Monstre.

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 – Au revoir messieurs et n'hésitez pas à revenir ici !

Toya ne cessait de penser à cette phrase qu'avait prononcé le jeune vendeur. Le regard absent, l'air rêveur, le jeune chef Todoroki se prit en plein nez une porte qui s'ouvrit brusquement lors de son passage dans le couloir vide de la demeure familiale. A son bout, sa sœur Fuyumi le regarde surprise avant d'accourir à lui tout en s'excusant.

– Oh mon dieu, je suis désolée Toya. Je n'avais pas vu que tu étais là. Tu n'as pas idée à quel point je suis embarrassée.

– Ce n'est pas grave Fuyu. Ne t'inquiète pas, j'aurais dû regarder où j'allais.

Tout en prononçant ces paroles, le noiraud se leva et dépoussiéra son kimono, puis reprit sa route jusqu'à son bureau.

Voici une semaine qu'il n'était pas retourné se promener à travers les ruelles de Musutafu. Et voici une semaine qu'il pensait au jeune homme au regard émeraude sans pour autant avoir le courage de retourner le voir. Pour tout dire, Toya était terrifié. Durant sa misérable existence il n'avait jamais établi de contact avec le monde extérieur, ni parlé avec d'autres personnes que les membres de sa famille. Il restait à longueur de journée chez lui à observer son paternel qui jouait son rôle de yakuza et espérait instruire son aîné à ce travail. En 28 années d'existence, Toya n'avait connu que le monde des yakuzas et n'avait droit à aucun divertissement frivol. Il ne connaissait rien de la vie, tel Mowgli qui, après de longues années à vivre dans la jungle, dû apprendre à se civiliser.

Ou comme cette reine des glaces qui dû s'isoler de la vie par peur d'être traiter de monstre à cause de ses pouvoirs. Oui, Toya se sentait ainsi. Il se sentait monstrueux de ne pas comprendre la vie. Et il se sentait monstre par son physique.

Qui ne se sentirait pas comme tel après tout ? L'aîné Todoroki était rempli de brûlures. Rien de plus normal lorsqu'une mère, diagnostiquée schizophrène, décide de balancer son propre fils âgé de seulement 8 ans dans une baignoire chauffée à plus de 70°C.

"Un enfant normal n'aurait pas survécu ! Notre enfant est un monstre Enji ! Il faut le tuer avant qu'il nous fasse du mal.", voici les derniers mots que Toya a entendu de sa mère avant que son paternel ne l'enferme dans un hôpital psychiatrique pour qu'elle évite de faire à nouveau du mal à ses enfants. Ces paroles l'avaient touché. Il se souvient avoir pleuré toute la nuit, tout en pensant être véritablement monstrueux. Sa mère en était persuadée. Et, depuis ce jour, Enji refusait catégoriquement que son fils aîné ne sorte à nouveau de la demeure traditionnelle. Lors des réunions importantes, les chefs des autres clans, ainsi que leurs enfants, le regardaient avec dégoût. Alors il était normal que ce dernier se sente monstre.

Une fois son bureau atteint, il s'assit sur sa chaise et regarda vaguement la paperasse éparpillée sur son plan de travail. Il n'avait pas envie de travailler.

Non. Il voulait voir ce vendeur qui, une semaine auparavant, avait réussi à faire tressaillir son coeur aussi noir que les ténèbres. Ce jeune homme qui, d'un seul regard, avait réussi à le faire perdre pied. Il voulait à nouveau voir son regard émeraude qui transperce son âme et le transporter vers d'autres mondes.

Alors sans même réfléchir une seconde, il se précipita vers la sortie sous le regard surpris de sa fratrie, quoique ravi de la part de son plus jeune frère qui avait compris sa destination, et de ses domestiques affolés.

Shoto, en voyant une telle pagaille, rappela à l'ordre le personnel et interdit à sa sœur de prévenir leur père. Il déconseille également à son second frère Natsuo de poursuivre leur aîné.

Il savait que ce dernier n'avait pas eu la vie qu'il souhaitait, et qu'il était la principale victime de leur mère malgré qu'elle ne soit pas fautive. Sa maladie la rongeait de l'intérieur puisqu'elle n'avait aucun traitement puisqu'elle n'a connu l'existence de son trouble mental qu' à son arrivée à l'hôpital. Depuis, elle regrettait ses actions et ses paroles envers son fils le plus âgé et comprenait sa réticence à la voir à nouveau, ou du moins la réticence de son mari. Enji avait, depuis ce malheureux jour, peur pour la santé de son fils. Il ne voulait pas qu'il lui arrive quoique ce soit. Il refusait de le savoir mal en point, quitte à le rendre malheureux en le surprotégeant.

Toya dévala la pente qui le séparait de la petite boutique. Qui le séparait de ce jeune homme. Il reprit son souffle une fois arrivé, poussa la porte et entra dans le magasin. Il regarda aux alentours et souffla de bien-être en voyant le bouclé. Il s'approcha lentement, comme hypnotisé par la merveille qu'il avait sous les yeux et, de manière maladroite, lança :

– Bonsoir, vous êtes toujours ouvert ?

Je te protégerais. Je t'aimerais.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant