(le) deuil numérique

prologue

''no matter what, you'd
always be with me''

Ils avaient toujours été quatre. Du moins, pendant une grande partie de leur vie.

Lorsque Felix et Jisung se sont rencontrés, ils avaient sept ans.

Jisung avait toujours connu Hyunjin ; ils venaient du même quartier, étaient dans la même classe depuis la maternelle et se retrouvaient toujours ensemble sur les bancs de l'école. Là où Jisung était un enfant calme et réservé, Hyunjin était son contraire : rayonnant et extraverti. Et plus les années passaient, plus l'amitié entre les deux garçons se soudaient, et plus Jisung s'ouvrait aux autres, au monde. Alors ce ne fut une surprise pour personne lorsqu'à cette rentrée en CE1 le petit Han avait fait la rencontre du petit Felix et que, tous d'eux, s'étaient rapidement liés d'amitié. Hyunjin avait rapidement accepté cette addition qu'était Felix dans leur petit duo, et, lui aussi, avait rapidement apprécié le plus jeune et se plaisait à faire partie de son quotidien.

Pourtant, tout le monde pouvait voir qu'entre Felix et Jisung, il y avait ce quelque chose entre eux qui faisait que tout semblait être facile, que tout était fait pour que les deux garçons s'entendent aussi bien, que c'était, en fin de compte, une sorte d'évidence, comme deux pièces d'un même puzzle qui se complétaient à la perfection. A leurs yeux d'enfants, leur rencontre était un signe du destin, quelque chose de fabuleux, presque magique, tout comme le fait qu'ils soient nés à un jour d'écart : ils étaient destinés à se rencontrer, à orbiter l'un de l'autre. Parce que, après tout, on ne la trouve pas si facilement notre âme-sœur. Et eux, ils aimaient penser l'avoir trouvé dans l'autre.

Alors cette rencontre, aussi extraordinaire soit-elle pour deux enfants de sept ans, transforma le petit duo qu'étaient Jisung et Hyunjin en un trio tout aussi soudé, et, quelques années plus tard, en quatuor.

C'est au collège que les garçons rencontrèrent Seungmin, ce petit garçon calme qui aimait jouer au baseball avec ses camarades ou bien lire au calme. Le trio s'était vu séparé lors de leur première année dans le secondaire, et ce ne fut une surprise pour personne le jour où Felix avait annoncé à ses amis qu'il s'était fait un nouveau copain. Et aussi naturellement que ça, Seungmin faisait partie de leur petite bande.

Et, depuis ce jour, les quatre garçons ne faisaient qu'un, un seul et même petit groupe fort et soudé que rien n'arrivait à séparer.

Leur amitié s'était, au fil des années, transformée en quelque chose de plus fort, de plus profond ; une affection et une connexion bien plus forte qu'avec les autres, un quelque chose que peu de personne ne parvenait à réellement comprendre, à saisir. Ils étaient une sorte de petite famille, des frères de cœur, et ce, depuis des années. Et tout le monde le savait, même leur famille respective.

Mais, même s'ils étaient proches, certains d'entre eux l'étaient un peu plus. Alors, quand Jisung n'allait pas bien, il préférait se tourner vers Felix, celui qui le comprenait sans même dire un mot, ou alors Hyunjin, celui qui partageait sa vie depuis toujours. Mais quand il avait besoin de conseil, il se tournait plus souvent vers Seungmin. Et les garçons fonctionnaient aussi comme cela, et tout le monde le savait.

Petit, quand Felix n'allait pas bien, ce dernier avait pris l'habitude de traverser la rue jusqu'à la maison des Han pour retrouver son meilleur ami et lui parler, que cela soit trivial ou plus profond. Au lycée, Jisung allait se terrer dans le vieux skatepark de leur quartier jusqu'à ce que le petit blond ne le rejoigne et ne le force à parler. A la fac, ils passaient simplement des soirées à regarder la télé et c'était au premier qui voulait bien craquer, et l'autre l'écoutait toujours, sans jamais rechigner.

Alors, quand Felix n'allait pas bien, il venait souvent voir Jisung, celui qui, dans le fond, comprenait un peu cette tristesse étrange que peu de gens savait déceler dans le regard pourtant éclatant du garçon. Celui qui savait lorsque son sourire rayonnait un peu moins que d'habitude, que ses silences étaient plus longs que ce à quoi ils étaient habitués. Jisung savait que, parfois, pour Felix, la vie n'était peut-être pas aussi belle qu'il aimait le faire penser, que la vie était, souvent, trop pesante. Mais ça allait ! Du moins, c'est ce qu'il clamait toujours, et il accompagnait cela d'un de ses plus beaux sourires, l'un de ceux qui pouvaient apaiser les gens, les convaincre que tout irait bien, que l'orage n'était que de passage et que le soleil finirait par revenir, comme toujours. Parce que Felix était une de ces personnes si rayonnante et éclatante de vie que rien ne semblait le toucher.

Mais, pour Felix, l'orage était permanent.

Et personne ne le savait vraiment.