4 - Sauvage

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Frederick soupira à l'idée de devoir se coltiner quelqu'un de si peu mature qu'Elliott pendant les trois mois à venir. Qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter d'aider ce gamin...?

Elliott fut aveuglé par la lumière du jour, alors qu'une main s'abattit rapidement sur ses paupières. Ne pourra-t-il jamais voir le visage de celui qui le tenait captif ? Cette odeur mentholée lui chatouillait encore davantage les narines, alors que son ravisseur le grondait pour avoir entrouvert les yeux. Après un long silence, qui dura aux yeux d'Elliott comme une éternité, cette voix grave et profonde s'éleva encore une fois :

- Je vais enlever ma main, maintenant. N'ouvres pas totalement les yeux. Adaptes-toi ou tu te crèveras les rétines.

Sympa... pensa pour lui-même le châtain.

Très vite, la chaleur sur ses paupières se retira, mais il garda ses yeux encore quelques secondes fermés. Il les frotta avec ses mains de nouveau libres, et papillonna des yeux, en regardant partout autour de lui. Au début, tout autour de lui n'étaient que formes abstraites et couleurs floues. Puis après plusieurs secondes de longue accommodation, il réalisa qu'il se trouvait dans une chambre. La pièce n'aurait pas pu être moins impersonnelle. Un lit double aux draps épurés, des murs blanc lui rappelant beaucoup trop ceux de l'hôpital, une fenêtre avec des rideaux, eux aussi, blancs, une simple commode en face de lui où se tenait un homme. Le cœur d'Elliott rata un battement. Son ravisseur était là, dos à lui, en train de chercher je-ne-sais-quoi dans la petite commode en bois.

Elliott baissa ses yeux vers ses poignets rougis par les liens qu'on lui avait mis, il les caressa, les lèvres pincées. Cet homme était-il dangereux ? Voilà la seule question qui occupait son esprit. Il leva les yeux vers lui, toujours de dos. Il semblait assez musclé, chaque mouvement qu'il faisait, faisant se tendre son T-shirt dans son dos. Il avait la peau brune, et Elliott se perdit à observer ses dreads qu'il avait attaché en queue de cheval.

Le jeune homme de 23 ans se leva du lit, redécouvrant ses jambes, légèrement endoloris après trois heures passées dans une position des plus inconfortables. Il marcha dans la pièce, faisant quelques pas pour tester son équilibre. Au centre de la pièce, il jeta un regard d'ensemble à la chambre. C'était comme si personne ne vivait ici. Était-ce une chambre d'ami ? Ou l'homme qui l'avait jeté dans un coffre avait également cambriolé une maison ?

- La chambre te plaît ? 

Elliott sursauta en entendant la voix de son ravisseur. Il se tourna vers lui, tombant nez à nez avec un regard sombre et rieur. Les bras croisés sur son torse pas moins musclé que son dos, appuyé contre la petite commode en bois, son ravisseur le détaillait de la tête au pied, probablement comme lui-même était en train de le faire.

Frederick ne put s'en empêcher. En voyant son nouveau soumis déambuler dans la chambre, tel un chaton perdu, il l'avait regardé pendant quelques secondes, détaillant son corps fin, et les formes qu'il avait. Il sourit, moqueur. Avait-on déjà dit à ce cher Elliott qu'il avait un corps de femme ? Le caractère impétueux du jeune homme devrait s'enflammer si jamais Rick lui disait cela.

- Je n'ai jamais vu plus moche. On dirait un hôpital, cracha, acerbe, Elliott.

Frederick rit, se rapprochant du châtain. Décidément, il en aurait du boulot pour rendre ce petit sauvage plus poli. Il l'attrapa par le bras pour qu'il pose à nouveau ses fesses sur le matelas contre le mur. Rick s'assit à ses côtés, alors que le cœur d'Elliott s'accélérait dans sa cage thoracique. Avait-il dit les mots de trop ? Allait-il se faire violer ? Ou tuer ? Torturer ?

Voyant la panique s'insinuer peu à peu sur le visage du jeune homme, Frederick retint un autre rire. Il ne serait peut-être pas si compliqué que ça à dompter... Il prit entre ses mains les poignets fins et légèrement bronzés de son soumis. 

- Tu as peur de moi, petit sauvage ? 

Elliott sentit son être entier frissonner à l'entente du surnom. Il retira vivement ses poignets de la poigne ferme mais étonnement douce de son vis-à-vis, en se braquant, fronçant les sourcils.

- Si vous croyez que j'ai envie de parler à un malade tel que vous ! Où sont mes amis ? Sana et Dario ? Vous leur avez fait du mal ? Ils vont bien ? 

Même s'il ne le montrait jamais à ses deux amis, Sana et Dario était les seules personnes qui se rapprochaient un tant soit peu d'une famille pour Elliott. Il s'inquiétait énormément. Que faisait-il là ? Que lui était-il arrivé ? Allaient-ils bien ? 

- Tes amis vont bien. Je ne suis pas un barbare, ni un sociopathe, répondit calmement Frederick en joignant ses mains sur ses cuisses, le dos droit.

Elliott eut un rire amer.

- Dis celui qui m'a ligoté, bâillonné, bandé les yeux, enfermé dans un coffre et compte maintenant m'enfermer dans cet endroit ! S'agaça-t-il. 

Frederick leva les yeux au ciel. Evidemment, il s'attendait à ce genre de réaction disproportionné. Le soumis se leva du lit, se dirigeant vers la porte de la chambre, intérieurement, Rick se félicita d'avoir fermé la porte à clef en étant entré. Elliott s'agaça contre la porte, tapant du poing contre le bois froid qui lui faisait face. Il se laissa glisser contre celui-ci, ramenant ses jambes contre son torse. Il avait une immense envie d'éclater en pleurs, mais il n'accorderait pas ce privilège à ce malade. Alors au lieu de ça, il le fusilla du regard, les yeux brillants.

Rick retint un soupir, se positionnant de nouveau sur le lit, de sorte à être face au jeune homme.

- Ecoutes, je veux simplement t'aider.  Ce sont tes amis, eux-mêmes, qui m'ont demandé de l'aide, il y a déjà quelques semaines. C'est ton amie, la brune, qui t'a drogué avant de m'appeler pour que je vienne te chercher. Ils étaient tous les deux dans le coup. Tout ça, parce qu'ils m'ont dit que leur ami devenait exécrable et capricieux et qu'il fallait qu'il change.

Le regard assassin d'Elliott se transforma en pure surprise au fur et à mesure des paroles de cet homme. Alors... c'était vrai ? C'était ses propres amis qui lui avait fait ça ? Un sentiment de pure trahison l'envahit, alors qu'il se recroquevillait un peu plus sur lui-même, la boule au ventre, la gorge le brûlant. Il ferma les yeux, cachant son  visage entre ses mains pour ne rien montrer à ce monstre en face de lui. Son cœur se brisa un peu plus, alors qu'il se disait, qu'aux yeux de ces personnes qu'il considérait comme son unique famille, c'était lui, le véritable monstre.

Let's play togetherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant