Je tirai une latte sur mon joint. Je sentis la fumée me consumer les bronches, doucement, une douce mort, en quelque sorte.
J'expirais dans un soupir, un bras derrière la tête, l'autre tenant le joint qui passait de bouche en bouche depuis un bon quart d'heure. Les murmures des autres me paraissaient lointains, de vagues bruits qui sonnait doucement à mes oreilles.
Julia se mit sur mes genoux, observa mon visage, les yeux brumeux. On était tous aussi défoncé les uns que les autres et putain, c'était magique.
L'air était moite; les enceintes crachaient de la musique à fond; on dansait; certains baisaient dans les coins des pièces; on faisait tourner les bouteilles d'alcool comme si c'étaient de l'eau; on se roulait des cigarettes et des joints; prenait de la coke. Tout le monde était exalté, on abandonnait nos rôles, nos costumes d'étudiants rangés pour muter comme des créatures de la nuit. On aimait le sale, l'impureté de la drogue, la violence du sexe, la chaleur de l'alcool. On se perdait dans la nuit, le temps d'une soirée pour détruire ce cœur et ce corps que l'on reconstruirait le lendemain, en regrettant.
Julia passa une main sur mon visage en rigolant. Je restais immobile, inerte comme la masse de merde que j'étais.
- J'ai rencontré une fille, commençais-je, la voix rêveuse.
- ah ouais?
Julia fit glisser ses mains sur mon torse, une moue boudeuse sur les lèvres, la jalousie brillait dans ces yeux. Je fis comme si de rien n'était et attrapais ses mains.
- Elle a les yeux couleur paradis, tu vois? murmurais-je en reprenant le joint avant de tirer dessus. Et pourtant Il y a une telle détresse dans ses yeux...comme si...comme si elle était fatiguée de vivre et n'avait pas la force de mourir, remarquais-je, pensif. Deux grands orbes noisettes, brillant d'une profonde lassitude, une fatigue inégalable....
Je la revoyais parfaitement. Sa bouche enflée, ses yeux rougis par les larmes, les paupières gonflées, la fragilité inscrite sur son visage et pourtant la détermination qui l'avait remplacée, balayée avec brutalité étonnante.
- Elle est plus jolie que moi? demanda Julia en s'approchant tout près de mon visage, tellement près que nos lèvres s'effleuraient.
- Elle n'est pas jolie, pas vraiment, chuchotais-je, elle est indescriptible, là à me parler et pourtant ailleurs dans sa tête. Et ses cheveux! Si tu les avais les vu! Ils sont tentaculaires, comme une pieuvre au reflets dorés, comme le soleil aussi, je les imagine mouillés, passant ma main dedans, défaisant des nœuds, ils glisseraient entre mes doigts, susurrais-je en mimant lentement. Elle est comme, comme un fantôme, à exister sans vraiment être, je le vois sur son visage, sa façon de marcher, de parler....Un être a pat, j'te dis.
Un grand sourire se trouvait maintenant sur mes lèvres. Je suivis de mes doigts les traits de Julia, imaginant ceux de Lia à la place. Julia ferma les yeux, se laissant faire.
Je savais que tant que je la baisais, que je faisais semblant de l'aimer elle serait satisfaite. Parce que Julia elle voulait juste se sentir aimer, tu vois? Avoir l'impression d'exister à travers l'amour de quelqu'un, si elle n'était pas accroc à la drogue, elle l'était à l'amour. Elle faisait semblant de croire à mes baisers, mes caresses, vivant dans un déni permanent et moi je l'entretenais. Parce que je dois avouer qu'avoir pour mission de l'aimer me donnait tristement une raison de vivre.
Julia soupira puis fondit sur mes lèvres à la façon d'un animal affamé. J'attrapais sa gorge, l'empêchant de m'embrasser. Elle grogna, mécontente. Nous nous fixâmes, les yeux tueurs.
- Alors ça y est? tu m'abandonnes dans la merde pour aller séduire une fille trop bien pour toi? cracha-t-elle, rageuse.
je lui souris, un rictus mélancolique qui lui montrait à quel point ce qu'elle me disait ne faisait rien, juste un vide, un vide semblable à celui de d'habitude. Voilà pourquoi avec Julia je ne pourrais jamais faire autre chose que de la baiser: être avec elle, être dans ses bras ça ne me procurait rien, pas de tempête, ni de pluie, ni même de soleil, juste un putain de vide. Je voulais me perdre dans ses yeux mais n'y arrivais jamais, je me retrouvais toujours en chemin.
VOUS LISEZ
rendez-nous accros à la vie
RomanceQuand Lia rencontre Victor, elle est au fond du trou. Un trou sombre, pleins de monstres qui s'y cachent. Elle essaye de vivre sans vraiment y arriver, torturée par ses multiples peurs et ses démons irrationnels. Quand Victor rencontre Lia, il est...