Chapitre 1

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Parfois j'aimerais ne pas être celle que je suis, ne pas être différente. Depuis que j'ai envoyé cette photo à Leny ma vie a changée, radicalement changée. C'était juste une photo en sous-vêtements envoyée à mon copain, je lui faisais confiance. Pourtant j'avais reçu un dm de cette fille, Mathilda, elle m'avait prévenu de pas faire confiance à Leny, de pas lui dévoiler des trucs intimes, qu'il allait me pourrir la vie. Et moi je ne l'ai pas cru, je me suis dit que ça devait être une fille jalouse, une de ses exs, mais putain elle avait dit vrai. Cette photo il l'a envoyée à tous ses potes, et en une soirée je suis devenue une trainée. Cet enfoiré avait raconté à tout le monde qu'on avait couché ensemble, que j'étais une sacrée salope, que j'étais prête à être payée pour coucher avec des mecs. Comme une pute. En vrai on s'est embrassés une fois, juste un petit bisou, le soir il m'a demandé des photos sexy... au début je ne voulais pas et puis j'ai changé d'avis, il avait réussi à me convaincre... quelle conne... maintenant plus personne ne veut me parler, on se fou de ma gueule, je reçois des photos de queues sur insta dans mes dm. Mes parents ne sont pas au courant, mon père serait brisé s'il apprenait ça, et ma mère me tuerait je pense.

La poésie c'est mon échappatoire, je lis Baudelaire, Rimbaud, Verlaine et Hugo, j'adore les Contemplations, emplies de mélancolie et de souvenirs moroses.

Je suis dans le parc où je vais toujours depuis presque deux mois maintenant, et je lis en écoutant de la musique. Les vieux qui viennent se balader tous les jours ont pitié de moi je le vois bien, je devrais n'en avoir rien à foutre, mais ça me touche. L'avis que les gens ont de moi me terrifie maintenant, j'ai peur de l'image que je donne. Et celle que je donne aux vieux c'est celle d'une pauvre fille qui a à peine 18 ans, mais qui a redoublé car elle n'a pas eu son BAC, n'a aucune vie sociale. Les pauvres, ils doivent flipper en pensant à leurs petits-enfants, se demander si c'est leur cas à tous ou si c'est moi qui suis bizarre.

Bref, je lis comme toujours, aujourd'hui c'est les Contemplations, pour changer, c'est mon bouquin préféré, bon on s'en cogne mais je tiens à préciser. C'est la cinquième fois que je le lis en deux mois... putain ma vie est pourrie. Je me sens observée. Bon ok, quand je lis je me sens toujours observée, mais là je ne sais pas c'est différent.

Bref, j'ai "Rape Me" de Nirvana dans les oreilles, quelle belle ironie, heureusement que je ne l'ai pas vécu, ce connard de Leny en aurait été capable. Remarque, ce n'est surement pas passé loin, il me regardait toujours comme s'il allait me sauter dessus, bien flippant maintenant que j'y pense.

Soudain un mec vient se planter devant moi, il a l'air un peu plus vieux que moi, je dirais qu'il a 19 ou 20 ans, il est habillé bizarrement un peu à la Marilyn Manson, le maquillage en moins. Bon peut-être pas Marilyn Manson, mais un peu un genre de Johnny Depp dans Cry Baby, ouais c'est beaucoup plus ressemblant. En gros c'est une espèce de mec bizarre, mais il était plutôt sexy, un petit air de badboy. Pourquoi je pense à ça ? Ce n'est pas le moment, y'a une espèce de pervers qui est planté devant moi et je le trouve sexy, ça y est c'est clair je touche le fond.

- Salut miss, dis-moi si je te dérange mais je voulais te parler un peu.

Il me balance ça comme si c'était normal, comme si j'allais lui répondre tout sourire " Salut beau gosse, bien sur assied-toi je t'en prie", non mais sérieux, il doit avoir vu ma photo passer et il se dit qu'il a une chance... quel connard. Je commence à me lever pour m'en aller, il me fait carrément flipper ce mec, en plus on est en octobre, il est 18 heures, bref il commence à faire nuit et je flippe.

- En fait ce n'est pas la première fois que je te vois dans ce parc tu sais, t'es toujours assise là, avec tes vieux bouquins poussiéreux, tu me fais pitié alors je me disais que je pouvais peut-être t'aider.

Il est vraiment bizarre ce mec, je ne l'ai jamais vu, pourtant vu son style je ne vois pas comment j'ai pu le rater, avec ses fringues bizarres. Je continue d'avancer.

- Je vois, mademoiselle n'est pas d'humeur.

Chouette, un harceleur, avec un peu de chance il va vouloir me voler mon téléphone, me casser la gueule... pire ? Pourquoi j'imagine toujours les pires scénarios ? Je me retourne et fait volte-face.

- "Mademoiselle" n'a pas envie de parler avec des espèces de psychopathes qui l'espionnent et qui la suive depuis plusieurs semaines.

Je lui retourne le dos, et je continue de marcher, putain pourquoi j'ai dit ça ? Si c'est un harceleur je suis morte.

- Je m'appelle Adam, psychopathe c'est plutôt après trois ou quatre whisky-coca.

Il est drôle en plus, mais il me fait flipper.

- Mademoiselle Victor Hugo c'est ça ?

Je m'arrête et me retourne vers lui, j'ai laissé mon livre par terre et il l'a dans la main.

- Hannah.

Je lui balance sèchement en tendant la main pour récupérer mon livre. Il le met dans son dos... immature, c'est le pompon. Je vois qu'il n'a pas l'air décidé à me rendre mon livre, tant pis, je ne veux pas de problèmes, je fais demi-tour et marche d'un pas plus soutenu. Putain c'est qui ce pauvre mec ? Pourquoi il me parle et pourquoi ça fait deux mois qu'il m'espionne, je suis sûre que c'est un pervers qui a vu mes photos... Je sens qu'il me suit, j'accélère, je cours pendant au moins deux cent mètres avant de me retourner, il est plus là. Tant pis pour le livre, je vais rentrer.  

L'ombre de moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant