5 - Faim

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Le regard assassin d'Elliott se transforma en pure surprise au fur et à mesure des paroles de cet homme. Alors... c'était vrai ? C'était ses propres amis qui lui avait fait ça ? Un sentiment de pure trahison l'envahit, alors qu'il se recroquevillait un peu plus sur lui-même, la boule au ventre, la gorge le brûlant. Il ferma les yeux, cachant son visage entre ses mains pour ne rien montrer à ce monstre en face de lui. Son cœur se brisa un peu plus, alors qu'il se disait, qu'aux yeux de ces personnes qu'il considérait comme son unique famille, c'était lui, le véritable monstre.

Son ravisseur dont il ne connaissait toujours pas le nom avait fini par le laisser seul dans cette chambre -qui était apparemment devenue la sienne dorénavant, lui disant simplement que la porte ne serait plus fermée à clef et qu'il partait cuisiner quelque chose à manger. Elliott s'était roulé en boule dans son lit, le regard vide. Il n'avait même pas élaboré de plan farfelu pour s'évader, ni tenter de retenir chaque recoin de la maison, dans le but de se cacher dans un lieu stratégique pour mieux s'enfuir.

Non, au lieu de ça, il avait pleuré silencieusement, le visage tourné vers le mur, montrant le dos à la porte ouverte de sa chambre qui le narguait silencieusement. Il n'était pas non plus descendu mangé, pourtant la bonne odeur d'un repas chaud atteignit rapidement ses narines, faisant gargouiller son ventre, qui criait famine. Il se recroquevilla un peu plus sur lui, essuyant nerveusement ses larmes sur son visage, alors que de nouvelles faisaient leurs chemins sur ses joues. Il ne se rappelait plus quand, mais il finit par s'endormir entre deux sanglots.

Ce fut aux alentours de vingt-trois heures que Frederick pointa le bout de son nez dans la chambre plongée dans l'obscurité du jeune homme. Il entra doucement, regardant la forme endormie dans le lit, et soupira. Il recouvrit Elliott d'une couverture, avant de vérifier que la fenêtre était bien fermée. Il fit un rapide tour de la chambre, l'inspecta, redressa un des tableaux aux murs, qui ne lui semblait pas droit, et se dirigea vers la porte. Il regarda de nouveau Elliott, dont la respiration profonde emplissait les lieux. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu un soumis aussi farouche. Toute la soirée, il n'avait cessé de se demander comment faire pour s'accorder la confiance du jeune homme. 

Il avait déjà eu de nombreux soumis, ce n'était pas sa qualité de dominant qui lui faisait défaut, bien au contraire. Mais chaque personne était différente. Elliott ne dérogeait pas à cette règle. Aux yeux de Frederick, il fallait un abandon total du soumis entre ses bras, une confiance aveugle qui lui permettrait de faire découvrir au soumis de nouvelles sensations et une nouvelle partie de lui-même. Et pour cela, il lui fallait apprendre à connaître et apprivoiser Elliott. Ce dernier, au-delà, de son caractère capricieux semblait cacher une partie plus douce et bienveillante. Alors il avait hâte d'y être confronté.

Pour le moment, il devait se montrer patient.

Les jours qui suivirent ne furent pas plus glorieux pour Elliott. Il ne disait plus un mot, plongé dans un mutisme hargneux et haineux envers l'homme qui prétendait ne vouloir que lui apporter son aide. D'une quelconque manière, Elliott retrouva quelques vêtements à lui dans sa chambre, un matin en se levant. Il supposa directement qu'il s'agissait probablement de ces traîtres de Sana et Dario qui avaient récupéré ses vêtements chez lui pour les lui emmener. Il savait également que son ravisseur - dont il ne connaissait toujours pas le nom - quittait cette maison de campagne, une fois par jour pour se rendre il ne savait où, le laissant seul. Elliott ne mangeait jamais avec lui, malgré ses nombreuses propositions. Cependant, il avait de nombreuses fringales nocturnes qui le poussaient à quitter sa chambre pour se rendre dans la cuisine et fouiller dans les placards blancs et immaculés de la pièce.

C'était lors d'une de ces nuits, que Frederick rentra, ouvrant et fermant la porte avec précaution, pour ne pas déranger un Elliott qu'il croyait endormi. Il retira son manteau à l'entrée de la maison, sentant ses muscles endoloris par sa longue journée,  en ayant une grande envie d'un bon bain chaud. Son souffle se coupa alors qu'il entendit un bruit sourd dans sa cuisine, d'habitude si silencieuse. Il s'y précipita pour tomber sur un Elliott, les fesses contre le sol, une chaise haute renversée à ses côtés, et une des portes du placard en hauteur ouverte. Très vite, il put se refaire le scénario dans son esprit.

Son soumis qui ne mangeait jamais avec lui lors des dîners, avait fini par sortir de sa chambre afin de trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Sûrement trop petit pour atteindre les placards, il était monté sur une des chaises qui se trouvaient autour du plan de table en marbre. Et très probablement pas très adroit de ses deux pieds, Elliott avait fini par se ramasser. 

Frederick derrière son masque dépité et lassé par le jeune homme, peinait à cacher son amusement face à son soumis, qui avait tout l'air d'un chaton effarouché.

- Il y avait à manger dans le frigo, fit simplement Frederick, en tendant une main veineuse au châtain pour l'aider à se relever.

Elliott la rejeta, mort de honte. Lui, qui voulait être discret, il avait bien choisi son jour... Il se releva tant bien que mal, grimaçant à cause de son pauvre dos qui avait durement heurté le carrelage en marbre froid. Il s'appuya contre le plan de table, faisant une moue boudeuse, alors que Frederick ramassait la chaise sur laquelle il se trouvait deux minutes auparavant sur la pointe des pieds.

- Il est hors de question que je mange quelque chose qui a probablement déjà été empoisonné...

Il y eut un silence profond de quelques secondes, avant que le gargouillement du ventre d'Elliott résonna dans toute la pièce. Frederick rigola franchement, malgré sa longue et ennuyante journée, cet unique moment venait de le rendre de meilleure humeur.

Elliott accusa ce rire comme un coup de massue. C'était si étrange de voir cet homme rire ou du moins, se comporter comme une personne normale qui ne tentait pas de le tuer dans son sommeil. Il eut presque un sourire coupable. Frederick lui tourna le dos, ouvrant la porte du frigo, cherchant de quoi manger. Par la suite, il déposa le tout sur le plan de table, prenant deux assiettes en verre.

- Allez, viens manger. Tu l'as mérité. C'est une salade de pâtes, j'espère que tu aimes ça. Je ne suis pas un pro en cuisine, mais j'essaye quand même.

Frederick se servit à manger en premier, sous le regard réticent d'un Elliott affamé. Il était vrai que cette salade lui faisait de l'œil. Mais il était hors de question qu'il craque aussi facilement. Pourtant lorsqu'il vit Frederick prendre une bouchée de la salade, il ne put s'empêcher de s'humecter les lèvres. Si la salade était réellement empoisonnée, il ne l'aurait pas mangée, n'est-ce pas ? 

Donc... Il pourrait goûter au moins une seule petite, toute petite bouchée ? Doucement, il s'approcha de son plat, posant ses fesses sur la chaise froide, prenant entre ses doigts une fourchette. Il sentait le regard de son barbare de ravisseur sur lui, mais l'ignora fermement alors qu'il remplissait son plat de salade de pâtes. Il y planta sa fourchette, renifla l'odeur de la salade, l'inspecta sous tous les angles, avant de la fourrer dans sa bouche.

Son ravisseur était un barbare et peut-être bien un malade mental qui ligotait des gens dans le coffre de sa voiture, mais Elliott était maintenant sûr de quelque chose d'autre, c'était aussi un dieu de la cuisine, pour son plus grand malheur ; ou bonheur, il ne le savait pas encore.

Frederick  l'observa manger, un sourire au visage. Elliott avait fini par se resservir deux fois, sous son regard appuyé, et il n'aurait pas pu être plus fier. Frederick se dit intérieurement que la patience serait la meilleure des armes avec Elliott. La première semaine de son programme était bientôt terminée, alors il était temps de se rapprocher un peu plus du châtain sans pour autant le brusquer.

Let's play togetherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant