visage. 

- Qu'est ce qui se passe? m'enquis-je après m'être raclée la gorge. 

- Ton père....Il me rend folle, soupira-t-elle. 

Un ricanement m'échappais, l'amertume me gagnait rapidement. La colère aussi. 

- Quitte-le, la défiais-je. 

Je soufflais sur mes ongles pour faire sécher le verni plus vite. 

- Maman, si tu m'appelles pour te plaindre de ton cher mari que tu peux quitter à tout moment, je raccroche, ça ne m'intéresse pas, déclarai-je froidement. 

Je l'entendis renifler piteusement. L'impression de jouer la mère me mis mal à l'aise: je m'agitais sur le canapé. 

- Je sais que ce n'est pas évident pour toi mais essaye de comprendre ton père...-

- Maman, l'avertis-je aussi durement que je le pouvais. Stop. 

J'attendis qu'elle réplique mais n'est venu, seulement sa respiration saccadée par les sanglots. 

En secret, j'espérais que mon père revienne vers moi, qu'il me dise qu'il m'aimait toujours malgré mes erreurs, qu'il nous laisse une chance de redevenir une famille unie et pourtant je savais qu'il était têtu, maintenant qu'il avait décidé que sa fille n'était qu'une traînée écœurante...il n'y avait plus vraiment d'espoir. Il me détestait autant que moi-même je me haïssais. 

- Je...je vais raccrocher, maman, murmurai-je. Je t'aime. 

Un long soupir glissa entre mes lèvres. J'essuyais une larme solitaire d'un geste irrité. Abîmant mon verni qui n'était pas encore sec. 

La fatigue lessivait mon cœur, le malaxait avec acharnement, sans me laisser le temps de souffler. Physiquement et mentalement. 

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- Tu m'as toujours pas répondu, tu sais? déclara Victor. 

Sa voix m'arracha un sursaut. Je posais ma main tremblante sur ma poitrine en soufflant. Il se trouvait derrière la porte des toilettes, tenant entre ses doigts une cigarette. Il me fixait de son regard implacable, on aurait dit qu'il essayait de lire dans mes pensées. C'était peut-être le cas, d'ailleurs.