Chapitre 17 {I}

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 Rayan se reposa contre le bord de la table, une main dans la poche, l'autre tenant son téléphone portable à son oreille. Il avait attendu que la salle des professeurs se vide, ne le laissant plus que le lui et le ronronnement de la machine à café. Le regard dirigé vers la fenêtre, il observait avec appréhension le ciel bleu de cette fin de matinée se charger de lourds nuages gris et menaçants, annonçant le début d'un orage. Comme un signe prémonitoire de la conversation qu'il s'apprêtait à avoir et qui ruinerait certainement sa journée.

 À l'autre bout du fil, la connexion se fit enfin. Il lui fallut une longue seconde avant de s'exprimer :

 — Allo maman ? C'est moi.

 Un silence réprobateur lui répondit. Il ajouta :

 — Bonne année.

 — C'est maintenant que tu appelles ?

 — Je suis désolé. J'ai été très occupé, mentit-il.

 Sa mère le connaissait suffisamment pour reconnaître un mensonge de son fils lorsqu'elle en entendait un, même à des milliers de kilomètres et au téléphone. Rayan s'en doutait mais il avait été incapable d'imaginer une meilleure excuse.

 Des semaines, des mois, qu'il appréhendait cette conversation. Il avait égoïstement espéré n'avoir jamais à le faire mais les réprimandes et rappels incessants de Mehdi l'avaient convaincu. À cause de son silence radio, c'était lui qui se prenait tout le courroux de sa mère, et cela avait fini par le culpabiliser. Il ne pouvait plus compter éternellement sur son frère pour porter tout seul le poids de ses décisions et des conséquences que cela avait eu sur leur famille. À son âge, il était temps d'assumer, mais sa mère restait la personne la plus intimidante qu'il connaissait.

 — Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça, hein ? Presque six mois sans un coup de fil, sans une nouvelle en dehors de quelques SMS, et maintenant tu m'appelles comme une fleur ? Tu n'as pas honte ?

 La colère de sa mère avait le même impact sur lui à trente-trois ans qu'à vingt-cinq, douze ou cinq ans. Ses épaules s'affaissèrent sous le poids de la honte, sentant son regard sévère sur elle de l'autre bout du combiné.

 — Je suis désolé, répéta-t-il.

 — Non mais vraiment, Rayan ! Je me demande bien ce qui te prend. Depuis ta rupture avec Emilia, tu n'es plus le même. Je ne te reconnais pas.

 C'était pour cette raison qu'il ne souhaitait pas la recontacter, qu'il ne trouvait pas le courage de l'avoir au téléphone : il savait qu'à la seconde où il le ferait, elle lui parlerait d'Emilia. Elle n'avait que ce nom à la bouche, déjà lorsqu'ils sortaient encore ensemble. Sa belle-fille faisait sa fierté : de bonne famille, éduquée, qui aimait les enfants, belle et toujours à s'occuper d'elle comme si elle était sa propre mère.

 Elle ne la connaissait pas comme Rayan la connaissait.

 Il y avait des tas d'aspects de sa personnalité dont elle ignorait l'existence. Le croirait-elle seulement s'il les racontait ? Probablement pas.

 — J'ai juste décidé de me consacrer à mon travail. Je vais bientôt être publié dans une grande revue internationale ! s'exclama-t-il en se redressant, piqué dans son orgueil qu'elle ne reconnaisse jamais ses talents. Ça fait des années que je travaille des-

 — Quelle importance ça a si tu n'utilises pas l'argent de ton travail pour t'occuper de ta femme et de tes enfants, hein ? le coupa-t-elle. Tu as déjà trente-trois ans, Rayan. C'est vraiment ça que tu as décidé de faire ta vie ?

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant